Dans quel But les Nouveaux Partenaires, et À leur TêTe la Turquie, se Ruent vers le Niger ?

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Dans quel But les Nouveaux Partenaires, et À leur TêTe la Turquie, se Ruent vers le Niger ?
Dans quel But les Nouveaux Partenaires, et À leur TêTe la Turquie, se Ruent vers le Niger ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Il y a des années, les efforts de la Turquie pour étendre sa sphère d’influence en Afrique se sont intensifiés, à mesure qu’elle pénétrait dans plusieurs pays, comme la Libye, la Somalie et d’autres.

La Turquie poursuit des mouvements diplomatiques, économiques, militaires, culturels et humanitaires diligents vers le continent africain, à travers lesquels elle vise à maximiser son influence sur le continent et à parcourir ses cinq régions: le Nord, le Sud, l’Est, le Centre, et l’Ouest.

Grâce à cette stratégie, la Turquie se classe comme quatrième pays ayant le plus de représentation diplomatique en Afrique, derrière les États-Unis, la Chine et la France. Elle est également bien introduite avec des accords de sécurité conclus avec des pays africains, notamment: Somalie, Éthiopie, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Libye, Ghana, Tchad, Côte d’Ivoire, Guinée, Nigeria et Bénin, tout en devenant également un partenaire économique, échangeant 40,7 milliards de dollars d’échanges commerciaux avec ces pays et 85,5 milliards de dollars d’investissements, selon les statistiques de 2023. Sans oublier qu’elle est un partenaire de développement du continent à travers l’Agence turque de coopération et de coordination, estimée à environ 22 bureaux de coordination sur le continent.

• De nouveaux partenaires se précipitent vers le Niger

Iraniens et Nigériens en pourparler à propos d’uranium

Vers l’Afrique de l’Ouest, plus précisément le Niger, où la carte des acteurs traditionnels occidentaux a subi des changements, en particulier « Américains, Français et Allemands » en faveur des nouveaux acteurs « Russes, Chinois et Iraniens », la Turquie prépare ses démarches pour confirmer sa présence et assurer sa participation en tant que l’un des régulateurs des arrangements du Niger, des points de vue politiques, sécuritaires et économiques, et surtout en tant que premier grand bénéficiaire de ses ressources économiques et de ses crises sécuritaires.

C’est ainsi que, pour y parvenir, « Türkiye » a rattrapé son retard sur les nouveaux partenaires qui se précipitent vers le Niger. Ses mouvements les plus récents ont eu lieu le 18 juillet 2024, lorsqu’une délégation turque dirigée par le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan s’y est rendue pour discuter des dossiers de politique étrangère, de sécurité, de défense, d’énergie, d’exploitation minière, d’économie et de commerce.

Il ne faut pas oublier que le Niger dépend fortement de ses principales sources de revenus, dont les plus importantes ressources naturelles sont l’or, le fer, le charbon, l’uranium et le pétrole, font couler de la salive à beaucoup de puissances étrangères.

• Les démarches turques vers le Niger ne sont pas d’aujourd’hui

L’évidence est que les mouvements turcs vers le Niger n’ont pas commencé avec la récente visite de la délégation turque, mais remontent plutôt à l’année 1967, sachant que la Turquie avait établi des relations diplomatiques avec le Niger, ouvert son ambassade à Niamey en 2013 et signé depuis près de 29 accords de coopération et de partenariat avant d’atteindre son apogée avec la domination de la junte militaire au Niger, en juillet 2023.

Il est à noter que les mouvements turcs actuels sont indissociables de leurs homologues d’Afrique de l’Ouest notamment le Mali et le Burkina Faso, ils se sont manifestés comme eux avec le retrait des alliés occidentaux de manière pragmatique et intéressée. La Turquie s’est abstenue de condamner le changement de pouvoir anticonstitutionnel du 26 juillet 2023 et s’est opposée aux options d’intervention de la CEDEAO au Niger.

Pour rappel, en février 2024, la Turquie a confirmé, par la voix de son président Recep Tayyip Erdogan, son soutien aux démarches du Niger visant à renforcer son indépendance politique, militaire et économique, et a réaffirmé son engagement à s’opposer aux interventions militaires étrangères ciblant le peuple nigérien.

Relativement parlant, les mouvements turcs vers le Niger semblent s’accélérer, car dans une démarche d’escalade, et en plus de ses « Drones et avions de combat et de reconnaissance », la Turquie a transféré des combattants syriens recrutés par la société « SADAT International Defence Consultancy », dont le nombre était estimé entre 1 100 et 1 500, selon les statistiques publiées par l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme en mai 2024.

