Africa-Press – Mali. Nous avons appris que, dans la confusion totale et les grandes tensions vécues par les relations franco-maliennes, en particulier, et par la situation à l’intérieur, en général, un projet de loi aurait été adopté dernièrement par le Conseil des ministres tenu à Bamako, dont le texte visant à « supprimer le poste de vice-président de transition », conforte la position du colonel Assimi Goïta tout en faisant de lui le seul décideur.
A noter que le communiqué publié le samedi 5 février, et qui ne précise pas la durée de la phase, indique que cette loi évoque notamment :
• l’augmentation du nombre de membres du Conseil national de transition (composé actuellement de 121),
• le renforcement du caractère inclusif du projet de rétablissement de l’État,
• l’adaptation de la durée de la phase de transition en fonction des consignes du gouvernement.
Il est utile de rappeler que le pays semble être bien « déstabilisé », politiquement et militairement, depuis la fin de la conférence sur la réforme du Mali, tenue le 30 décembre de l’année écoulée, lors de laquelle le gouvernement malien avait proposé une période à de transition de six mois à cinq ans, qui prendrait effet à partir du 1er janvier 2022.
Dans le même contexte, le ministère des Affaires étrangères du Mali a annoncé également que le gouvernement de transition compte aussi durcir les conditions de délivrance des visas d’entrée au pays, au niveau de toutes ses missions diplomatiques et bureaux consulaires à l’étranger.
En parcourant le communiqué rendu public en cette occasion par le Chef de la diplomatie malienne, on pouvait lire ceci : « Compte tenu du contexte actuel, je vous appelle à redoubler de vigilance et de rigueur en matière de délivrance de tout type de visa pour entrer au Mali ».
Toutefois, ledit communiqué n’a pas révélé les vraies raisons qui ont poussé le gouvernement malien à prendre une telle mesure, mais à ne pas oublier que le Premier ministre du Mali, Choguel Kokalla Maïga, avait accusé la France d’être à l’origine de la formation de ce qu’il avait qualifié de « groupes terroristes » actifs dans le pays, déclaration ayant augmenté les tensions qui ont abouti finalement à l’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako, Joël Meyer.
La France tente de revoir le statut de sa présence au Mali

Face aux pressions croissantes de la junte qui entravent son action militaire contre les terroristes au Mali, Paris a prévenu le vendredi 4 du mois courant qu’elle, avec ses partenaires européens, ne pouvait plus en rester ainsi dans le pays, comme l’a signifié le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, dans une déclaration accordée aux médias, dénonçant les « obstacles croissants auxquels est confrontée la mission des Forces européennes, françaises et internationales ».
Certes, les relations de Bamako avec les Européens et avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ‘CEDEAO’ qui a imposé des sanctions diplomatiques et économiques strictes au Mali, se sont détériorées de plus d’un cran.
C’est d’ailleurs dans ce sens que le Conseil militaire de transition est accusé d’avoir utilisé des mercenaires du groupe militaire russe ‘Wagner’, ce qu’il a toujours nié, à ce jour.
Le CMT a également exigé la reconsidération des accords de défense avec Paris, et a récemment demandé aux forces danoises qui participent à la force européenne ‘Takuba’, dirigée par la France, de quitter le pays, ce que plusieurs sources françaises proches du dossier ont considéré comme une ‘insulte’.
Ordre de quitter le Mali intimé aux soldats du Danemark

La ministre danoise de la Défense, Trine Bramsen, a déclaré que « les pays participant à la force Takuba prendraient une décision dans les deux semaines », tandis que Le Drian a souligné à son tour : « Nous entamons maintenant des consultations avec nos partenaires pour évaluer la situation et adapter notre appareil aux nouvelles données ».
Bramsen a précisé entre-autres que : « Dans les 14 prochains jours, les pays prendront une décision sur ce que l’avenir de la lutte contre le terrorisme au Sahel devrait être».
Dans la mêlée de toutes ces situations devenues un peu trop « rocambolesques », le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, a tenu à préciser : « Que la demande de départ des forces françaises n’est pas évoquée à l’heure actuelle », mais il a poursuivi : « Si leur présence (les forces militaires françaises) est considérée à un moment donné comme en conflit avec les intérêts du Mali, nous n’hésiterons pas à prendre nos responsabilités, mais nous n’en sommes pas encore là ».
Par contre, si cette force symbolise une Europe défensive que le président français Emmanuel Macron appelle à son renforcement, son avenir dépend aujourd’hui de ce que souhaite le Conseil militaire.
Si le processus échoue, il constituera un revers majeur sous la présidence française de l’Union européenne et à trois mois des élections présidentielles françaises.
Cependant, la France reste soucieuse d’afficher une position européenne unie sur cette question, cherchant à éviter toute comparaison avec le retrait des États-Unis d’Afghanistan, l’été dernier, sans aucune concertation avec ses alliés.
Paris a adopté tout de même une attitude apparemment indolente, mais l’inquiétude apparaît dans les coulisses.
Les obstacles dressés par le Conseil militaire, profitant de la montée des sentiments anti-français dans la région, pourraient à terme poser la question d’un retrait français global du Mali.

Pour retourner à ce sentiment de rejet anti-français, on a relevé, dans la journée du samedi 5 février 2022, que des milliers de personnes ont participé à une manifestation qui a pris naissance dans les rues de Bamako, la capitale du Mali, avec comme objectif de célébrer l’expulsion de l’ambassadeur français de leur pays.
Les protestataires, qui ont répondu à l’appel des mouvements anti-français, ont brandi et brûlé sur la place publique des photos du président français Emmanuel Macron, et levé également des slogans contre la présence française au Mali.
Réagissant à ces actes, Jean-Yves Le Drian a déclaré que la junte malienne était « hors de contrôle » à un moment de tension croissante entre le pays d’Afrique de l’Ouest et ses partenaires européens, au sujet de la coopération militaire et des élections.
Pour sa part, la ministre française des Armées, Florence Parly, a déclaré : « que les forces françaises ne resteraient pas au Mali si le prix devenait trop élevé ».
Anouar CHENNOUFI
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