Un projet de constitution controversé au Mali et rejeté par les Imams et l’opposition

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Un projet de constitution controversé au Mali et rejeté par les Imams et l’opposition
Un projet de constitution controversé au Mali et rejeté par les Imams et l’opposition

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Le projet de la nouvelle constitution au Mali, qui se trouve actuellement comme dans une « cocotte-minute sur le feu », serait en train de diviser le pays ouest-africain, principalement à cause du report du « référendum » fixé auparavant pour le 19 mars 2023, ainsi que pour diverses raisons de confusion et de rejet y compris « les larges prérogatives accordées au futur président ».

On se doit de rappeler que le président malien de transition, le colonel Assimi Goïta, avait déjà reçu il y a quelques mois, précisément au cours de la deuxième semaine du mois d’octobre 2022, le premier brouillon de la nouvelle constitution, à travers lequel il chercherait à « instaurer une nouvelle république » qui réaliserait la construction d’une renaissance pour le Mali.

Principales caractéristiques de la nouvelle constitution

Le 27 février dernier, le colonel Assimi Goïta, qui s’était déclaré chef du « Comité national pour le salut du peuple » et président par intérim du pays, a reçu la version finale du projet de la nouvelle constitution des mains du comité chargé d’élaborer la constitution, qui se compose de 29 pages, soit 191 articles contre 195 dans le projet initial de constitution d’octobre 2022, et ses traits les plus saillants ont été repris dans les colonnes des journaux officiels et privés au Mali, comme suit :

• Le projet de constitution affirme l’unité malienne et le caractère laïc de l’État et prévoit la création d’un « Conseil suprême de la nation » équivalent à un « Sénat ».

• Il renforce l’autorité du président et lui donne le droit de déterminer la politique de la nation, qui relevait auparavant de la responsabilité du Premier ministre, et lui donne le pouvoir de nommer et de révoquer le Premier ministre.

• Le gouvernement est responsable devant le président et non devant l’Assemblée nationale.

• La nouvelle constitution stipule que les langues nationales sont les langues officielles du Mali, et que le français n’est plus qu’une langue de travail. A noter que, dans le passé, le français était la langue officielle du pays et l’État pouvait adopter n’importe quelle langue comme langue de travail.

• La constitution accorde le droit de proposer des lois au président dans les limites de ses pouvoirs.

• Le président n’est en aucun cas autorisé à se présenter après deux mandats.

Le jour de la réception de ce projet, le colonel Assimi Goïta a fait la déclaration suivante : « Le document final, que je viens de recevoir le 27 février 2023, va, sans aucun doute, cristalliser l’espoir de toute la nation pour l’instauration d’une véritable démocratie ».

En contrepartie, le comité de rédaction a souligné que des parties du projet initial ont été supprimées, d’autres ont été fusionnées et d’autres paragraphes ont été remaniés dans le projet final reçu par Goïta.

La déclaration n’a pas précisé ce qui a été supprimé ou modifié dans ce document. Néanmoins, selon certaines parties, après avoir parcouru les 29 pages de ce projet, on constate que dans ce projet aucun article n’inclue la criminalisation des coups d’État militaires, qui ont « tué », semble-t-il, l’expérience démocratique du Mali à plusieurs reprises.

Pour précision, aucun des articles de la constitution n’interdit non plus à l’actuel président de transition de prendre part aux élections présidentielles prévues en 2024, ce qui signifie que Goïta pourrait diriger et gouverner le pays pour la période post-transition.

Il est vrai que « l’article 45 » du projet de constitution, qui devait être soumis à un référendum au cours de ce mois de mars 2023, stipule que le président de la République « est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans, renouvelable une fois, et il ne peut en aucun cas rester au pouvoir plus de deux mandats ».

Cependant, la constitution n’empêche pas, d’autre part, le président de se présenter plus tard, à moins qu’il ait dépassé l’âge de soixante-quinze ans, et d’autre part, ceux qui ont trente-six ans peuvent briguer le poste, à condition que le candidat ne soit pas double ou multinational, comme le précise « l’article 46 » du projet, publié au Journal officiel de la Présidence malienne, en ligne.

De même, la nouvelle constitution, si elle accorde effectivement de larges pouvoirs au Président de la République, le législateur l’a autorisé à déléguer certaines de ses attributions au Premier ministre, comme l’indique l’article 70 du projet constitutionnel.

Toutefois, la Constitution autorise le Parlement à destituer le Président de la République en cas de haute trahison, comme le stipule l’article 72, ce qui est une donnée qui renforce la dimension de responsabilité et de contrôle, et peut être considérée comme un bon côté, en plus de définir mandats présidentiels en seulement deux, et obligeant le président à déclarer ses biens.

Une constitution que le peuple attendait pour résoudre les problèmes insolubles du pays

Entre la situation sécuritaire mouvementée et le manque de confiance entre la junte militaire et les partis politiques, l’incertitude vécue par les Maliens en raison de facteurs internes et externes qui s’intéressent au pouvoir dans ce pays, et la volonté de revenir inconditionnellement à la vie constitutionnelle, le leader du coup d’État et président malien par intérim, Assimi Goïta, qui a effectivement reçu le projet de constitution que le peuple attendait pour résoudre les problèmes insolubles du pays, espérait faire passer le projet de constitution lors du référendum programmé le 19 mars, avant qu’il ne soit ajourné sine die.

Dans ce contexte, le porte-parole du gouvernement et ministre de l’Intérieur et de l’Administration foncière, a indiqué que la nouvelle date sera fixée ultérieurement, notamment après concertation avec les autorités concernées par l’organisation des élections et des manifestations politiques, réitérant, dans son communiqué, la volonté du pouvoir de faire revenir le Mali vers un ordre constitutionnel civil.