• Une satisfaction claire de la part des autorités militaires au Niger

Ceux qui suivent les mouvements turcs vers le Niger, qu’ils soient antérieurs, actuels ou ultérieurs, remarqueront nettement qu’ils ont été bien accueillis par les responsables nigériens. Car, par nature, il est conforme aux orientations de la junte militaire au pouvoir au Niger, et répond à son besoin de remplacer les anciens alliés du Niger, qu’il s’agisse de ceux qui en ont été expulsés en décembre 2023 (les Français), ou à qui il a été demandé un retrait forcé en septembre 2024 (les Américains), ou ceux dont les relations avec les Ukrainiens ont été immédiatement rompues en août 2024, ou encore les Allemands qui ont été poussés à mettre fin à leur coopération militaire vers la fin du mois d’août 2024.

C’est peut-être ce que démontrent les déclarations des responsables nigériens, notamment celle de « Ali Muhammad al-Amin Zain » lors de sa rencontre avec la délégation turque, disant: « Le défi sécuritaire qui nous est imposé exige que nous disposions de tous les moyens nécessaires pour assurer notre défense, et nous savons que vous êtes capables de le faire… Il y a un bon impact au Niger que la Turquie a créé, ses caractéristiques les plus marquantes sont: L’aéroport du Niger, le meilleur hôtel de Niamey, le meilleur hôpital, et des bourses pour de nombreux jeunes nigérians dans les universités turques.

En quoi consistent les raisons de l’avancée turque vers le Niger

Au Niger spécifiquement, les mouvements turcs sont motivés par de nombreux motifs, avec de nombreux niveaux et dimensions: militaires, politiques, économiques, sécuritaires et géographiques, sans compter qu’ils s’inscrivent dans le cadre de transformations internationales et régionales.

Les raisons de l’avancée turque vers le Niger peuvent donc être énumérées comme ci-après:

1- Renforcement des liens avec le Conseil Militaire:

La justification des démarches turques vers le Niger, en particulier la récente visite de la délégation le 18 juillet 2024, décrit de multiples efforts visant à rétablir, documenter et consolider les relations entre la Turquie et la junte militaire au Niger de manière à lui permettre d’éviter les faux pas des puissances occidentales, remédier à leur échec et faire disparaître les sentiments de colère et d’hostilité qui les ont frappés, notamment la France et les États-Unis, et empêcher que cela n’atteigne la Turquie.

Il importe de noter que ces mouvements se sont produits de manière significative depuis juillet 2023. La Turquie a annoncé son soutien à la junte militaire au Niger et s’est depuis présentée comme un partenaire et un allié du Niger pour surmonter ses crises.

Peut-être cela a-t-il également été confirmé par la composition qualitative et numérique des membres de la délégation en visite au Niger, parmi lesquels le ministre nigérien des Affaires étrangères, les ministres de la Défense, de l’Énergie et des Ressources naturelles, le chef du Service de renseignement, le chef de la Société turque des industries de défense et le ministre adjoint du Commerce, en plus de l’objectivité des discussions abordées par les groupes de travail sur la sécurité, la défense, l’énergie, les mines, l’économie et le commerce, évaluant dans ce contexte « comment continuer à renforcer les activités dans les domaines de l’éducation et de la santé, comme l’octroi de subventions à l’hôpital Al-Sadaqa (l’amitié) et le soutien aux écoles Al-Maaref ».

2- Comment la Turquie cherchait à bénéficier d’un pied à terre

Ceux qui suivent les mouvements turcs, notamment vers l’Afrique de l’Est, du Nord et de l’Ouest, découvriront que les mouvements turcs vers le Niger ne sont rien d’autre qu’une tentative de « trouver un troisième point d’ancrage pour la Turquie en Afrique » aux côtés de la Somalie et de la Libye et, en plus de ce qui précède, il semble que la Turquie considère qu’une présence au Niger garantirait sa présence en Afrique de l’Ouest et lui permettrait également d’alimenter ses activités et ses agendas en Afrique de l’Ouest et du Nord.

Alors que la vérité est que ces mouvements ont été motivés par la vision de la Turquie du Niger comme le plus grand pays du Sahel en termes de superficie, et comme un lien entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest et une porte d’entrée favorable pour s’infiltrer dans les pays, partageant ainsi des frontières avec 7 pays africains, car le Niger a un voisinage avec les pays de la Libye et de l’Algérie et représente un théâtre de fond pour les intérêts de la Turquie en Afrique du Nord.

