
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Guinée. Il importe de rappeler que la Guinée, berceau de plusieurs cours d’eau, est riche en ressources naturelles, et possède une biodiversité exceptionnelle, ainsi que le tiers des réserves mondiales de bauxite (minerai indispensable à la production d’aluminium), d’importantes mines d’or, de diamant et de fer, outre les gisements pétroliers.
De facto, celui qui détiendrait le pouvoir, serait celui qui accèderait à toutes les richesses de ce pays.
C’est ainsi que trois ans après avoir renversé le président Alpha Condé, le général Mamadi Doumbouya, qui se prépare à passer institutionnellement de « Président de la transition à Président de la République », après s’être engagé à rétablir l’ordre constitutionnel avant le 31 décembre 2024 et à ne pas se présenter aux futures élections, ne semble pas vouloir lâcher le « siège de la Présidence », du moins dans le futur.
D’ailleurs, le serment qu’il avait fait à son peuple est en train de s’effriter à mesure que la date approche, et les soutiens ne font que se multiplier de jour en jour, comme l’a annoncé le porte-parole du Gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo qui s’est exprimé ainsi en faveur du général président: « La candidature de Mamadi Doumbouya est une évidence. Nous avons besoin de sa rigueur pour poursuivre les réformes. Les autres candidats ne pourront jamais être majoritaires, quant aux coalitions, elles n’ont causé que l’instabilité ».
• Une opposition qui tente de s’organiser contre la candidature de Mamadi Doumbouya
A noter qu’à pré de deux mois de l’achèvement de la période de transition mise en place suite à la chute du régime d’Alpha Condé, et alors que de plus en plus de voix s’élèvent parmi les partisans du général Mamadi Doumbouya en faveur de sa candidature à l’élection présidentielle 2025 (dont la date exacte est encore non fixée), l’opposition à la junte au pouvoir a commencé à se mobiliser depuis l’extérieur pour contrecarrer la candidature du Chef de la junte militaire.
• Cellou Dalein Diallo s’est-il réellement allié à Alpha Condé dans cet objectif ?
Cellou Dalein Diallo: figure de l’opposition guinéenne en exil
Le premier:
Diallo fût Premier ministre de décembre 2004 à avril 2006 et candidat à l’élection présidentielle de 2010, qu’il perdit au second tour face à Alpha Condé, et à partir de 2007 il devint le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).
Selon Diallo (figure de l’opposition en exil): « Le général Mamadi Doumbouya a fait tomber son masque après avoir cherché à gagner du temps et à abuser ces 3 dernières années de notre confiance et de notre bonne foi ».
« Son intention d’être candidat à sa propre succession alors qu’il a fait le serment d’organiser des élections libres, transparentes et inclusives pour céder la place à des dirigeants régulièrement élus, est un grave parjure personnel », a-t-il ajouté, en appelant toutes les forces vives de la Guinée ainsi que la communauté internationale à s’opposer « à la volonté du général Mamadi Doumbouya de se maintenir à la tête de l’Etat guinéen ».
L’ex-président guinéen: Alpha Condé
Le deuxième:
Condé a été Président de la Guinée du 21 décembre 2010 au 5 septembre 2021. Le 15 novembre 2010, Alpha Condé fût déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par la CENI avec 52,52% des voix, face à Cellou Dalein Diallo. La Cour suprême avait validé l’élection le 3 décembre suivant et Cellou Dalein Diallo avait reconnu sa propre défaite.
• Doumbouya compte tisser une toile d’amis
Le président turc Erdogan en compagnie du président Doumbouya et de son épouse à Ankara
Trois ans après le coup d’État, à la différence de ses voisins putschistes désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), notamment le Mali, le Burkina Faso, et le Niger, la Guinée a choisi de rester dans le giron de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une attitude d’ouverture qui tend à rassurer les partenaires internationaux, mais qui ne balaie ni les réserves ni les incertitudes, à un moment où la transition tentait de s’éterniser.
C’est ainsi qu’outre la CEDEAO, Mamadi Doumbouya essaye de s’entourer d’amis sûr tels que l’Alliance des Etats du Sahel, la France, la Russie, la Turquie, et autres, afin de conforter son assise et sécuriser les bases de sa structure à la tête de l’Etat, le plus longtemps.
Remarque, Doumbouya s’est installé dans sa fonction de « Président de la République », et semble y prendre goût.
• Question pertinente: l’armée guinéenne restera-t-elle loyale à Mamadi Doumbouya ?
Certes, le président de la transition a mené des réformes militaires dès son arrivée au pouvoir et renforcé en priorité ses fidèles forces spéciales, au risque de menacer l’équilibre précaire de l’armée, plongée dans les secrètes sphères sécuritaires guinéennes.
Toutefois, cette armée restera-t-elle « loyale » à ce général qui souhaite faire perdurer son mandat à la tête de l’Etat ?
Si nous nous sommes posé ladite question, c’est tout simplement pour revenir sur la journée du 26 septembre 2024 où une rumeur d’origine inconnue a créé la panique et de grands embouteillages pendant plusieurs heures, perturbant ainsi la sérénité des habitants de Conakry, la capitale guinéenne, qui ont eu du mal à comprendre ce qui se passait autour d’eux.
D’ailleurs, il semble que suite à cette panique, beaucoup de citoyens auraient même pris la fuite vers la banlieue, qualifiée de lieu sûr.
A l’origine de cette ruée en dehors de la capitale, des prétendus tirs à la Présidence qui auraient provoqué une vive inquiétude chez les habitants de la ville, en plein milieu de l’après-midi, lorsque des rumeurs sur des tirs ayant résonné dans le centre-ville de Conakry.