Il a ajouté également que le report de la date du référendum vise à bien organiser le processus référendaire et à s’assurer que le peuple soit au courant du nouveau projet de constitution.

Notons, par ailleurs, qu’il s’agit du dernier changement dans le plan de la période de transition au Mali, car il a été précédé par le changement de pouvoir à la date de la tenue des élections présidentielles l’année dernière, et la prolongation de la période de transition, qui a conduit à l’imposition de sévères sanctions par la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à l’encontre de l’Autorité en place, qui comprenaient la cessation de toute forme de coopération.

Mesures préparatoires prises par le gouvernement intérimaire

Dans le sillage des consultations préalables, les autorités maliennes ont mené une série de rencontres avec les partis politiques et la société civile pour :

• Discuter de divers aspects de la préparation du référendum constitutionnel et des élections qui suivront, et convoquer une réunion préparatoire pour discuter du référendum,

• Adopter des amendements à la loi électorale qui incluent la création de filières de l’administration électorale, l’introduction d’une carte d’identité nationale « biométrique » servant de carte de vote et autoriser le vote anticipé,

• Concrétiser des progrès significatifs en matière de désarmement, de démobilisation et de réintégration.

• Mettre en place un comité spécialisé pour résoudre les questions en suspens concernant l’intégration des hauts fonctionnaires des signataires de l’accord de paix au sein des institutions étatiques.

Réaction des différentes forces sur le projet de constitution

Après le rejet de la première version du projet de constitution présentée en octobre dernier, les forces politiques maliennes regardent avec une certaine méfiance la crédibilité de ceux qu’elles qualifient de « putschistes » dans la réalisation de la voie du retour à un régime civil.

Ce qui le confirme peut-être, c’est qu’on croit savoir que 50 partis seulement ont répondu à l’invitation du gouvernement sur les 281 partis qui ont été invités et ont demandé leur avis et leurs suggestions, mais ils ont traité cela avec des visions différentes.

« Imams » et « Partis de l’opposition » s’opposent à la laïcité et appellent à voter contre le projet

Parmi les partis les plus connus qui rejettent le projet de constitution dans son schéma actuel, il y en particulier :

• La Ligue Malienne des Imams et Érudits pour la Solidarité islamique (LIMAMA) qui a été la première à rejeter le nouveau projet de constitution, et a appelé ses partisans à rejeter la constitution qui est placée sous la tutelle et la gestion du Conseil militaire. Elle s’est opposée à la « laïcité de l’État » et a exigé que l’expression « État multiconfessionnel » soit utilisée à la place, et a appelé tous les patriotes musulmans à voter contre le projet dans sa forme actuelle.

• La Convention nationale pour une Afrique solidaire (CNAS), qui était l’un des opposants les plus en vue dirigé par l’ancien Premier ministre Soumana Sako, qui a déclaré, dans un communiqué, que le régime issu des coups d’État militaires d’août 2020 et mai 2021 ne donne pas au conseil militaire la légitimité de rédiger une nouvelle constitution au nom du peuple.

• Les groupes armés ayant signé l’accord de paix en 2015 en Algérie, et ce sont des mouvements de la région de l’Azawad rassemblés sous le nom dé code « CMA » lesquels ont mis en cause le conseil militaire au pouvoir. D’autres groupes armés se sont retirés de la constitution principalement à cause de ce qu’ils ont appelé « le manque de volonté politique du conseil militaire ».

• Le mouvement « Coordonnateurs des mouvements, associations et sympathisants » (CMAS), dirigé par l’influent imam Mahmoud Dicko, a émis quant à lui une déclaration de refus confirmant que le conseil militaire n’a pas compétence pour mettre en œuvre le référendum, et a estimé que ce n’est pas une nouvelle constitution qui peut aider le Mali à sortir de sa crise multidimensionnelle.

• Syndicat Libre De La Magistrature (SYLIMA), a indiqué que « le projet de constitution représente un sérieux recul dans l’indépendance de la justice, que ce soit par rapport à la constitution actuelle ou à la lumière des engagements internationaux pris par notre pays ».

Quand aura donc lieu le référendum sur la constitution ?

L’autorité de transition au Mali a annoncé, certes, le report du référendum qui a été commenté par les milieux politiques maliens autour de la difficulté de le tenir le 19 mars 2023.

On sait déjà que pour justifier ce report, le président de transition, Assimi Goïta, avait mis l’accent sur le besoin de plus de temps pour désigner l’organe de gestion des élections dans toutes les régions du pays et la volonté de faire circuler le projet de nouvelle constitution, sans toutefois préciser la nouvelle date du référendum et également les dates des élections, mais il a souligné que sa détermination se fera en concertation avec l’autorité électorale indépendante et tous les acteurs du processus électoral.

Reconnaissons quand même que, incontestablement, le Mali est à l’aube d’une « année critique », comme l’a déjà dit le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Al-Qasim Wan, concernant le franchissement de la phase de transition et l’affrontement du droit au référendum avec de nombreux défis, en commençant par la disponibilité des ressources financières, et en passant par l’amélioration de la situation sécuritaire jusqu’aux autres exigences.

Pour terminer, la situation au Mali sera-t-elle le début de la stabilité dans la région, ou le cycle du chaos se poursuivra-t-il et les écarts se creuseront-ils sans fin ?

Il est également primordial de se poser la question suivante : Le gouvernement du Conseil militaire malien sera-t-il en mesure de surmonter toutes ces difficultés et de rétablir la stabilité du pays, ou alors les différends et le cycle de troubles vont-ils se poursuivre en vain ?

Vidéos d’appui au rejet des Imams et de l’opposition

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