Traité sur la Pollution Plastique À Genève

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Traité sur la Pollution Plastique À Genève
Traité sur la Pollution Plastique À Genève

Africa-Press – Mali. Décidé lors de l’assemblée générale de l’ONU en septembre 2022, le traité sur la pollution plastique entre dans sa dernière ligne droite. Au soir du 14 août 2025 ou dans les heures qui suivent, les 195 Etats membres de l’ONU devront avoir adopté par consensus un texte encadrant l’action multilatérale pour réduire les impacts d’une diffusion à grande échelle de substances qui ne se dégradent pas ou très mal dans l’environnement. « Nous sommes dans le même cas de figure que pour l’accord de Paris sur le climat, résume Barbara Pompili, ambassadrice pour l’environnement représentant le gouvernement français. Toute la communauté internationale doit se mettre d’accord sur une ambition et sur la façon de la remplir dans un cadre juridique contraignant. Puis tous les ans ou tous les deux ans, les négociateurs se réuniront lors de conférences des parties (COP) pour mettre concrètement en place les outils juridiques nécessaires ainsi que les moyens à mettre en place pour que chaque pays lutte réellement contre cette pollution ».

L’enjeu n’est donc pas tant d’obtenir un texte. « C’est d’avoir un accord qui permette réellement de réduire la pollution, et sur ce point, les avis divergent, si bien que nous craignons que ce ne soit le moins disant qui l’emporte », résume Muriel Papin, déléguée générale de l’ONG « No plastic in my sea ». S’il y a trois ans, l’assemblée générale de l’ONU a acté de la nécessité d’un règlement international, c’est parce que la pollution par les plastiques est devenue un problème environnemental et sanitaire global.

La production actuelle de « polymères plastiques primaires », la substance de base de fabrication de tous les plastiques, est estimée à 460 millions de tonnes. Elle devrait tripler d’ici 2060. D’ici 2040, les déchets plastiques devraient atteindre 617 millions de tonnes contre 360 millions en 2020, selon les études de l’OCDE. Moins de 10% de ces volumes sont traités ou recyclés. Le reste part dans l’environnement. On estime que chaque minute, 15 tonnes de plastique partent à l’océan. Des études de plus en plus précises dessinent également la pollution invisible par les microplastiques. Ceux-ci entrent dans la chaîne alimentaire, sont présents dans l’atmosphère et les eaux continentales et marines. Ces particules finissent par provoquer chez les animaux, dont l’humain, des maladies gastriques chroniques, de l’obésité et des maladies cardio-vasculaires.

L’appel de Nice réunit 95 Etats qui exigent la réduction de la production

La France n’échappe pas à ces rejets massifs qui ne sont pas l’apanage des pays en voie de développement où les traitements de déchets sont lacunaires. Sur les 4,5 millions de tonnes de déchets produites tous les ans dans l’Hexagone, 4,4 millions de tonnes sont effectivement collectées, ce qui signifie que 100.000 tonnes partent dans l’environnement. Un exemple récent: dans la seule journée du 16 juillet, la communauté d’agglomération du Comtat-Venaissin a ramassé 5,2 tonnes d’ordures ménagères, dont 410 kilos d’emballages plastique sur le mont Ventoux, lors du passage du Tour de France cycliste. Avec un taux de recyclage de 26% seulement, la France est 26ème sur 27 des pays membres de l’Union européenne.

