Vol inaugural Dubaï – Antananarivo : oui, mais…

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Vol inaugural Dubaï - Antananarivo : oui, mais...
Vol inaugural Dubaï - Antananarivo : oui, mais...

Africa-Press – Madagascar. Madagascar a accueilli hier le vol inaugural de la compagnie Emirates. L’ouverture d’une nouvelle connexion aérienne à l’international est a priori une bonne nouvelle, à un moment où Madagascar Airlines a suspendu ses vols long-courrier et ne prévoit pas de les reprendre avant 2026. Avec cette liaison vers le hub aérien de Dubaï qui permet ensuite de se connecter à plus de 136 destinations, les voyageurs ont donc à disposition un nouveau centre d’éclatement vers le monde entier en plus de Paris avec Air France (167 destinations), Nairobi avec Kenya Airways (50 destinations) et Addis Abeba avec Ethiopian Airlines (155 destinations).

Il y a en tous cas des réseaux qui doivent se réjouir de l’ouverture de cette ligne. On voit dans les statistiques du commerce de l’or que la quantité infime déclarée au départ de Madagascar, augmente exponentiellement à l’arrivée à Dubaï. Les acteurs derrière cette magie doivent donc se réjouir de cette liaison directe qui raccourcit le circuit, et donc les possibilités de problèmes. On se souvient que les fameux 73,5 kilos d’or interceptés en Afrique du Sud en 2021 avaient été revendiqués par une société basée à Dubaï, et que cette destination revient souvent dans l’actualité du trafic d’or.

Toutefois, théoriquement cette nouvelle ligne devrait être une bonne nouvelle pour le tourisme et le monde des affaires à Madagascar, et pas seulement pour les trafiquants. Ces vols vont multiplier l’offre aérienne vers la Grande Île, ce qui pourrait faire jouer la concurrence et donc contribuer à faire baisser les prix vers une destinations réputée être parmi les plus chères du monde. Le relatif faible nombre de passagers actuel ne permet pas de bénéficier de l’économie d’échelle, ce qui rend Paris-Antananarivo souvent un peu plus cher que Paris-Maurice, ou Paris-Capetown. Or, pour un temps de vol plus ou moins identique, ces destinations présentent pourtant une offre plus alléchante que notre pays.

En effet, il ne suffit pas de mettre des vols pour amener les touristes. Encore faut-il qu’il y ait les hôtels de qualité et en quantité pour les accueillir. Encore faut-il que les hôtels aient les moyens d’offrir l’eau et l’électricité, qui sont un standard de l’hôtellerie internationale. Encore faut-il que la sécurité soit assurée dans les villes, sur les routes, et dans les sites touristiques. Encore faut-il que le pays possède un système hospitalier rassurant en cas de problème de santé. Encore faut-il que les sites soient accessibles sans avoir à passer une journée entière pour quelques kilomètres sur une route nationale à profil de piste secondaire, ou être tributaire des lubies d’une compagnie nationale sur les vols intérieurs. Et ainsi de suite.

Malheureusement, il ne suffit pas d’avoir quelques baobabs, lémuriens, caméléons ou tsingy pour attirer le touriste. Les destinations concurrentes proposent également des safaris, des plages, de la plongée sous-marine et autres activités valorisant la faune et la flore. Mais ils ont aussi un système touristique qui allie professionnalisme, qualité des infrastructures, accessibilité des sites etc. C’est ce raisonnement simple qui explique pourquoi Maurice a accueilli 1,3 millions de touristes en 2023, l’Afrique du Sud 8,48 millions, et Madagascar 0,26 millions. [1]. Dans le contexte actuel, on se demande avec perplexité comment Viviane Dewa, la nouvelle ministre en charge du secteur, compte atteindre un million de touristes d’ici 2028. Un chiffre symbolique annoncé de façon récurrente par tous les ministres qui se succèdent, pour tenter d’égaler l’île Maurice. Toutefois, sans action sur l’ensemble du système en termes d’infrastructures et de professionnalisme, cette barre du million restera un voeu pieu. D’autant plus que la destination Madagascar est loin de bénéficier d’une image solide et rassurante dans les recommandations émises par les pays pourvoyeurs de touristes envers leurs ressortissants.

Toutefois, il est indéniable que le Moyen-Orient a le vent en poupe sur le plan des performances touristiques après la période du Covid. [2] Si l’on juge par les photos de vacances familiales exposées sur Facebook, Dubai est aussi devenue une destination de choix pour les touristes Malgaches. La ligne directe va-t-elle alors favoriser le tourisme inbound ou outbound ?

Andry Rajoelina lui-même y est allé à plusieurs reprises ces dernières années, pour des raisons dont l’intérêt national reste à démontrer. Mais on constate que sa progéniture est insérée régulièrement dans toutes les activités présidentielles avec Dubai, qu’il s’agisse de voyages officiels ou même de l’accueil du vol inaugural. Les voyages de ses fils sont-ils payés par le contribuable ? Si oui, quelle est la justification de leur présence dans les délégations: ont-ils un rôle précis assigné par la République ? La transparence éviterait les suspicions sur le véritable intérêt du régime actuel vers Dubai et l’ouverture de la ligne directe. On espère juste qu’il ne s’agit pas en priorité de soutenir un business familial dans lequel le fiston s’implique. Si tel était le cas, le Président Ravalomanana qui utilisait les prérogatives de puissance publique pour développer l’empire de Tiko ferait figure de petit joueur.

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