Quand l’Algérie s’implique sérieusement dans la crise malienne

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Quand l’Algérie s’implique sérieusement dans la crise malienne
Assimi Goïta (Mali) – Abdelmadjid Tebboune (Algérie)

Africa-Press – Mali. En tant que pays voisin et concerné par la sécurité et la stabilité dans la région du Sahel africain, l’Algérie, étalée sur 2,382 millions de km² et possédant une population de prés de 45 millions d’habitants, ne peut en aucun cas s’interdire de « fourrer son nez » dans les affaires du Mali, dont la situation continue de s’aggraver.

L’Algérie craint une insécurité menaçant le chaos, qu’elle s’est efforcée d’empêcher à travers les différentes crises dans la région du Sahel, ce qui soulève des questions sur le rôle que ce grand pays d’Afrique du Nord pourrait jouer et les efforts qu’il a la possibilité de déployer pour aider son voisin du sud à rétablir sa stabilité.

Il n’échappe à personne qu’au début du mois de janvier 2022, la crise malienne ait pris un nouveau tournant, après la proposition faîte par le Conseil militaire au pouvoir qui a informé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest « CEDEAO », de son intention de prolonger la période de transition de cinq ans, ce qui a incité l’organisation de tenir un sommet extraordinaire, simultanément avec l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), lors duquel a été prise la décision d’imposer des sanctions économiques sévères (et inédites même) contre le Mali, pour le retrait de son engagement précédent d’organiser des élections présidentielles et législatives au mois de février 2022.

Cette situation a attiré l’attention de la communauté internationale, en particulier l’Algérie, qui considère le Mali comme une profondeur stratégique en Afrique, et l’un des pays alliés et amis qui partagent les mêmes orientations, sachant qu’ils ont des liens historiques et sociaux solides, ce qui a été confirmé par un déclaration de la présidence algérienne, qui a déclaré qu’« en sa qualité de chef de file de la médiation internationale et de président du Conseil de suivi de l’accord de paix et de réconciliation au Mali, émanant du processus de l’Algérie (depuis 2015), et en tant que pays voisin qui partage une frontière terrestre avec la République du Mali et une longue histoire marquée par le bon voisinage, et par ses contacts récents avec les autorités maliennes, avertissant ainsi des conséquences politiques, sécuritaires et économiques qui pourraient découler d’une transition à long terme, l’autorité, comme le souhaite la partie malienne, l’Algérie a appelé à un dialogue serein et réaliste avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest afin d’aboutir à un plan de sortie de crise qui tienne compte des exigences internationales et des aspirations légitimes du peuple malien, ainsi que des facteurs internes liés à la dynamique malienne nationale ».

Le communiqué officiel poursuit que : « Dans le même esprit, le président Abdelmadjid Tebboune a insisté le 6 janvier de cette année, en accueillant une délégation malienne de haut niveau, sur la nécessité pour les autorités maliennes de transition de s’engager à faire de 2022 l’année de la mise en place d’un système constitutionnel inclusif et consensuel, visant à pérenniser les acquis et les exigences de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali (processus d’Alger) ».

La Palais présidentiel à Alger

La même source, qui a noté également la nécessité d’adopter une approche globale cohérente avec la complexité des problèmes structurels et économiques, et les défis à relever, dont la lutte contre le terrorisme, a estimé par conséquent qu’une période de transition de 12 à 16 mois serait raisonnable et justifiée.

Le communiqué présidentiel a affirmé entre-autres : « le souci constant de l’Algérie quant à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République du Mali », appelant dans ce contexte les dirigeants de la période de transition à faire preuve d’un esprit de responsabilité constructive.

Par ailleurs, face aux graves risques posés par le bouquet de sanctions annoncé lors de la réunion de la CEDEAO / UEMOA et les contre-mesures annoncées par le gouvernement malien, l’Algérie a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à reprendre le dialogue pour éviter à la région un tourbillon de tensions et une exacerbation de la crise, par respect du principe de « soutien des solutions africaines aux problèmes africains ».

