La CEDEAO isole le Mali et transforme Assimi Goïta en « loup solitaire »

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La CEDEAO isole le Mali et transforme Assimi Goïta en « loup solitaire »
Sommet de la CEDEAO à Accra le 9 Janvier 2022

Africa-Press – Mali. La situation entre le Mali et les pays de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), s’est envenimée dernièrement, après la tenue de deux sommets dans la capitale ghanéenne, Accra, le dimanche 9 Janvier 2022, ayant projeté le Mali dans l’isolement.

Dans ce contexte, les dirigeants de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest ont effectivement pris la décision, jugée plutôt « peu orthodoxe », celle de fermer les frontières des pays qui la constituent, notamment avec le Mali, en plus de geler ses soldes bancaires, d’empêcher les virements bancaires, de retirer tous les diplomates de Bamako et d’annuler toute forme de coopération avec ce pays, ainsi que les l’aide, à l’exception des produits de consommation essentiels : produits alimentaires, pharmaceutiques, fournitures et équipements médicaux, matériel contre le Covid-19 et produits pétroliers et d’électricité.

Depuis sa création il y a près d’un demi-siècle, l’Organisation de la CEDEAO a pris des décisions strictes concernant les crises et les guerres auxquelles sont confrontés tous les États qui y sont membres.

Pour mieux comprendre la situation, il faut savoir que les dirigeants de la CEDEAO et de l’UEMOA (l’Union économique et monétaire ouest-africaine), ont tenu leurs deux sommets extraordinaires, sur fond d’appels de la majorité des membres des deux groupes à rejeter le projet des dirigeants de l’armée malienne de prolonger leur mandat de 5 années supplémentaires, après le coup d’État qu’ils ont effectué en mai 2020.

Logo de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest

A l’issue de ces deux sommets, le Président de la CEDEAO a déclaré « que l’organisation « fermerait toutes ses frontières avec le Mali et imposerait des sanctions économiques à son encontre en réponse au report inacceptable des élections » que les autorités de transition ont promis de les organiser après le coup d’État militaire de 2020.

Logo de l’organisation monétaire africaine UEMOA

Dans son communiqué, le groupe a déclaré qu’il trouvait le calendrier proposé pour migrer de la transition vers un régime constitutionnel totalement inacceptable, affirmant que ce calendrier « signifie simplement que tout gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien otage ».

La CEDEAO a souligné qu’elle a décidé d’imposer des sanctions supplémentaires contre le Mali, avec effet immédiat, dont la fermeture des frontières terrestres et aériennes des pays membres avec le Mali, la suspension des transactions financières non essentielles, le gel des avoirs financiers de l’État dans les banques commerciales située à la CEDEAO et le rappel des ambassadeurs des États membres de la CEDEAO accrédités à Bamako.

De son côté, parallèlement à ces décisions, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a demandé quant à elle à toutes les institutions financières sous son égide de suspendre immédiatement l’adhésion du Mali, ce qui signifie l’arrêt de l’accès du pays aux marchés financiers régionaux.

Le Président de la République de transition Assimi Goïta

Depuis le premier coup d’État survenu en août 2020, puis le deuxième coup d’État en mai 2021, qui ont placé le colonel Assimi Goïta à la tête des autorités « de transition », la CEDEAO milite pour le retour des civils au pouvoir dans les plus brefs délais. La réunion de dimanche est la huitième organisée par les dirigeants ouest-africains pour discuter de la situation au Mali depuis août 2020, sans compter les réunions périodiques régulières.

En réplique aux lourdes décisions prises par les deux organisations africaines CEDEAO et UEMOA, le Mali ne s’est pas croisé les bras, il a effectivement pris le devant en rappelant tous ses ambassadeurs accrédités auprès des pays membres de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest, tout en procédant aussitôt à la fermeture de ses frontières terrestres et aériennes avec les États membres de la dite instance, comme l’a annoncé le Colonel Abdoulaye Maiga, Ministre malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et porte-parole du Gouvernement malien, qui a déclaré officiellement que : « Le Gouvernement de la République du Mali a appris avec stupéfaction les sanctions économiques et financières prises à l’encontre du Mali à l’issue des sommets extraordinaires de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, tenus le 09 janvier 2022 à Accra, en République du Ghana ».

Abdoulaye Maiga, Ministre malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et porte-parole du Gouvernement

Maiga a même qualifié l’embargo appliqué par les chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Économique Monétaire Ouest-Africaine à un État souverain, en l’occurrence le Mali, de « violation manifeste du Traité de l’UEMOA et des statuts de la BCEAO (La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) ».

Le ministre malien et porte-parole du Gouvernement n’a pas hésité à mettre en garde contre le gel des avoirs d’un État, des entreprises publiques et parapubliques qui ne saurait être appliqué par la Banque centrale, laquelle demeure un organe indépendant auquel chaque État membre a concédé son droit souverain d’émission ».

Abdulaye Maiga a assuré entre-autres que : « Le Gouvernement du Mali, qui déplore le caractère inhumain de ces mesures qui viennent affecter les populations déjà durement éprouvées par la crise sécuritaire et la crise sanitaire compte bien prendre toutes les mesures nécessaires en vue de riposter à ces sanctions malencontreuses ».

Par ailleurs, l’on pouvait lire également dans le communiqué publié par la CEDEAO, le dimanche 9 Janvier 2022 :
• que suite à l’échec des autorités de Transition au Mali à organiser les élections présidentielles d’ici au 27 février 2022, contrairement à l’accord conclu avec l’organisation, le 15 septembre 2020, et à l’engagement de la Charte de la transition,
• et compte tenu de l’impact potentiellement déstabilisateur sur le Mali et sur la région, créé par cette transition au Mali,
l’Autorité a décidé de mettre immédiatement en alerte la Force en attente de la CEDEAO, qui devra être prête à toute éventualité, ce qui n’exclurait pas une intervention militaire à l’encontre du Mali, sachant que la CEDEAO s’est orientée même vers l’Union Africaine, les Nations Unies et les autres partenaires, qu’ils soutiennent le processus d’application de tous les sanctions annoncées.
Conséquences

La suspension des transactions de la BCEAO avec le Mali sera la cause de sérieux problèmes de liquidités qui pourraient entraîner des difficultés à payer les salaires des agents de l’État.

Les chefs d’État des pays membres de la CEDEAO iront-ils jusqu’à cette limite ?

En plus, l’autre grande institution relevant de l’UEMOA, à savoir la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui finance d’importants projets de développement dans les pays membres de l’Union, va-t-elle suspendre ses interventions qui ne serait pas sans conséquence sur le Mali ?

Par ailleurs, il importe de noter qu’une telle situation place désormais le Sénégal dans une situation suicidaire sur le plan économique, du fait que le Mali est le premier partenaire commercial du Sénégal.

On doit se demander si la Junte militaire au pouvoir au Mali ne va-t-elle pas « revenir à la raison » et trouver un « compromis » qui mettre tout le monde d’accord sur la date des élections et du retour des civils au pouvoir !

Anouar CHENNOUFI

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