MALI : Comment l’Algérie compte-t-elle sauver l’accord de paix de 2015 pour éviter l’émergence d’un conflit international ?

59
MALI : Comment l'Algérie compte-t-elle sauver l'accord de paix de 2015 pour éviter l’émergence d’un conflit international ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Devant les difficultés à mettre en œuvre cet accord de paix conclu à Alger en 2015, dans un pays où la majorité de la population le rejette, par méconnaissance, alors que les violences commises par les groupes armés expansionnistes n’ont guère cessé, l’initiateur du projet, à savoir l’Algérie, tente encore une fois de sauver l’accord de paix dans le seul but d’éviter que le Mali ne devienne l’épicentre d’un conflit international prêt à exploser.

L’ambition américano-russe fait perdre l’influence exclusive de la France

L’influence historique de la France en Afrique, notamment au Mali, s’est rapidement estompée, ce qui a ouvert le pays aux ambitions d’autres puissances internationales cherchant à combler le vide, ce qui représente également un défi pour les pays voisins s’immisçant dans la question de la sécurité régionale.

En effet, l’émergence remarquable des ambitions américaines et russes dans l’Etat du Mali, signe explicitement la fin de l’influence exclusive et historique de la France dans l’Etat du Mali, car après les déclarations de la représentante de l’Institut Carter et ambassadrice américaine en Algérie, Bisa Williams, sur l’incapacité de Paris à résoudre seule la crise malienne, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a confirmé la disponibilité de Moscou à aider Bamako dans la lutte contre les groupes armés, et alors que l’Algérie s’accroche à l’accord de paix conclu sur son territoire, la crise malienne se dirige vers plus de complexité et d’enchevêtrement entre les puissances internationales.

Déclarations de la diplomate américaine

Ramtane Lamamra Ministre algérien des Affaires étrangères recevant Mme Bisa Williams diplomate américaine

Pour revenir à l’intervention de Bisa Williams, lors d’une conférence au siège du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, la diplomate américaine a déclaré que « l’Algérie a une grande expérience dans la gestion des crises et une forte influence pour persuader les parties en conflit au dialogue ».

Elle a noté que « tous les pays voisins, dont le Mali, peuvent compter sur l’Algérie dans ce contexte », pour la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, appelant à l’occasion « les autorités maliennes à faire preuve de volonté politique afin de mettre en œuvre cet accord ».

En réplique, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré, lors de sa rencontre avec son homologue malien Abdulaye Diop, que son pays continuera à apporter un soutien au Mali dans sa guerre contre les groupes armés, une déclaration qui intervient dans le cadre d’un feuilleton qui s’accélère, d’où le jeu du dévoilement des forces et des intérêts entre les puissances concernées.

Abdulaye Diop Ministre malien des Affaires étrangères

Qualifiant la situation au Mali de « critique », Bisa Williams a souligné la «nécessité d’un accompagnement de la communauté internationale », appelant de facto les signataires de l’accord de paix et de réconciliation au Mali de 2015 « à prendre des actions concrètes et faire preuve de solidarité pour surmonter la crise politique qui sévit dans le pays ».

La diplomate américaine a également indiqué que « le rôle de leadership de la médiation internationale que l’Algérie joue au Mali témoigne de la confiance que d’autres pays lui ont accordée ».

Pour sa part, le chef du Comité de suivi de l’accord de paix et de réconciliation au Mali issu de la piste algérienne, l’Envoyé spécial algérien pour le Sahel et l’Afrique, l’ambassadeur Boudjemaa Delmi, a souligné « la nécessité de mettre en œuvre l’accord de paix au Mali et de prendre en charge sa mise en œuvre par les signataires ».

Delmi a déclaré que « l’Algérie, en tant que pays voisin, a joué son rôle dans la négociation de cet accord », soulignant dans ce contexte que « la médiation internationale et le comité de suivi de l’accord travaillent pour assurer la réalisation de cet accord, et c’est pourquoi les signataires doivent le mettre en œuvre ».

L’ambassadrice américaine, Bisa Williams a indiqué quant à elle, à Alger, que « les autorités de transition maliennes se devaient de manifester une volonté politique pour appliquer les termes de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger ».

En ce qui concerne les chances de l’accord de paix algérien dans la résolution de la crise, Williams a déclaré: « Je ne dis pas que l’Algérie résoudra les problèmes du Mali, mais elle a un impact positif et une bonne expérience dans la gestion et l’aide à faire comprendre les parties et la réconciliation, d’autant plus qu’elle adhère à la neutralité et refuse de s’immiscer dans les affaires intérieures des pays, tout en tendant la main aux pays voisins, ainsi que ses relations traditionnelles avec les autorités de Bamako, et qu’ainsi l’Algérie peut résoudre certains des problèmes, mais le Mali doit résoudre ses problèmes tout seul ».

Elle a souligné également que « ce n’est pas dans l’intérêt de l’Europe que le Mali reste en guerre, car il souffre de tous les problèmes, y compris la migration clandestine, et cela lui fait peur, et à mon avis, les pays de l’Union européenne ne sont pas d’accord avec la France, et il y a des différends entre eux, sachant qu’il y a des pays en Europe qui cherchent des moyens d’aider le Mali et de le soulager de la pression qui pèse sur lui ».

Qu’en pense le Secrétaire Général des Nations Unies ?

A noter que l’Organisation des Nations Unies a déjà insisté sur la mise en œuvre de l’Accord d’Alger 2015, et a appelé les Maliens à s’approprier l’Accord d’Alger sur le plan national afin qu’il puisse être exécuté.

« L’exécution de l’Accord de paix demeure la seule voie viable pour régler la crise complexe du Mali et jeter les bases de solutions durables pour la paix et la stabilité (…) Il est toutefois important de saisir qu’à ce stade critique, il n’existe d’autre option que cet accord », a souligné le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres dans l’un des rapports trimestriels sur la MINUSMA.

« Il faut redoubler d’efforts pour veiller à ce que la population, dans toutes ses composantes, le comprenne. Il est de la plus haute importance que les parties signataires règlent leurs différends par la concertation et reprennent les réunions régulières du Comité de suivi de l’Accord », a-t-il insisté dans ledit rapport, présenté au Conseil de sécurité.

Le SG de l’ONU a alerté sur la nouvelle dégradation de la situation sécuritaire au Mali et dans l’ensemble de la région du Sahel où les groupes armés gagnent du terrain et les attaques contre les forces de sécurité nationales et internationales se poursuivent sans relâche.

Pour les autorités algériennes, l’Accord d’Alger demeure le « seul cadre qui trace le chemin vers la paix » au Mali.

Et d’après le pouvoir de transition au Mali, il y a une montée en puissance de l’armée et un retour de l’autorité de l’Etat sur le territoire. Cela est présenté comme un facteur pouvant justifier une relecture de l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger.

Mais les contours restent encore flous

Il semble tout de même que le sort de l’Accord de paix d’Alger entre Bamako et les groupes armés suscite de plus en plus de discussions. Les groupes armés reprochent aux autorités militaires de la transition de ne rien faire en faveur de la mise en œuvre de cet accord.

Ceci dit, malgré les efforts que déploient toujours l’Algérie pour faire aboutir et mettre en application l’accord d’Alger, on a l’impression qu’il y a encore « anguille sous roche ».

C’est d’ailleurs pourquoi l’on se demande si : Le retrait de la France et les nouvelles alliances stratégiques du Mali pourraient-ils mettre en difficulté l’Accord de paix d’Alger entre Bamako et les groupes armés touaregs ?

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here