
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Niger. Le nouveau régime sénégalais a pu obtenir une majorité confortable lors des élections législatives du 17 novembre 2024, lui permettant de mettre en œuvre son programme politique sans obstacles. Notre article analyse les implications des récents résultats des élections au Sénégal et leurs répercussions sur la scène politique de ce pays africain.
Diverses personnalités politiques actives, comme l’ancien président Macky Sall, son Premier ministre Amadou Ba et le maire de Dakar Barthélémy Toye Dias, ont reconnu les résultats des élections et félicité la majorité présidentielle gagnante, ce qui signifie que le vote s’est déroulé sans difficultés ni problèmes, malgré le climat tendu qui a régné lors de la dernière campagne électorale.
• Répercussions sur la scène politique sénégalaise
Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer les effets profonds des récentes élections législatives sur la scène politique sénégalaise, quelques données de base peuvent être soulignées:
-/- Le nouveau régime a réussi à consolider sa légitimité politique grâce à la grande victoire qu’il a remportée lors des récentes élections, ce qui lui donnera les mains libres pour façonner l’avenir politique du Sénégal, sans restrictions ni barrières, pour les cinq prochaines années.
-/- La classe politique traditionnelle qui a dirigé le Sénégal depuis son indépendance en 1960 jusqu’à aujourd’hui s’est effondrée. Cela concerne le mouvement socialiste dont sont issus les anciens présidents Léopold Senghor et Abdou Diouf, et le mouvement libéral dont sont issus les derniers présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall.
Les mauvais résultats obtenus par les deux mouvements aux dernières élections font que la rue sénégalaise s’en est abstenu complètement.
-/- Le projet de l’opposition n’a pas réussi à imposer un équilibre des pouvoirs au Sénégal en contrôlant le parlement, ce qui signifie que le pays se retrouve pour la première fois de son histoire sans opposition forte, ce qui ouvre la porte à une nouvelle équation dans un pays qui constituait la seule exception démocratique stable sur le continent ouest-africain.
• Les paris des dernières élections législatives de Novembre 2024
Les paris des élections législatives pour le nouveau régime ont porté sur l’obtention d’une majorité confortable qui lui permettrait de mettre en œuvre son programme électoral, notamment le « Plan Sénégal 2050 », qui est au centre de ce programme. Le nouveau système vise également à apporter un changement constitutionnel qui lui permettra de créer de nouvelles institutions, au premier rang desquelles la « Cour suprême de justice », compétente pour juger les ministres dans les affaires de corruption, ce qui nécessite d’obtenir les trois cinquièmes du soutien du Parlement.
Parmi les promesses du régime figure également celle d’abolir la loi d’amnistie pour les violations des droits de l’homme enregistrées dans les dernières années du règne du président Macky Sall, permettant ainsi de rouvrir ce dossier sensible et de juger les personnalités qui y sont mentionnées.
Quant à l’opposition, qui regroupe les deux familles politiques qui ont gouverné le Sénégal (le Mouvement libéral et le Mouvement socialiste), son ambition est d’imposer l’option de la coexistence avec le régime en place en maintenant la majorité parlementaire, ce qui placerait les politiques et les décisions du gouvernement sous son contrôle.
• Une très forte majorité présidentielle au sein du nouveau Parlement
Le taux de participation électorale a atteint 49,72%, ce qui représente un pourcentage élevé pour de tels droits, et il a augmenté de deux points par rapport aux élections de 2022.
La majorité présidentielle a remporté 131 sièges au nouveau parlement, contrôlant 41 des 46 provinces du Sénégal.
L’Alliance « Sauvons le Sénégal » dirigée par l’ancien président Macky Sall a remporté 16 sièges, la coalition « Paix et conciliation » dirigée par l’ancien Premier ministre Amadou Bah a remporté 7 sièges et la coalition « Respect de la parole » dirigée par le maire Barthélémy Toye Dias en a remporté 3 sièges.
• Sénégal – Alliance des États du Sahel (AES): le grand malentendu
Les pays d’Afrique de l’Ouest veulent surmonter les conséquences de l’ère coloniale pour l’indépendance et la libération, mais la rupture du lien régional a de graves répercussions qui peuvent conduire à des résultats négatifs, et bien que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest connaisse des échecs ; Cependant, il vaut mieux poursuivre les tentatives de changement que de rompre les liens régionaux, et dans le passé, ils disaient: « Un groupe mécontent vaut mieux qu’un groupe unifié ».
Dans ce contexte, et avec l’escalade des tensions dans la région et l’augmentation des défis sécuritaires, une grande question se pose par elle-même:
« Le Mali, le Burkina Faso et le Niger vont-ils revenir sur leur décision, sinon l’une des plus grandes organisations d’Afrique va-t-elle se désintégrer ? »
Les propagandistes des juntes du Sahel ne décolèrent pas. Eux qui avaient tant misé sur l’adhésion du Sénégal à l’Alliance des Etats du Sahel (AES), Mali – Burkina Faso – Niger, à l’issue de la crise qui a opposé durant plusieurs mois le président sénégalais Macky Sall aux mouvements de contestation, d’où, au cœur de cette crise, le bras-de-fer entre le régime de Macky Sall et le parti dissous Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), dirigé par Ousmane Sonko.
Les discours « de rupture » de ce dernier avaient, entre-temps, tissé des liens d’affinités avec les néo-panafricanistes, fervents propagandistes des régimes issus de putschs dans le Sahel. Dans sa marche pour la conquête du pouvoir, le Pastef n’a pas dédaigné compter sur ces soutiens pour relayer son combat auprès des opinions. Quitte à assumer des soupçons d’accointances avec des puissances étrangères – Russie en tête – peu enclines à favoriser l’expansion des principes démocratiques auxquels le Pastef n’a jamais cessé de se référer.
