Le Retrait du Niger de la Force du Lac Tchad: Pourquoi en ce Moment et quelles Seraient les Répercussions

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Le Retrait du Niger de la Force du Lac Tchad: Pourquoi en ce Moment et quelles Seraient les Répercussions
Le Retrait du Niger de la Force du Lac Tchad: Pourquoi en ce Moment et quelles Seraient les Répercussions

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Le retrait du Niger de la Force internationale (FMM) de lutte contre les groupes extrémistes armés dans la région du lac Tchad, en Afrique de l’Ouest, a provoqué une onde de choc dans toute la région. Les analystes avertissent que ce pari sécuritaire pourrait affaiblir les efforts régionaux de lutte contre le terrorisme, en particulier le long de la frontière entre le Niger, le Nigéria et le Tchad, une zone opérationnelle critique pour les groupes terroristes.

Le retrait du Niger de cette force multinationale mixte (MNJT ou MNJTF), une coalition internationale luttant contre le phénomène du terrorisme dans la région du lac Tchad, marque un tournant important dans la sécurité régionale.

Des éléments clés pour comprendre la situation

La décision, annoncée officiellement à la télévision d’État par les forces armées nigériennes, dans la soirée du samedi 29 mars 2025, a soulevé des questions sur l’avenir de la coordination sécuritaire en Afrique de l’Ouest, notamment avec la montée des tensions entre les pays concernés dans le bassin du lac Tchad.

Dans ce contexte, les experts politiques français ont estimé que le retrait de la force régionale antiterroriste de Niamey reflète des changements fondamentaux dans la stratégie sécuritaire de la Capitale nigérienne, dans un contexte d’escalade des menaces terroristes dans la région.

• Bastion des groupes armés

A noter que cette force, réactivée en 2015 par le Nigéria, le Tchad, le Cameroun et le Niger, fût créée en 1994 pour lutter contre les organisations terroristes actives dans la région, surtout que cette étendue d’eau, qui s’étend sur les quatre pays, était devenue un bastion majeur pour les groupes armés, notamment les combattants de Boko Haram et de Daech en Afrique de l’Ouest.

Dans leur communiqué rendu publique à ce sujet, les forces nigériennes ont expliqué que ce retrait vise à « renforcer la protection des sites pétroliers du nord », soulignant que les installations énergétiques situées dans la région de Diffa (sud-est du pays) sont de plus en plus menacées par des groupes armés, ciblant notamment l’oléoduc géant qui transporte le pétrole vers le Bénin voisin, et sans fournir davantage de détails sur les motivations derrière cette décision.

• Défis sécuritaires et tensions régionales

Les tensions entre les États membres de la force régionale ont affaibli son efficacité dans la lutte contre les menaces terroristes. Depuis le coup d’État militaire perpétré au Niger en juillet 2023, les relations entre Niamey et Abuja sont devenues très tendues, le Niger accusant le Nigeria d’abriter des forces étrangères cherchant à déstabiliser le pays, une accusation qu’Abuja a niée à plusieurs reprises.

Après une suspension de plus d’un an, les deux pays ont annoncé la reprise de la coopération militaire en août 2024, et ce, lors d’une visite à Niamey effectuée par le Chef d’Etat-major nigérian, le général Christopher Musa.

Cependant, des divisions demeurent évidentes, car lors d’un sommet régional à Maiduguri, dans le nord-est du Nigéria, le gouverneur général de la région de Diffa, Mahamadou Ibrahim Bagadoma, a déclaré: « Le problème est que certains font des efforts, tandis que d’autres les sapent. Nous devons nous unir et mettre fin à l’ingérence étrangère dans notre région ».

Par ailleurs, vers la fin 2024, le Tchad a également menacé de se retirer de la force régionale en raison d’un « manque de coordination efficace », à la suite d’une attaque meurtrière qui a ôté la vie à 40 soldats tchadiens.

