Retour sur « l’Alliance de défense commune » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger : Capacités défensives !

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Retour sur « l’Alliance de défense commune » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger : Capacités défensives !
Retour sur « l’Alliance de défense commune » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger : Capacités défensives !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Malgré l’utilisation du terme « alliance » dans la nouvelle charte, le récent accord tripartite conclu entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, diffère dans ses objectifs et ses politiques de l’idée de la « Coalition du Sahel », qui était à l’origine une idée française largement commercialisée à l’échelle internationale. Selon des sources diplomatiques françaises, l’idée visait à élargir le champ de la démarche dans la région afin d’intégrer la voie du développement dans la voie sécuritaire.

Il semble que le nouveau projet d’alliance soit apparu comme une extension de l’engagement du Mali et du Burkina Faso à se tenir militairement aux côtés du Niger, au cas où ce dernier serait menacé d’une frappe militaire extérieure.

La Charte signée le 16 septembre dernier, baptisée « Pacte Liptako-Gourma », stipule dans son préambule qu’elle s’appuie sur la légitimité internationale et régionale, notamment sur la Charte des Nations Unies, la Constitution de l’Union africaine et l’Accord de la CEDEAO.

Perspectives de l’alliance des pays du Sahel

Anticiper l’avenir de l’Alliance du Sahel dépend des deux facteurs décisifs suivants :
• l’avenir des régimes militaires de la région,
• les résultats de la confrontation en cours contre le terrorisme dans la région.

Selon les données actuelles, trois scénarios distincts peuvent être mis en avant pour anticiper l’avenir de l’Alliance des États du Sahel :

1- Le scénario du succès de la coalition et de son expansion à d’autres pays en cas de coups d’État militaires s’étendant dans la région, ou en cas d’expansion de la vague de terrorisme dans le golfe de Guinée et en Afrique centrale, ce qui nécessite une coordination avec les pays du Sahel sur les questions militaires et sécuritaires, et pourrait conduire à l’intégration du système de défense commun entre les pays du Sahel avec un système similaire existant dans le bassin du fleuve Tchad (Nigeria, Cameroun, Niger et Tchad).

La réussite de ce scénario nécessite une amélioration des relations entre les trois pays et le Nigeria, ce qui sera possible lorsqu’un accord sera trouvé pour conduire la phase de transition au Niger en dehors du scénario d’intervention militaire.

2- Le scénario de désintégration du système des cinq membres du Sahel et du groupement de la CEDEAO, avec l’émergence d’une alliance indépendante à partir d’eux, qui comprend des régimes militaires hostiles à l’Occident et à la France en particulier, et dont les efforts sont concentrés sur la lutte armée contre les groupes radicaux dans la région frontalière commune entre les trois pays.

Mais on ne s’attend pas à ce que ce projet réussisse sans l’acceptation des principaux acteurs régionaux (Nigéria, Côte d’Ivoire et Sénégal) et sans le soutien de la communauté internationale, notamment de la France, de l’Union européenne et des États-Unis.

3- Le scénario d’un échec de l’alliance, à l’image des initiatives précédentes dans la région du Sahel, qui pourrait se produire dans le contexte de l’évolution de la situation politique dans les pays susmentionnés où des élections sont prévues pour ramener les civils au pouvoir ou dans lesquels les dirigeants militaires sont nommés au sein d’un système politique civil.

Dans les deux cas, les données internes pourraient imposer un retour aux équilibres géopolitiques régionaux traditionnels, loin de l’idée d’une alliance souveraine hostile aux intérêts occidentaux.

Il semble également que le scénario le plus fort soit celui qui aboutirait à ce que l’alliance se résume à un simple cadre de partenariat militaire et sécuritaire entre les pays de la région confrontés au terrorisme violent.

Ce scénario suppose que les régimes militaires sahéliens normalisent leurs relations avec l’environnement régional et international.

Si ces conditions ne sont pas réunies, ce sera le troisième scénario qui s’imposera dans la réalité.

Contextes de la nouvelle alliance des pays du Sahel

La nouvelle alliance ne peut être comprise qu’à la lumière des récents développements régionaux, notamment le rythme croissant des coups d’État militaires dans la région, le retrait des forces occidentales, l’escalade des attaques terroristes et la menace d’intervention du groupe de la CEDEAO au Niger pour restaurer le régime précédent.

Il ne semble pas que cette alliance puisse réussir sans obtenir un soutien régional et international dans le cadre de la stratégie de lutte contre le terrorisme radical violent, ce qui nécessite de parvenir à une formule acceptable de transition politique dans les pays mentionnés dans le cadre des règles d’une transition démocratique pacifique et les équilibres des conflits internationaux.


Fac-similé des signatures des trois présidents

Et de là, cinq éléments de base doivent être pris en considération :

* Le retour de graves violences armées dans la région du Sahel, à la lumière de la reprise des affrontements avec les groupes armés dans le nord du Mali. La Coordination des mouvements de l’Azawad, qui regroupe les groupes armés les plus importants du nord, a publié un communiqué annonçant la reprise de la guerre avec les forces gouvernementales actuelles, qui s’est arrêtée en 2015 à la suite de négociations parrainées par l’Algérie entre le gouvernement de Bamako et les mouvements du nord. Les opérations des mouvements radicaux violents se sont multipliées dans les régions de Tombouctou et de Gao, tuant, selon les données maliennes officielles, 64 personnes, dont 49 civils. Au Burkina Faso, les opérations terroristes se sont multipliées dans l’ouest du pays au cours des mois de juillet et août, coûtant la vie à plus de 50 militaires et personnels armés. Des opérations violentes ont été récemment enregistrées dans diverses régions du pays. Après le coup d’État de juillet 2023, le Niger a connu une vague similaire d’opérations violentes, concentrées dans la région du nord-ouest (près de la frontière malienne) et dans les zones minières, au cours desquelles des dizaines de soldats et de civils ont été tués.