Les officiers du néo-panafricanisme professionnel étaient devenus d’exubérants exégètes du projet du Pastef, convaincus que le Sénégal allait bientôt rejoindre le club des régimes prétendument « souverainistes » qui ont émergé à la faveur de coups d’Etat militaires survenus depuis 2020 en Afrique de l’Ouest.
Entre les espoirs du peuple et les jeux de la politique: Quelles sont les répercussions de la confédération des pays du Sahel ? Les acteurs extérieurs ont-ils un rôle à jouer ? Est-ce une voie vers la libération de ces pays africains de la dépendance ou vice versa ? Est-ce le début de la fin pour la CEDEAO ?
Dans ce même contexte, on pourrait dire que les récentes démarches de rapprochement du Sénégal avec la Nouvelle Alliance du Sahel (AES), en particulier avec le Mali, reflètent un certain nombre d’implications importantes, dont la plus marquante est la suivante:
La visite du Premier ministre sénégalais au Mali s’inscrit dans le cadre des efforts de Dakar pour convaincre les pays de la Nouvelle Alliance du Sahel, qui ont formé une confédération commune à début juillet dernier, pour revenir à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Pour rappel, le Mali, le Niger et le Burkina Faso avaient annoncé leur retrait du groupe en janvier dernier, après que le groupe de la CEDEAO a imposé des sanctions à ces pays qui ont été témoins de coups d’État militaires qui ont renversé leurs gouvernements en place.
Ainsi, le Sénégal chercherait actuellement à faire réintégrer le Mali, le Niger et le Burkina Faso dans le bloc régional « CEDEAO », plus que d’y faire partie lui-même.
La question du retour de ces pays dans le bloc régional constitue l’un des dossiers centraux de l’agenda de l’actuel président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, depuis son arrivée au pouvoir à la suite des récentes élections présidentielles de Dakar en mars dernier ».
• Entre illusion et réalité
De plus, début juillet 2024, les régimes militaires du Niger, du Mali et du Burkina Faso ont célébré leur séparation du reste des pays d’Afrique de l’Ouest, en signant un traité créant une confédération entre eux. Le premier sommet des trois pays, qui se sont tous retirés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a été témoin cette année d’appels visant à renforcer la coopération dans de nombreux secteurs.
Leur retrait du groupe économique est intervenu à un moment où le trio s’éloigne de la France, sur fond d’accusations selon lesquelles Paris manipule le bloc, et le général au pouvoir au Niger, Abderrahmane Tiani, a appelé à ce que le nouveau bloc s’éloigne du contrôle des puissances étrangères. Tiani a déclaré: « Nous créons un système économique intégré pour les peuples, au lieu de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, dont les directives et instructions sont soumises à des forces étrangères à l’Afrique ».
• Les doutes qui planent sur l’adhésion du Sénégal à l’AES
Certaines estimations n’excluent pas la possibilité que le Sénégal rejoigne la Nouvelle Alliance du Sahel, d’autant plus que cette alliance vise à former une union économique avec une nouvelle monnaie commune, à travers la mise en place d’un Fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement afin de stimuler le développement régional des pays de la coalition. Ce modèle est actuellement soutenu par le Sénégal et d’autres pays comme le Togo et le Tchad. Ainsi, certaines estimations suggèrent la possibilité que le Sénégal, le Tchad et le Togo rejoignent la nouvelle alliance pour la région du Sahel et profiter des gains économiques potentiels de cette nouvelle intégration économique.
Cependant, d’autres estimations excluent la possibilité d’une adhésion du Sénégal à la Nouvelle Alliance du Sahel, compte tenu de la volonté de Dakar de maintenir ses relations avec les puissances occidentales, notamment les États-Unis, car son adhésion à cette coalition constituerait un revers majeur dans les relations du Sénégal avec les puissances occidentales. Cela contredit donc l’approche équilibrée adoptée par l’actuel président sénégalais, qui cherche à préserver les relations de son pays avec les différentes puissances régionales et internationales.
Par ailleurs, il semble que le nouveau gouvernement sénégalais aspire encore à renforcer le rapprochement avec les pays africains du Sahel, en particulier le Mali, et la période à venir verra probablement d’autres visites de responsables sénégalais au Niger et au Burkina Faso.
Toutefois, les chances de succès de la médiation sénégalaise pour convaincre ces pays de réintégrer le groupe de la CEDEAO sont encore « faibles », et l’adhésion de Dakar à la nouvelle coalition sahélienne semble également « peu probable ».
Cependant, le Sénégal, en retour, cherchera probablement à s’ouvrir à divers pays du Sahel et du Sahara, ainsi qu’à l’Afrique de l’Ouest, et on s’attend également à ce que Dakar s’efforce de parvenir à une nouvelle monnaie commune qui mettra fin à l’hégémonie française sur le franc africain.
• Ce qui est certain pour le moment: Le Sénégal s’abstient encore à rejoindre l’AES
Il faut dire que l’actuel homme fort du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a été clair sur la position de son pays en ce qui concerne l’Alliance des États du Sahel (AES).
À en croire ce dernier, le Sénégal ne pense pas encore intégrer cette organisation dont sont membres pour l’instant le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
Bassirou Diomaye Faye a déclaré lors de sa visite au Mali que: « Le Sénégal n’envisage pas encore de rejoindre l’AES dans les jours à venir ». Il a indiqué que pour l’heure, c’est la réconciliation au sein de la CEDEAO qui est plus importante.
Il a ajouté qu’il ne « désespère pas de voir la CEDEAO repartir sur de nouvelles bases qui nous évitent la situation que nous traversons aujourd’hui ».
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