Néanmoins, dans un communiqué signé par le Porte-parole de la Présidence, le Général Amara CAMARA, la Présidence de la République a tenu à rassurer l’opinion nationale et internationale que « ces rumeurs sont fausses et étaient montées de toute pièce ».
• Découvrez ci-après une copie du communiqué de la présidence de la République publié en cette occasion
• Les Guinéens face « au POUR et au CONTRE »
Après le Premier ministre Amadou Oury Bah et le ministre porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo, qui se sont prononcés sur l’éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya à la présidentielle, censée marquer le retour à l’ordre constitutionnel, c’est autour du Général Amara Camara, Ministre-Secrétaire général à la Présidence, d’aborder le sujet à son tour en affirmant que les représentants des autorités militaires qui dirigent la Guinée depuis le coup d’État de 2021 ont confirmé leur préférence pour que le chef de la junte militaire se présente aux élections présidentielles en 2025.
« Si Mamadi Doumbouya veut se présenter, je l’encouragerai », a déclaré en septembre dernier, le porte-parole de la présidence, le général Camara, lors d’une réunion avec les journalistes, soulignant qu’il a le droit et les qualifications, « et qu’il n’y a aucune restriction constitutionnelle qui l’empêche de se présenter » demain aux élections en Guinée.
Le Général Amara Camara, Ministre-Secrétaire général à la Présidence
Pourtant, la Charte pour la période de transition, approuvée par le Conseil militaire après le coup d’État, stipule qu’il est interdit à ses membres de se présenter « aux élections nationales ou locales ». Mais Camara a souligné que rien n’empêche de surmonter cette condition en adoptant une nouvelle constitution pour la Guinée, qui permettrait à Doumbouya de se présenter aux élections présidentielles.
Pour rappel, vers la fin de juillet de l’année en cours, les autorités guinéennes, dominées par l’armée, ont présenté un projet de nouvelle constitution dans le but de le soumettre à un référendum général avant la fin de l’année. Cependant, aucune date n’a encore été fixée pour le vote du projet, qui a été rejeté par les principaux partis d’opposition et les organisations de la société civile.
A noter également que, dans les mois qui ont suivi le coup d’État militaire, le général Doumbouya avait réitéré son engagement à ne pas se présenter aux élections présidentielles.
De plus, dans le même contexte, le conseil militaire s’est engagé, sous la pression de la communauté internationale, à remettre le pouvoir à des civils élus d’ici fin 2024. Mais il a confirmé ultérieurement qu’il ne s’engagerait pas à cet égard.
Pour sa part, le ministre guinéen des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, a confirmé aux diplomates et représentants de la Francophonie à Paris que les élections, censées rétablir l’ordre constitutionnel, auront bien lieu en 2025.
Le ministre des Affaires étrangères: Morissanda Kouyaté
« Puisque la population et la communauté internationale voient le mieux les progrès démocratiques au niveau présidentiel, nous pouvons commencer par les élections présidentielles comme un gage d’engagement » en faveur d’une transition civile du gouvernement, a déclaré le Chef de la diplomatie guinéenne.
De son côté, le général Amara Camara a laissé entendre dernièrement qu’« Aujourd’hui, les Guinéens ont soif de voir le visage de leur prochain président, donc le gouvernement est ouvert à toute demande allant dans ce sens pour permettre la tenue d’élections, y compris en commençant par le haut (c’est-à-dire les élections présidentielles) jusqu’à la base.
Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a également confirmé son ouverture à la candidature de Doumbouya à l’élection présidentielle.
Le Mot de la Fin
La situation n’est jusqu’à présent pas tout à fait claire, et les élections présidentielles qui seront organisées dévoileront certainement tous les échos de ce qui se passera dans les coulisses, d’une part.
Et d’autre-part, on croit savoir que le conseil militaire cherche quant à lui à réprimer toute opposition et à interdire les manifestations et les médias qui le critiquent, sachant qu’un certain nombre de dirigeants de l’opposition ont été arrêtés, soupçonnés ou poussés à l’exil.
Alors que la Guinée se prépare à organiser un référendum constitutionnel, condition préalable aux élections présidentielles de 2025, les tensions montent dans la capitale, Conakry, et le gouvernement de transition dirigé par le président Mamadi Doumbouya semble resserrer son emprise sur le pouvoir, avec des inquiétudes croissantes quant aux retards et à des troubles croissants.
Ces derniers mois, le gouvernement a restreint la liberté des médias et réprimé l’opposition, avec la fermeture de plusieurs médias en juin 2024 et des journalistes ont déclaré être confrontés à une pression sans précédent.
Certains analystes estiment quant à eux que Doumbouya cherche à rester au pouvoir, notant que le projet de constitution n’interdit pas explicitement aux membres de la junte militaire au pouvoir de se présenter aux prochaines élections.
Lesdits analystes concluent en affirmant qu’à la lumière de ces circonstances politiques ambiguës, le gouvernement de transition est confronté à des défis internes et à un mécontentement croissant de l’opinion publique, en plus des doutes des observateurs internationaux, soulignant que même si le gouvernement promet d’organiser un référendum avant la fin de l’année, les retards croissants et l’augmentation les troubles soulèvent des doutes quant à la possibilité de tenir cette promesse.
Pour conclure, nous pensons que la question la plus importante reste de savoir si ce sera la dernière phase de transition que connaît la Guinée, ou si Doumbouya entend renforcer son emprise sur le pouvoir par les urnes.
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