De même, son voisinage avec des pays comme le Tchad, le Nigeria et le Bénin représente un facteur utile pour contenir les répercussions du crime organisé et l’immigration clandestine, et faire face aux organisations armées qui y sont répandues. Ces mouvements étaient déjà évidents en 2020. La Turquie a signé un accord de coopération militaire avec le Niger, qui a été décrit comme la première étape vers l’établissement d’une base militaire turque.

3- Comment garantir ses intérêts vitaux

Il ne fait aucun doute que les mouvements de la Turquie proviennent, d’une certaine manière, de ses craintes quant aux répercussions et conséquences qui pourraient affecter ses intérêts vitaux, notamment les répercussions résultant des transformations récentes en Afrique de l’Ouest concernant les changements anticonstitutionnels et le changement de la carte des acteurs des Français et des Américains en faveur des Russes, des Iraniens et des Chinois, sans compter le chaos des organisations terroristes et les flux d’immigrants illégaux et rebelles. Cela affecte et menace les intérêts vitaux de la Turquie en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord, en particulier en Libye. Étant donné que le Niger est à quelques pas de la Libye, les événements du Niger et leurs complications sécuritaires et politiques ont sans aucun doute des répercussions géopolitiques sur les intérêts turcs en Libye, un pays qui reste en prise avec des conflits internes entre l’Ouest et l’Est libyens.

4- Concurrence de nouveaux acteurs

A propos de cette concurrence, la Turquie note le rythme accéléré de nouveaux partenaires et leur poussée vers le Niger, qu’il s’agisse d’étendre leur influence ou de contrôler les richesses et l’uranium, notamment par la Chine, l’Iran et la Russie. Concernant ces derniers, la Turquie est attentive à l’expansion sans précédent de la Russie au sein de ces pays, et l’étendue de ses capacités à contrôler les articulations et les arrangements de ces pays.

Elle est consciente de l’ampleur de cet impact et de sa réflexion sur les intérêts vitaux de la Turquie à la lumière de l’escalade des différends entre les deux parties, comme le montre la contradiction des intérêts turcs et russes en Syrie, en Libye et en Asie centrale. Cela affecterait clairement les intérêts de la Turquie, et il suffit de dire que la Russie met en œuvre un projet lié à la création d’un « corps africain » doté d’un effectif de 45 000 soldats dans 5 pays africains. Il s’agit de la Libye, du Burkina Faso, du Mali, de la République centrafricaine et du Niger. Le lecteur comprend cette menace grâce à la déclaration selon laquelle la Libye est le quartier général agréé de ce corps africain.

5- Création de cartes de pression et de négociation

Dans ce contexte, nous pouvons se rendre à l’évidence que les démarches turques vers l’Afrique de l’Ouest, y compris le Niger, peuvent être considérées comme une tentative d’imposer des pressions, des cartes de négociation et de manœuvre qui augmenteraient le poids et l’influence de la Turquie, aiguiseraient ses ambitions régionales et lui donneraient la capacité de s’opposer à ses opposants régionaux et internationaux. , notamment la France.

Les analyses des milieux politiques et universitaires ont conclu que les actions turques en Afrique de l’Ouest visent principalement à s’opposer aux intérêts français et à les concurrencer dans ses sphères d’influence traditionnelles.

Pour rappel, en novembre 2020, le président français Emmanuel Macron avait accusé Ankara de profiter de la « colère postcoloniale » pour saper les relations françaises en Afrique de l’Ouest, et en 2021, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait souligné dans un discours public que « La coopération avec les pays africains ne sera jamais envisagée dans une perspective à court terme et axée sur les intérêts ». Il a ajouté: « Nous ne faisons pas partie de ceux qui souhaitent que l’ancien système colonial perdure selon de nouvelles voies et méthodes », en référence à la France.

6- L’espoir turc de renforcer les relations économiques avec l’Afrique

L’observateur est conscient que la Turquie espère que ses mouvements vers le continent africain renforceront les relations économiques avec les pays du continent, dont le Niger évidemment, qui est considéré comme un marché prometteur pour les exportations turques, notamment les produits alimentaires, les meubles, les textiles, les métaux et le fer, ainsi que les produits sidérurgiques, et est donc considéré comme un partenaire économique.

A noter que les échanges commerciaux avec le Niger s’élèvent à 203 milliards de dollars par an, en plus d’héberger un certain nombre de ses entreprises qui exécutent des contrats dans le domaine de la construction et de la reconstruction.

