La Force commune au Sahel quittera le Mali sous « peine et regrets »

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La Force commune au Sahel quittera le Mali sous « peine et regrets »
Emmanuel Macron lors de la réunion de Paris du 17 février 2022

Africa-Press – Mali. La question trop pertinente du retrait des forces militaires françaises et occidentales du Mali, suite au rejet grandissant de la présence de la France dans le pays et dans d’autres pays membres du G5 Sahel, vient de prendre une nouvelle tournure.

Lors d’une réunion tenue le mercredi 16 février 2022 à l’Elysée, il a été décidé, finalement, que la France, le Canada et les pays européens impliqués dans la force commune au Sahel, retirent leurs troupes militaires du Mali pour les transférer au Niger.

L’annonce a été officiellement faite par le président français Emmanuel Macron, le jeudi 17 février 2022 à l’issue d’un dîner politique organisé à l’Elysée, en présence d’une trentaine de chefs d’Etat d’Afrique et d’Europe, précisant à ce sujet que la France et ses alliés européens et le Canada ont décidé un retrait complet des forces françaises stationnées au Mali, et ce, après neuf ans d’intervention militaire contre des groupes armés djihadistes.

Il s’agit donc là d’une concertation ayant abouti à « une décision coordonnée de retrait du bataillon français ‘Barkhane’ et du bataillon européen ‘Takuba ‘».

A noter que la déclaration commune issue de cette consultation a souligné qu’« en raison des obstacles mis en place par les autorités maliennes de transition contre la présence militaire française et européenne au Mali, les pays participant à la consultation considèrent que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques nécessaires aux interventions militaires françaises et européennes ne sont plus disponibles et garanties pour poursuivre les engagements militaires actuels ».

Dans le communiqué rendu public, on pouvait lire ceci : « …Cependant, nous resterons déterminés à apporter notre soutien au Mali et au peuple malien dans leurs efforts pour rétablir la paix et la stabilité… ».

En cette occasion, Emmanuel Macron a tenu à préciser «…que le retrait qui a été décidé comprendra la fermeture des camps de ‘Gusi, Manaka et Gao’ dans le nord du Mali, et se fera en coordination avec les forces militaires maliennes et la Mission des Nations unies au Mali », tout en ajoutant que «…le retrait des forces françaises nécessite un délai de quatre à six mois ».

Unités militaires françaises au Mali sur le point du retrait

Répondant à la question qui lui a été posée par les journalistes « savoir si la situation aurait été ainsi si la France n’était pas intervenue au Mali en 2013 », le président français a déclaré que : « L’Etat du Mali se serait effondré de manière permanente ».

Macron a indiqué entre autres que : « Les dirigeants des pays signataires de la déclaration ont convenu de poursuivre leur activité anti-terroriste conjointe au Sahel, en particulier au Niger et dans le golfe de Guinée, des zones devenues une destination privilégiée pour l’expansion d’Al-Qaïda et de Daech et d’autres groupes et rebelles armés », en ajoutant à ce sujet : « Il a été décidé de poursuivre les consultations entre les pays signataires de la déclaration, pour s’entendre d’ici juin 2022, sur les modalités d’une action coordonnée et concertée au niveau international qui fera sortir la France du premier plan, car le rôle de la France n’est pas de se substituer aux pays ».

Les partenaires internationaux ont affirmé quant à eux qu’ils « s’étaient mis d’accord pour faire face à l’expansion géographique de l’activité terroriste armée afin qu’elle ne s’étende pas vers le sud et l’ouest de la région du Sahel, en apportant un soutien aux pays riverains du golfe de Guinée, selon leurs demandes ».

Autrement dit « les éléments de la force européenne ‘Takuba’ seront redéployés aux côtés des forces armées nigériennes tout le long de la frontière entre le Niger et le Mali », sachant que la France est plus que jamais déterminée à placer la population civile au centre de ses préoccupations et de sa nouvelle stratégie, car elle est d’abord la principale victime des opérations terroristes.

Macky Sall – Président de l’Union africaine

Le Président sénégalais et Pt en exercice de l’Union africaine : Macky Sall

Pour sa part, le président en exercice de l’Union africaine, notamment le président du Sénégal, Macky Sall, qui a participé à la réunion de Paris, a affirmé que les signataires comprennent la décision qui a été prise de se retirer du Mali, en déclarant ceci : « Nous sommes heureux de renouveler l’engagement car ce qui a été décidé n’est pas un retrait complet, c’est juste un redéploiement des forces françaises et européennes au sein de la région sahélienne ».

Macky Sall a tenu à préciser que la lutte contre les groupes armés dans la région du Sahel « ne peut pas être l’affaire des seuls pays africains ».

Ainsi, après toutes ces années, la force Barkhane quittera le territoire malien, et fermera ses bases, en particulier la grande base française stationnée à Gao. Dans ce contexte, le porte-parole de l’armée française a apporté les précisions suivantes : « le retrait militaire français du Mali se fera par voie terrestre, où les blindés se dirigeront vers le golfe de Guinée, alors qu’il a été décidé d’organiser un pont aérien entre la base aérienne de Gao au nord du Mali et les aéroports nigériens et français pour évacuer et les soldats et les véhicules ».

De son côté, le commandement général de l’Etat-major de l’armée française a précisé qu’il « effectuera un retrait coordonné, propre et sécurisé », ce qui confirme sa détermination à ne laisser ni abandonner aucun engin ni arme à l’armée malienne ».

Le commandement poursuit : « Le retrait militaire français nécessite de gros efforts logistique et sécuritaire pour les opérations de retrait, et les Maliens doivent comprendre que nous serons très prudents lors du retrait de nos unités ».

Par ailleurs, dans la mêlée de ce qui est en train de se passer, Macron a mis l’accent sur le fait qu’il rejette complètement l’idée d’un « échec de la France au Mali », en optant pour le retrait de ses forces de ce pays, après neuf ans de lutte contre les groupes armés.

Il a ajouté que la France et ses partenaires européens ne partagent pas « la stratégie ou les objectifs cachés » de la junte militaire au pouvoir au Mali, justifiant ainsi le retrait des forces françaises et européennes de ce pays.

« C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés au Mali. La lutte contre le terrorisme ne peut et ne doit pas tout justifier, arguant qu’il s’agit d’une priorité absolue qui s’est transformée en un exercice pour conserver indéfiniment le pouvoir », a-t-il souligné.

Il a estimé que le groupe Wagner, connu pour sa proximité avec le président Vladimir Poutine, est au Mali pour servir ses « intérêts économiques » et assurer la sécurité et le maintien de la junte militaire au pouvoir à Bamako.

Macron a affirmé que ces mercenaires « sont venus notamment pour assurer leurs intérêts économiques et les intérêts de la junte, c’est la réalité que nous voyons », alors que les autorités maliennes nient toujours leur présence sur son territoire.

Valérie Pécresse

Toutefois, des voix se sont élevées contre Macron en France, dont Valérie Pécresse et Marine Le Pen :

• Valérie Pécresse – candidate des Républicains à la présidentielle, a fait remarquer que « la façon dont la France est traitée par la junte militaire malienne n’est pas digne » et a jugé qu’il n’est pas besoin de partir de la région comme les Américains l’ont fait en Afghanistan. Il ne faut pas abandonner ce terrain sur lequel la France défend des valeurs universelles ».

Marine Le Pen

• Marine Le Pen – candidate au Rassemblement national, a estimé quant à elle qu’ « être contraint de partir après avoir été aussi humilié par le gouvernement malien est un échec » et déplore l’absence de « stratégie de sortie ».

Anouar CHENNOUFI

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