En conséquence, l’Algérie s’est déclarée pleinement disposée à travailler avec le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest afin de parvenir à une compréhension mutuelle sur une vision de solidarité qui sauvegarde les intérêts supérieurs du peuple malien frère.

Selon d’autres optiques, le professeur de relations internationales spécialisé dans les affaires africaines, Mabrouk Kahi, a déclaré que : « l’Algérie est attachée à son devoir historique et moral d’accompagner les Maliens à sortir de leur crise politique et à revenir au système constitutionnel ».

Toutes les parties maliennes, qu’elles soient dans le nord ou dans le sud, ainsi que le gouvernement central, ont pleinement confiance en l’Algérie. La solution la plus importante est peut-être de s’en tenir à la voie algérienne pour résoudre la crise du nord du Mali.

Diplomatie : Abdoulaye Diop reçu à Alger par son homologue Ramtane Lamamra

Kahi a déclaré aussi que : « Les autorités à Bamako, ont anticipé les sanctions dures et injustes de la CEDEAO et ont dépêché le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, en Algérie, pour l’informer de l’évolution de la situation et ont transmis une lettre manuscrite du Président de la période de transition au Mali, Le colonel Assimi Goïta au président Abdelmadjid Tebboune », notant que « l’Algérie appelle au dialogue pour surmonter le différend, et a présenté une initiative adoptée par le Conseil africain de paix et de sécurité, qui consiste à réduire la phase de transition à une période raisonnable et acceptable ».

Il a estimé que, dans ce contexte, que l’initiative algérienne est un message explicite au groupe de la CEDEAO « que l’Union africaine est l’Organisation exclusive au sein de laquelle tous les problèmes du continent sont résolus, et qu’elle ne peut être ignorée par aucune sous-organisation », ajoutant que « le Mali est lié à plus de 6.000 kilomètres de la frontière avec l’Algérie, ce qui rend possible la levée du siège, et l’annulation des sanctions de la CEDEAO, d’autant plus que l’Algérie entretient d’excellentes relations avec la Mauritanie et le Nigeria, qui sont des pays de l’Ouest-africain, et que le récent coup d’État survenu au Burkina Faso oblige la CEDEAO à revoir sa décision.

Il a conclu en disant que : « L’initiative de l’Algérie est devenue l’initiative de l’Union africaine après que le Conseil de paix et de sécurité l’ait saluée et adoptée, ce qui lui donne force de loi et l’appuie avec des mécanismes organisationnels pour l’incarner sur le terrain ».
Il importe d’indiquer que dernièrement, le colonel Assimi Goïta a reçu le président du Comité de suivi de l’accord de paix et de réconciliation nationale issu du processus d’Alger, Dilmi Boudi Jomaa, qui était porteur d’un message du président Tebboune.

L’émissaire algérien a expliqué qu’il effectuait une « visite amicale au Mali, visant avant tout à trouver une issue à la crise ».
Boudi Jomaa a déclaré également que : « Nous avons estimé qu’il était temps, après les sanctions très dures imposées au Mali, de nous assurer que nous jouions le rôle de facilitateur permettant à nos frères africains de se réunir tranquillement autour de la table, de la meilleure manière, pour examiner et résoudre les problèmes ».

Point fort dans cette situation

Conseil de sécurité des Nations Unies

Alors que l’Union africaine s’est félicitée de la volonté de l’Algérie d’accompagner le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest dans la voie de la compréhension mutuelle, qui vise à protéger les intérêts supérieurs du peuple malien et à éviter l’escalade des tensions et l’aggravation de la crise, le Conseil de sécurité de l’ONU, quant à lui, n’a pas pu publier de déclaration soutenant les actions de la CEDEAO contre le Mali, et ce en raison de l’opposition de la Russie et de la Chine.
Anouar CHENNOUFI

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