Ankara considère également le Niger comme une porte d’entrée vers la création d’un centre régional dominant sur les marchés de consommation de la région, lui donnant la possibilité d’introduire les produits turcs et de les promouvoir au niveau régional, et pour y parvenir, les résultats de la dernière réunion ont conduit les deux parties à signer une déclaration d’intention concernant la coopération dans le domaine du pétrole et du gaz naturel, selon une déclaration d’Alparslan Bayraktar, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, ainsi qu’à une déclaration de Volkan Agar, vice-ministre turc du Commerce, le 18 juillet 2024.

7- La promotion des industries de défense turques

Les démarches turques vers le Niger, comme leurs homologues sur le continent africain ou en Afrique de l’Ouest, sont considérées comme une tentative de commercialisation et de promotion des industries de défense turques, afin de promouvoir les ventes d’armes turques en Afrique de l’Ouest, là où s’accentuent les problèmes d’insécurité, l’exacerbation du crime organisé et la croissance des organisations armées, ce qui représente un environnement fertile pour conclure des contrats d’armement avec la Turquie afin d’augmenter ses ventes d’armes au continent africain, estimées à environ 328 millions de dollars en 2023, grâce à quoi la Turquie est devenue le quatrième fournisseur d’armes en Afrique.

Il est à noter que les tentatives turques de promouvoir les industries de défense ont produit certains avantages, et il suffit de souligner que les drones turcs sont considérés comme l’une des armes de base des armées du Mali et du Burkina Faso après que les premiers ont obtenu des armes turques, dont des avions sans pilotes (drones) Bayraktar TB2 de fabrication turque et des chasseurs L39 Albatros.

De même, le 17 janvier 2024, la Turquie avait signé plusieurs accords de coopération avec ces derniers, après quoi le « Capitaine Ibrahim Traoré », Chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso, a déclaré: « Les pays européens nous ont empêchés d’acheter des armes, mais la Turquie et la Russie nous ont ouvert toutes les portes ».

En effet, en mai 2022, le Niger lui-même s’est procuré des drones turcs dans le cadre d’accords de coopération militaire signés un an plus tôt entre les deux parties. Cela peut être démontré explicitement en se référant à la déclaration du ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, disant: « Nous avons discuté avec le Niger de ce qui peut être fait pour améliorer l’industrie de la défense et du renseignement, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La principale source d’instabilité dans la région du Sahel, et donc la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique figurent parmi nos priorités ».

8- Sécuriser l’industrie nucléaire émergente

Les démarches turques vers le Niger tendent, comme d’autres démarches iraniennes, russes et chinoises vers le Niger, à contrôler les richesses minières du Niger, et à partager son héritage du « gâteau jaune ».

Il s’agit d’un concentré d’uranium utilisé dans le processus de fabrication du combustible nucléaire, avec la Russie et l’Iran, pour assurer l’approvisionnement du réacteur « Akuyu », première centrale nucléaire turque située sur la Méditerranée, en cours de réalisation par la société russe « Rosatom », ainsi que deux autres installations en cours de planification.

Il convient de noter que la Turquie tente de diviser l’héritage uranifère du Niger et d’en extraire une partie avant qu’il ne tombe entre les mains d’autres acteurs, notamment les Russes, les Chinois et les Iraniens. Certains rapports indiquent que Téhéran cherchait à obtenir environ 300 tonnes de cet uranium.

A propos de la concurrence avec de nouveaux partenaires

Il convient de noter que l’état de bousculade et de concurrence ne se produit pas nécessairement entre les anciens partenaires et les nouveaux partenaires, mais plutôt entre les nouveaux partenaires. Cet état apparaît le plus clairement entre la Turquie et la Russie, dont les intérêts se croisent en Libye et en Afrique de l’Ouest et dont les ambitions sont similaires au Niger, notamment en cherchant à établir une base militaire, à employer des mercenaires et à promouvoir les services sécuritaires et militaires.

Le mot de la fin

En conclusion, on peut dire que les démarches turques vers le Niger s’inscrivent dans le cadre de l’extension de l’influence et du renforcement de la présence sur le continent africain, et elles s’appuient dans leur contenu sur les démarches pragmatiques turques vers l’Afrique de l’Ouest depuis le chaos des changements constitutionnels qui a balayé l’Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et porte en elle des objectifs politiques, économiques, sécuritaires et militaires.

On peut affirmer entre-autres que malgré l’attrait des actions turques au Niger et l’accueil des responsables, leur efficacité et leur impact restent limités et ils sont incapables de surpasser ou même d’équilibrer les actions russes.

D’une manière ou d’une autre, la Turquie peut, à travers ses mouvements actuels, entrer dans la région de l’Afrique de l’Ouest en tant que nouvelle arène d’influence supplémentaire aux sphères d’influence turques d’Afrique de l’Est et du Nord.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

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