L’inculpation de «Soumeylou Boubèye Maïga»… une affaire qui a longtemps défrayé la chronique

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L’ancien Premier ministre malien

Rapporté par
Anouar Chennoufi

Africa-PressMali. L’ancien Premier ministre du Mali, du 30 décembre 2017 au 23 avril 2019, Soumeylou Boubèye Maïga, qui a été arrêté puis inculpé par la chambre d’accusation de la Cour suprême du Mali, le jeudi 26 août 2021, en compagnie de sa collègue de l’Economie et des Finances, Bouaré Fily Sissoko, dans le cadre de l’affaire de l’achat d’un avion présidentiel pendant la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, est l’une des premières victimes du déclenchement par les nouvelles autorités maliennes d’une lutte contre la corruption.

Bouaré Fily Sissoko Ministre de l’Économie et des Finances

Campagne de lutte contre la corruption

Cette opération de nettoyage, dite « mains propres », a incité à la réouverture d’un dossier qui continue de défrayer la chronique, celui de l’ancien Premier ministre, que ce soit sur le plan médiatique ou encore sur le plan politique, et l’opinion publique demeure profondément avide d’infos dans l’intention de connaître les dessous de cette affaire, surtout que les avocats des deux personnalités ont affirmé qu’elles n’ont absolument rien à se reprocher.

Aujourd’hui âge de 67 ans, Soumeylou Boubèye Maïga est une figure majeure de la politique malienne, et selon son avocat, Kassoum Tapo, il est poursuivi pour « escroquerie, faux, usage de faux, et favoritisme ».

Accusations

Mais, l’accusation la plus pointilleuse qu’il traîne derrière lui, c’est que l’ancien Premier ministre est soupçonné essentiellement dans le cadre de l’acquisition en 2014, alors qu’il était ministre de la Défense et des Anciens combattants, d’un avion présidentiel pour un montant de 20 milliards de francs CFA (environ 30,5 millions d’euros), un achat minutieusement passé au tamis par le Bureau vérificateur général (BVG), l’autorité malienne indépendante qui a dénoncé des pratiques de surfacturation, de détournement de fonds publics et autres délits.

Personne ne sait encore combien avait coûté exactement l’avion présidentiel d’Ibrahim Boubacar Keïta, car entre le coût réel, les commissions d’intermédiaires et les autres frais, le BVG a constaté que les chiffres diffèrent, et que surtout, tous sont impressionnants.

Soumeylou Boubèye Maïga

Incarcération

A noter que son comité de défense (ses avocats), a adressé divers appels aux autorités maliennes, après lui avoir rendu visite à la maison centrale d’arrêt de Bamako, où il est incarcéré, et constaté que leur client vit son calvaire dans un dortoir pénitencier comptant 77 détenus.

En effet, ses avocats ont rendu public un communiqué dans ce sens, il y a quelques jours, appelant les autorités judiciaires à revoir le traitement réservé en prison à Maïga, tout en s’insurgeant dans leur communiqué contre le maintien de l’ancien Premier ministre avec plus de 3.000 détenus, dont prés de 200 présumés terroristes, précisant encore qu’il n’est même pas libre de ses mouvements.

Comité de défense

Ses avocats ont souligné que : « Face à cette situation d’une rare gravité, nous avons adressé une lettre au ministre de la Justice et des Droits de l’Homme du Mali pour dénoncer les conditions inacceptables de Soumeylou Boubèye Maïga, l’ancien ministre, ancien directeur général de la sécurité d’État, pendant près de 10 ans, et ancien Premier ministre ».

Toutefois, il reste à démonter si la procédure judiciaire est régulière ou pas, s’il n’y a pas de dépassements démesurés et voulus, ou de manœuvres machiavéliques entrant dans le cadre des « règlements de comptes », car la prise en main de l’affaire par la Cour suprême, en lieu et place de la Haute cour de justice, seule compétente en théorie pour juger les ministres, n’a fait que diviser les « parties prenantes ».

Instrumentation de la justice ?

Dans ce contexte, Cheik Mohammed Chérif Koné, le président de l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), a qualifié l’affaire comme étant une « instrumentalisation de la justice ».

D’autres, au contraire, se réjouissent en insistant sur le fait que : « l’inculpation des deux anciens ministres (Maïga et Fily) est une bonne chose », considérant cela comme une avancée contre l’impunité, comme par exemple le Président de la plateforme contre la corruption et le chômage au Mali (PCC), Clément Dembélé, qui a déclaré clairement que : « Les inculpations de Soumeylou Boubèye Maïga et de Bouaré constituent un point de départ d’une lutte qui va commencer. Boubèye n’est pas le seul, Madame Fily n’est pas la seule, il y en a beaucoup d’autres. Il y a également des officiers supérieurs dans cette affaire, des conseillers…».

Notons que l’affaire de l’ancien Premier ministre faisait partie des dossiers ayant été classés « sans suite », en 2018. Néanmoins ces dossiers ont été rouverts en 2020, après la démission de Soumeylou Boubèye Maïga, le 18 avril 2019, autant que tout son gouvernement, à l’issue du massacre de 160 Peuls survenu à Ogossagou, le 23 mars 2019.

Pièces à conviction

La manifestation spectaculaire qui s’en suivit le 5 avril 2019, organisée dans un contexte d’insécurité et de malaise social, a été déterminante pour le changement de gouvernance, et a fait avancer les choses dans le sens d’une motion de censure, appuyée par des rapports de la Cour des comptes et du vérificateur général, ainsi que par ceux émanant du Fonds Monétaire International (FMI), qui avaient tous confirmé l’existence de surfacturations et de nombreuses anomalies, lors de l’achat de l’avion présidentiel durant le mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta.

Pourtant, personne ne peut douter le moins du monde des compétences de cet homme d’État malien, en l’occurrence Soumeylou Boubèye Maïga, qui a notamment servi comme Patron des services de renseignements, Ministre des Affaires étrangères et Secrétaire général de la présidence, pour « finir » sa carrière politique, d’abord comme « Premier ministre » du Mali du 30 décembre 2017 au 23 avril 2019, et pour se retrouver derrière les barreaux, pour on ne sait combien d’années !

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