Ce qui n’empêche pas d’adopter la position la plus vertueuse de la négociation qui va s’ouvrir à Genève. La France comme une majorité d’Etats veulent une réduction de la production des polymères. 96 Etats l’ont rappelé lors de la conférence onusienne sur l’océan à Nice en juin 2025. Au lieu donc d’un triplement des volumes générés, il s’agirait d’instaurer le plus vite possible une limite de production à ne pas dépasser avant d’entrer dans une phase de réduction semblable à l’accord sur le climat qui projette – avec peu de succès pour l’instant – une diminution progressive des émissions de gaz à effet de serre. « C’est le seul moyen d’obtenir une baisse des rejets dans l’environnement, soutient Lise Pastor, chargée de plaidoyer au sein de l’ONG Surfrider Foundation Europe. Des études scientifiques ont montré qu’agir seulement sur le traitement des déchets ne permet de réduire la pollution que de 17% seulement ». La diminution de la production passerait également par l’interdiction de certains objets comme ceux à usage unique, les bouteilles en plastique, les emballages inutiles. « Ainsi, le marché de l’eau embouteillée a augmenté de 73% dans la dernière décennie pour atteindre aujourd’hui 236 milliards d’euros, dénonce Muriel Papin. Alors que les besoins estimés pour que l’ensemble de la population mondiale ait accès à l’eau potable au domicile sont de 100 milliards d’euros ».

L’amélioration du traitement des déchets ne ferait baisser la pollution que de 17%

Les opposants à la réduction plaident, eux, pour une amélioration de la gestion des volumes produits. Grâce à l’éco-conception, ces pays producteurs de plastique estiment pouvoir diminuer l’impact des plastiques en favorisant leur recyclage. Ils plaident pour une amélioration des systèmes de traitement que ce soit par enfouissement ou par incinération. Ce camp minoritaire d’une vingtaine de pays comprend les poids lourds du système international que sont les pays producteurs de pétrole (pays du golfe Persique et Russie) mais aussi les producteurs que sont la Chine (1/3 du marché) et les Etats-Unis (17%). Les observateurs de la négociation remarquent cependant une position constructive des Chinois tandis que les Américains restent présents à la table des négociations sans pour autant modifier leur position.

Sur la vingtaine d’articles en discussion, l’article 6 portant sur la réduction de la production est ainsi celui où les affrontements seront les plus vifs. Dans la dernière version du texte remise par les responsables coréens de la négociation qui s’est terminée sans accord en décembre 2024 à Busan en Corée du Sud, il existe deux options pour cet article 6: sa suppression pure et simple ou une multitude de versions qui balaie un large spectre allant d’une réduction volontaire des plastiques avec un calendrier contraignant à respecter à de vagues promesses exprimées au conditionnel. Les négociateurs et les gouvernements (70 chefs d’Etats sont annoncés à Genève) devront donc choisir le degré de sérieux de l’action.

Les plastiques contiennent des molécules dont la toxicité est avérée

L’article 3 devrait également faire l’objet de longues discussions. Cet article traite de l’interdiction des substances chimiques les plus dangereuses. Les plastiques, ce sont en effet de longues chaines de polymères dans lesquelles s’insèrent des molécules qui donnent les propriétés recherchées de souplesse, de résistance ou simplement d’esthétisme. La « coalition des scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques » a répertorié exactement 16325 substances chimiques insérées dans les plastiques qui peuvent être persistantes, mobiles ou toxiques. « Parmi ces additifs, on constate la présence de molécules dont l’effet toxique a été prouvé comme les phtalates, le bisphénol A, les retardateurs de flamme bromés, etc. », dénonce Marie-France Dignac, chercheuse à l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’une des membres du comité de coordination de la coalition des scientifiques. Sur les 16 325 molécules répertoriées, 3 651 ont une toxicité qui a été prouvée, 1 168 sont moins dangereuses mais surtout 10 345 n’ont fait l’objet d’aucune étude d’évaluation de dangerosité et donc on ne connaît rien de leurs potentiels effets.

Quel va être l’issue de la négociation le 14 août au soir au Palais des Nations de Genève? Personne n’ose faire un pronostic. En cas d’absence de consensus, les pays les plus volontaristes estiment qu’il est juridiquement possible de surmonter les oppositions de la vingtaine d’Etats irréductibles en organisant un vote à la majorité, vote que les partisans de la réduction ont de grandes chances de gagner. Mais comment mettre en œuvre un traité qui laisse les pays producteurs à la porte? Pour donner toute sa chance à la discussion, les organisateurs suisses ont réduit le temps consacré aux séances plénières où chaque Etat expose à tout de rôle sa position. Les tractations se feront en comités plus restreints dans des espaces clos.

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