Pourquoi Mamadi Doumbouya a remercié le gouvernement de Bernard Goumou

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Pourquoi Mamadi Doumbouya a remercié le gouvernement de Bernard Goumou
Pourquoi Mamadi Doumbouya a remercié le gouvernement de Bernard Goumou

Diawo Barry

Africa-Press – Guinée. Dans un communiqué, le président de la transition guinéenne a annoncé la dissolution du gouvernement. Il met ainsi fin au bras de fer qui opposait le Premier ministre au garde des Sceaux.

Le remaniement était attendu, mais il a surpris par son ampleur. C’est l’ensemble du gouvernement dirigé par Bernard Goumou qui a été remercié, dans la soirée du 19 février. Le communiqué a été lu par le général Amara Camara, le porte-parole de la présidence, entouré d’une vingtaine d’hommes en uniforme, dont le chef d’état-major général des armées et le haut commandant de la gendarmerie nationale.

La scène revêtait donc une allure martiale – rappelant les premières déclarations des militaires lors de leur prise du pouvoir et, à ceux qui auraient tendance à l’oublier, que la Guinée est dirigée par une junte.

« Le gouvernement est dissous. La gestion des affaires courantes sera assurée par les directeurs de cabinet, les secrétaires généraux et les secrétaires généraux adjoints jusqu’à la mise en place d’un nouveau gouvernement », a précisé Amara Camara.

Quand la nouvelle équipe sera-t-elle nommée ? Mamadi Doumbouya, le président de la transition, en décidera et dira s’il souhaite reconduire Bernard Goumou dans ses fonctions. Contacté par Jeune Afrique, un cadre de la primature dit craindre une présence accrue des militaires au sein du prochain gouvernement. « Ce serait la faute des civils, qui ont montré leurs limites [en étant incapables de] s’organiser et [de] s’entendre », tacle-t-il.

Le mécontentement de Doumbouya

Comme le 5 septembre 2021, jour de la chute d’Alpha Condé, les militaires ont annoncé, ce 19 février dans la soirée, dans un deuxième communiqué, le gel des comptes bancaires et la saisie des passeports des membres du gouvernement dissous. Ces derniers sont, comme l’avaient été à l’époque leurs prédécesseurs du régime Condé, sommés de rendre leurs véhicules de service.

Ironie du sort, et alors que Conakry bruissait depuis des mois de rumeurs de remaniement, c’est une question d’interdiction de voyage qui aura précipité la dissolution du gouvernement. Certes, Mamadi Doumbouya ne cachait plus son mécontentement et ne se privait pas d’en faire état en conseil des ministres. La grogne sociale, alimentée par les restrictions de l’accès à internet, le musellement de la presse, la crise des carburants (consécutive à l’explosion du dépôt de Conakry) et les délestages, laissait peu de chances au statu quo. Mais c’est surtout le bras de fer qui opposait Bernard Goumou à son ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, qui a contraint le chef de la junte à trancher.

Charles Wright, trop impulsif ?

Entre Goumou et Wright, qui ne se sont jamais entendus, le différend a atteint des sommets quand le second a entrepris de faire émettre des interdictions de voyager à l’encontre d’un certain nombre de cadres de l’administration. Dans un courrier daté du 13 février, Goumou s’en est agacé, disant avoir appris la mesure « avec une grande surprise, et dans les médias ».

S’adressant à son ministre, il poursuit: « Vous avez instruit que toutes ces personnes devront être empêchées de sortir du pays, ce qui restreint leur liberté de circuler […]. Je tiens à rappeler que, conformément aux dispositions de la charte de la transition, le Premier ministre dispose de l’administration et doit veiller au bon fonctionnement des services publics et à la bonne gestion de l’économie nationale et des finances publiques. Pour qu’une décision aussi importante soit mise en œuvre, il est indispensable que le Conseil des ministres, qui est la plus haute instance décisionnaire, soit saisi, la seule volonté d’un ministre ne pouvant suffire, dans le cas d’espèce, pour éviter les abus d’autorité. »

La réaction de Charles Wright, que même ses proches décrivent comme impulsif, ne s’est pas faite attendre. « Je suis au regret de rappeler que l’action publique ne peut être ni interrompue ni suspendue ou éteinte par l’instruction du pouvoir exécutif, et toute insistance dans ce sens serait une entrave à la Justice […], avant d’être une atteinte grave au principe de séparation des pouvoirs », a-t-il répliqué le même jour. Et d’asséner: « Le président de la République, en tant que garant de la stabilité et de l’équilibre des institutions, ne saurait tolérer une telle violation de la part de quelque autorité que ce soit. »

Échanges musclés

Le lendemain de ces échanges épistolaires, Bernard Goumou s’envolait pour Dubaï, pour participer à une table-ronde des bailleurs de fonds. « Avant son départ, il avait demandé au ministre-secrétaire général du gouvernement d’inscrire la question des injonctions de poursuites comme unique point à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres », souffle un interlocuteur à la primature.

Dans la matinée du 19 février, différentes sources faisaient même état de la suspension de l’impétueux garde des Sceaux… Jusqu’à ce que Mamadi Doumbouya décide de vider la querelle en congédiant l’ensemble du gouvernement. « Clairement, [la dispute] entre Goumou et Wright a précipité les choses », assure un ancien ministre.

« Dans de nombreux départements, cela n’allait pas du tout entre les chefs de cabinet, les secrétaires généraux et les ministres, ajoute notre source à la primature. Le respect de l’autorité n’existait plus. Certains ont des protégés ou se sentent protégés par la présidence… Tout le monde attendait la réaction du chef de l’État. La crise était telle que, depuis longtemps, nous pensions que la dissolution du gouvernement était la meilleure solution, quitte repêcher Goumou par la suite. »

Source: jeuneafrique

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