La grossesse accélèrerait le vieillissement (heureusement de façon réversible)

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La grossesse accélèrerait le vieillissement (heureusement de façon réversible)
La grossesse accélèrerait le vieillissement (heureusement de façon réversible)

Africa-Press – Gabon. La grossesse augmente de deux ans l’âge biologique, mesuré en fonction du taux de modifications apportées à notre ADN, conclut une étude publiée sous forme de lettre dans la revue Cell Metabolism. Heureusement, ces effets semblent réversibles durant les trois mois post-partum, jusqu’à parfois baisser en deçà de l’âge de début de grossesse !

L’âge biologique traduit l’usure de notre corps

A chaque trimestre puis trois mois après l’accouchement, 119 femmes enceintes ont fourni des échantillons sanguins. Les scientifiques y recherchent des signes de l’évolution de l’âge biologique. “Nous sommes tous familiers avec le concept d’âge chronologique, c’est-à-dire notre âge en années, mois et jours depuis le jour de notre naissance”, explique Kieran O’Donnell, spécialiste de la santé reproductive à l’université de Yale (Etats-Unis), qui a dirigé ces travaux. “L’âge biologique fait référence au concept selon lequel nos organes, tissus et cellules peuvent subir une usure qui se traduit par un âge biologique qui peut être plus élevé (ou plus bas) que notre âge chronologique.”

Le défi est de savoir comment mesurer cette usure. L’une des méthodes se fie à l’épigénome, c’est-à-dire les modifications apportées à l’ADN et qui en changent le fonctionnement. Certaines de ces modifications rendront par exemple une portion d’ADN plus active, ou au contraire en inhiberont la fonction. La modification épigénétique qui intéresse particulièrement les chercheurs se nomme méthylation, elle consiste à l’ajout d’un groupement chimique nommé méthyle sur l’ADN. “Il existe certains sites du génome humain où les niveaux de méthylation de l’ADN changent de manière prévisible tout au long de la vie et au fur et à mesure que l’état de santé se détériore”, ajoute Kieran O’Donnell. Ce sont ces niveaux de méthylation à des emplacements précis de l’ADN qui ont permis aux chercheurs de mesurer l’âge biologique des femmes enceintes.

Un deuxième indicateur contribue aux calculs des chercheurs: les proportions de différents types de cellules immunitaires dans les échantillons sanguins. “Les proportions de cellules immunitaires varient au cours de la grossesse et de la période postnatale. Ceci est tout à fait normal et nécessaire pour établir et maintenir la grossesse”, notamment pour éviter que le corps de la mère ne rejette le fœtus comme un corps étranger, explique Kieran O’Donnell. Or, chaque type de cellule du corps humain présente un niveau légèrement différent de méthylation de l’ADN sur l’ensemble du génome. Les proportions de ces différents types de cellules contribuent donc à la variation de méthylations détectées à différents emplacements de l’ADN.

L’âge biologique augmente pendant la grossesse… Puis diminue en post-partum

“Nous avons constaté que les mesures de l’âge biologique augmentaient d’environ deux ans au cours de la grossesse”, souligne Kieran O’Donnell. Des résultats qui confirment de précédents travaux publiés dans la revue Cell Metabolism en 2023, réalisés sur des souris et 14 femmes. L’étude concluait que “le stress sévère induit des augmentations de l’âge biologique qui s’inversent lors de la récupération”, incluant la grossesse – sans le post-partum – mais également le Covid-19 ou la chirurgie.

Dans la nouvelle étude, les scientifiques constatent cependant avec surprise que cette augmentation de début de grossesse est “éclipsée par une diminution beaucoup plus importante – jusqu’à huit ans – de l’âge biologique entre la fin de la grossesse et les trois mois suivant l’accouchement”. En clair, trois mois après l’accouchement, l’âge biologique des femmes était majoritairement plus faible qu’en début de grossesse. Un effet renforcé chez celles qui allaitaient de façon exclusive pendant ces trois mois post-partum, s’étonne Kieran O’Donnell.

La grossesse permet-elle de rajeunir biologiquement les femmes ? “Nos mesures de l’âge biologique à trois mois du post-partum étaient généralement inférieures à celles observées au début de la grossesse”, admet Kieran O’Donnell. “Malheureusement, nous ne disposions pas de mesures de l’âge biologique avant la conception dans cette étude. Nous ne savons donc pas si les changements observés reflètent simplement le retour du système à son âge biologique d’avant la grossesse ou si cet effet va au-delà d’un simple effet de récupération, ce qui serait fascinant.” En outre, les chercheurs ne savent pas non plus si ces effets sont stables dans le temps, voire s’ils s’accumulent au fil des grossesses.

Des causes inconnues et de potentielles conséquences cardiovasculaires

Les raisons pour lesquelles la grossesse augmenterait le vieillissement biologique avant qu’il ne baisse drastiquement en post-partum restent encore inconnues. “J’ai d’abord supposé que ces changements pouvaient s’expliquer par ces fameuses modifications du nombre de cellules immunitaires dans le sang pendant la grossesse”, se souvient Kieran O’Donnell. Mais même en ajustant leurs analyses sur ce facteur, les chercheurs continuaient de constater une augmentation de l’âge biologique, suivie d’un solide effet de récupération dans le post-partum. Si cet effet pourrait malgré tout jouer sur les fluctuations de l’âge biologique pendant la grossesse, d’autres facteurs sont forcément à l’œuvre. Parmi eux, le spécialiste de la santé reproductive cite notamment l’inflammation, les lésions de l’ADN, le métabolisme et la fonction des cellules souches. “Il est également plausible que des mécanismes spécifiques à la grossesse influencent le vieillissement biologique, ce qui constitue une piste de recherche passionnante pour l’avenir.”

Si ces fluctuations sont intéressantes, ce n’est pas que d’un point de vue scientifique et intellectuel. “Les mesures de l’âge biologique que nous avons utilisées ont été associées à l’espérance de vie et à la mortalité dans des études antérieures”, affirme Kieran O’Donnell. “Nombre de ces biomarqueurs du vieillissement ont été associés à des mesures de maladies cardiovasculaires dans des cohortes indépendantes d’adultes plus âgés. L’étape suivante consiste à déterminer si les changements de l’âge biologique au cours de la grossesse et du post-partum ont une incidence sur la santé cardiovasculaire de la mère.”

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