Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou en anglais (ECOWAS), a annoncé l’imposition de sanctions individuelles à l’encontre des membres de la junte militaire au pouvoir au Mali, suite à leur intention de reporter les élections.
Dans ce contexte, le Président de la commission de la CEDEAO, Jean Claude Kassi Brou, a déclaré à l’agence de presse française AFP, et ce, à l’issue d’un sommet extraordinaire tenu à Accra, la capitale du Ghana, que « Toutes les autorités de transition seront affectées par les sanctions qui entreront en vigueur immédiatement ».
Sanctions prises par la CEDEAO

Il a expliqué que les sanctions infligées comprennent des interdictions de voyager ainsi que le gel des avoirs financiers des membres, tout en ajoutant qu’elles s’étendent également aux membres de leurs familles.
Kassi Brou a assuré que « le Mali a formellement informé » le président en exercice de la CEDEAO, le chef de l’Etat ghanéen Nana Akufo-Addo, que les élections ne pourraient pas se tenir à la date prévue.
Ce à quoi « La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a décidé de sanctionner tous ceux qui sont impliqués dans le retard » dans l’organisation des élections déjà prévues le 27 février 2022 au Mali, a ajouté Jean Claude Kassi Brou.
Selon le communiqué de clôture du sommet, des sanctions supplémentaires seront étudiées et proposées lors du prochain sommet, soit au mois de décembre, dans le cas où la situation continue telle qu’elle est.
Rappelons que lors d’un sommet qui s’est déroulé également le 16 septembre 2021 à Accra, l’organisation régionale avait appelé l’armée malienne à « respecter strictement le calendrier de transition », mettant l’accent sur le retour au pouvoir des élus civils.
Par ailleurs, à la fin du mois d’octobre dernier, lors d’une visite effectuée au Mali, une délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies a souligné l’importance pour les autorités de respecter le calendrier électoral, afin de permettre le rétablissement d’un gouvernement civil.
Il importe de noter entre-autres, que la CEDEAO avait suspendu l’adhésion du Mali à l’organisation et suspendu les échanges financiers et commerciaux avec elle, après le coup d’État survenu le 18 août 2020, et l’éviction par l’armée du président Ibrahim Boubacar Keita Néanmoins, l’organisation a ensuite levé ces sanctions après que la junte, dirigée par le colonel Assimi Goïta, a nommé un président civil de transition et un Premier ministre, et s’est engagée à rendre le pouvoir aux civils élus dans un délai maximum de 18 mois.
Sauf que Goïta n’a pas hésité à perpétrer un nouveau coup d’État, en mai 2021, qui a renversé le président de transition, Bah N’daw, et son Premier ministre, Moctar Ouane, et se faisant installé comme président de transition.
Cette décision a incité la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest à suspendre à nouveau le Mali, mais elle n’a pas pris de sanctions supplémentaires.
Expulsion de Hamidou Boly Représentant spécial de la CEDEAO

Mais le mardi 26 octobre dernier, le Mali a déclaré le Représentant spécial de la CEDEAO Hamidou Boly ‘persona non grata’, l’accusant d’avoir commis « des actes incompatibles avec son statut ». Boly a dû quitter le pays le lendemain de l’annonce de ladite décision, que l’organisation Dimanche 31 octobre, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont condamné l’expulsion de Boly.
Pour ce qui est du report des élections présidentielles et législatives, les autorités de transition au Mali ont indiqué à plusieurs reprises qu’elles pourraient être retardées, en partie à cause d’une insurrection islamiste.
Ceci ne plait pas aux membres de la CEDEAO, qui n’ont point caché leur intention d’envisager des sanctions supplémentaires, vers la fin de l’année en cours, si aucun progrès n’ait été constaté, et ce, dans le cadre d’une stratégie qui vise à accentuer la pression sur la junte militaire, tout en préservant la population avant une nouvelle réunion d’évaluation.
Dans ce contexte, Étienne Fakaba Sissoko, analyste économique Directeur du Centre de recherche, d’analyses politiques, économiques et sociales du Mali (CRAPES), a confié à la Chaîne de télévision France 24 qu’il s’agissait d’un signal fort, mais dont l’impact concret reste très limité.
« Les membres des autorités de transition étaient auparavant inconnus du grand publique. Pour la plupart, il ne s’agit pas de personnalités qui ont des intérêts financiers personnels hors du Mali. Cette mesure en soit est insuffisante pour faire plier les autorités. Mais elle s’inscrit dans un processus de sanctions graduelles mises en place par la CEDEAO pour faire avancer les négociations et, à ce titre, constitue une étape primordiale », a-t-il ajouté.
L’embargo et ses conséquences économiques sur le pays
Il importe également qu’avouer que si un grand nombre de Maliens se revendiquant du courant patriotique ont ouvertement critiqué ces nouvelles sanctions, dénonçant une tentative d’ingérence de plus dans les affaires internes du pays, d’autres ont poussé un soupir de soulagement estimant avoir échappé au pire. Car l’embargo économique décrété par la CEDEAO, deux jours seulement après le coup d’État du 18 août 2020, a laissé des traces dans le pays.
A ce sujet, le Docteur en sociologie à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako, Mohamed Amara, s’est exprimé ainsi sur France 24 : « Les Maliens ont beaucoup souffert de la fermeture des frontières et surtout de l’arrêt des transactions financières qui avait suscité beaucoup de critiques. Cette réaction au coup militaire a été jugé excessive et a généré beaucoup d’incompréhension, car la Cédéao se montre peu critique lorsque des présidents, certes élus comme Alpha Condé en Guinée, bafouent l’État de droit ».
Dr Amara a souligné aussi : « Avec la crise économique que nous connaissons, un nouvel embargo pourrait encore aggraver la crise sociale et conduire à un soulèvement populaire ».
Il a tenu à confirmer que : « La CEDEAO est bien consciente que son image est dégradée au Mali et qu’elle doit tenter tant bien que mal de faire avancer l’agenda démocratique sans donner l’impression de punir le peuple ».
Une situation très ambigüe qui n’est pas de bon augure et qui pourrait probablement prédire d’importants remous populaires « assez coûteux » aux Maliens, sachant que durant la journée du jeudi 4 novembre 2021, l’un des principaux partis d’opposition, qui s’était jusqu’ici gardé de critiquer ouvertement le pouvoir en place, a publié un mémorandum dénonçant « l’isolement diplomatique sans précédent du Mali » et jugeant que le pays avait désormais besoin d’un « Premier ministre rassembleur, moins clivant ».
Comment vont réagir les autorités actuelles au Mali, et à leur tête le Président de transition Assimi Goïta ?