* Le soutien européen et occidental a été arrêté en général après les coups d’État militaires, en particulier le soutien français qui a été incarné dans des bases militaires fixes dans les trois pays. L’armée française s’est retirée du Mali alors qu’elle était en train de se retirer du Niger, tandis que la coopération militaire entre la France et le Burkina Faso a été arrêtée, alors que l’une des dernières actions d’éloignement entre les deux pays fût l’expulsion par le gouvernement militaire à Ouagadougou, de l’attaché militaire français, le 15 septembre 2023.

* Le rôle croissant des forces russes de Wagner dans la région, qui est devenue une réalité tangible au Mali, et ses indications sont apparues au Burkina Faso, à une époque où de nombreux rapports confirment les signes de nouvelles relations entre les autorités militaires nigériennes et la Russie à travers le portail malien. Le canal BFMTV français a signalé quelques indicateurs de rapprochement russo-nigérien au détriment des intérêts français. Le 15 septembre, le président du Mali Assimi Goïta avait reçu lors d’une session à huis clos le ministre nigérien de la Défense nommé par les autorités du coup d’État et le vice-ministre russe de la Défense, sachant que des sources maliennes ont suggéré que la réunion avait été consacrée aux premières étapes de la coopération militaire entre la Russie et le Niger dans le contexte du nouveau système de coalition sahélienne.

* L’échec du groupe de la CEDEAO à définir une position cohérente et harmonieuse sur les coups d’État militaires dans les trois pays membres, malgré la menace d’une intervention militaire au Niger. Le groupe s’est trouvé donc devant deux options : soit en stagnation et inefficacité en cas de réticence à la frappe militaire promise, soit en désintégration en cas d’intervention militaire qui entraînera le retrait d’un certain nombre de pays du groupe.

* Le retour des discussions sur la monnaie commune cash « éco », qui devrait voir le jour en 2027, à condition qu’elle reste liée à l’euro avec une garantie française. Toutefois, les trois pays du Sahel (outre la Centrafrique et la Guinée, qui disposent de leur propre monnaie) ont exigé que le projet soit revu pour que la monnaie du groupe soit indépendante du trésor français et de l’euro, et qu’elle soit liée à un panier de devises internationales fortes.

Cette alliance défensive commune est-elle capable de faire face à la France si elle intervient militairement ?

Paris a considéré la crise du Niger comme un grand défi car elle menace sa présence dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest, et a « pressé » le groupe CEDEAO, pour mettre en œuvre l’intervention militaire à Niamey pour libérer le président Mohamed Bazoum et le rétablir au pouvoir, mais cela ne s’est pas produit encore.

Une question se pose par elle-même quant aux capacités militaires de ces pays et l’étendue de leur résilience en cas d’intervention de l’armée française.

• L’armée française, est classée 7ème parmi les 142 plus grandes armées du monde, et le nombre de ses soldats atteint 415.000 éléments, dont 205.000 soldats opérationnels et 35 mille soldats de réserve, en plus de 175.000 personnes représentant les forces paramilitaires, selon les statistiques du site Web américain « Global Fire » pour 2022.

L’armée française compte environ mille avions de guerre, plus de 250 avions intercepteurs, 125 avions d’entraînement et 46 avions de tâches privées, ainsi que des forces terrestres qui comprennent plus de 400 chars et plus de 6 mille véhicules blindés, tandis que la flotte navale française se classe 16e dans le monde, avec 180 unités navales, dont un porte-avions, 3 hélicoptères et 10 sous-marins.

• L’armée malienne troisième parmi les armées de la CEDEAO, et 110ème parmi les 145 plus grandes armées au monde, compte 20.000 soldats, dont 18 forces actives, son matériel militaire comprend 39 avions de guerre, 50 chars, 1294 véhicules militaires et 45 lance-missiles.

• L’armée du Niger, quant à elle, est classée quatrième entre les armées de la CEDEAO, et 119ème parmi les 145 plus grandes armées, avec 13.000 soldats, dont 10.000 forces opérationnelles et le reste sont des forces paramilitaires, et son équipement militaire comprend 16 avions de guerre et 728 véhicules blindés.

• L’armée du Burkina Faso quant à elle, se situe à la cinquième place entre les armées de la CEDEAO, avec environ 17.000 soldats, dont 12.000 dans les forces opérationnelles, des équipements militaires qui comprennent 20 avions de guerre, 1112 véhicules blindés, 12 Artillerie avancée et 5 lanceurs de missiles.

Il importe de rappeler que toute intervention militaire dans ces pays augmentera les grèves et le chaos dans la région et aidera les organisations terroristes et les mouvements séparatistes à sortir de l’ombre et à se développer.

Par ailleurs, une intervention française dans l’un des trois pays, et en particulier au Niger, n’aura lieu qu’avec l’approbation des États-Unis car la France n’a pas les moyens de lancer une guerre dans cette région.

Que l’ordre soit rétabli donc et que la guerre soit éloignée de la région.

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