• Baisse de confiance entre les pays de la région

Le chercheur au Centre d’études stratégiques et internationales, Pierre Dumont, a déclaré quant à lui que « le retrait du Niger de la force régionale met en évidence la baisse de confiance mutuelle entre les pays de la région, ce qui pourrait ouvrir la voie à la montée des groupes armés dans la région du lac Tchad ».

Il a ajouté dans le même contexte que: « Cette décision peut être liée à la volonté de Niamey de réorienter ses ressources militaires pour protéger les infrastructures vitales, notamment à la lumière de l’escalade des attaques contre les installations pétrolières ».

Néanmoins, cette force, formée pour faire face à la menace des organisations terroristes qui sèment le chaos dans la région, est désormais confrontée à un test existentiel. Le retrait de l’un de ses piliers clés (Niger) menace son effondrement complet.

C’est pour cela que, dans un contexte d’escalade des attaques armées et de défis sécuritaires croissants, l’avenir de la stabilité dans cette région vitale est en jeu, tandis que l’attention se tourne vers les réponses des autres États membres et leur capacité à contenir les répercussions.

• Expansion de l’influence des groupes terroristes

De son côté, François Laurent, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), a fait une déclaration aux médias disant que « l’érosion de la coopération sécuritaire dans la région pourrait laisser un vide dangereux qui permettrait aux groupes terroristes d’étendre leur influence, notamment en l’absence d’une stratégie régionale unifiée pour lutter contre le terrorisme ».

Il a expliqué que « l’escalade des conflits entre les États membres de la force conjointe pourrait affaiblir la coordination des renseignements, qui est un élément clé pour affronter les groupes armés qui exploitent les frontières instables ».

On peut souligner à ce propos, que le retrait du Niger de la force régionale de lutte contre le terrorisme reflète des défis plus profonds liés aux relations entre les pays de la région, ainsi qu’aux complexités du paysage sécuritaire autour du lac Tchad.

Alors que Niamey cherche à consolider son contrôle sur ses ressources stratégiques, une question beaucoup plus importante fait son apparition: « Ce retrait entraînera-t-il davantage d’instabilité ou constitue-t-il un pas vers une approche sécuritaire plus efficace ?

Face à ces défis, le Niger a affirmé qu’il n’abandonnera pas la lutte contre le terrorisme, mais cherchera de nouvelles voies cohérentes avec ses intérêts souverains et sa propre sécurité intérieure.

Les responsables du gouvernement nigérien ont indiqué qu’ils avaient l’intention de renforcer la coopération bilatérale avec les pays voisins et d’intensifier les efforts nationaux pour lutter contre le terrorisme à l’intérieur des frontières nationales.

Le Niger a également souligné l’importance d’un soutien international continu, notamment de la part des puissances occidentales qui ont contribué aux opérations de lutte contre le terrorisme dans la région.

• Contexte et motifs de la décision

Il faut l’avouer, la décision prise par le Niger intervient dans un contexte de changements radicaux dans la situation intérieure du pays suite au coup d’État militaire de 2023 qui a renversé le gouvernement précédent, entraînant des tensions politiques intérieures accrues et des relations tendues avec les puissances régionales et internationales.

Dans ce contexte, le Niger a décidé de réévaluer son rôle dans les opérations militaires conjointes dans la région du lac Tchad, où il a été activement impliqué dans les efforts de lutte contre les groupes armés ces dernières années.

Le président nigérien, qui a pris le pouvoir après le coup d’Etat, a déclaré que cette décision s’inscrit dans le cadre d’une « réévaluation stratégique » de la sécurité nationale et de la souveraineté, notant que le Niger n’abandonnera pas son engagement à lutter contre le terrorisme mais cherchera des moyens alternatifs pour atteindre cet objectif.

• Réactions des pays du voisinage et de la communauté internationale

Cette décision a suscité des réactions mitigées de la part des pays voisins et de la communauté internationale, et certains pays, comme le Tchad et le Cameroun, ont exprimé leur inquiétude quant à l’impact de ce retrait sur la coordination régionale de la lutte contre le terrorisme.

Dans le même temps, le Nigéria a affirmé qu’il poursuivrait sa coopération avec le Niger dans d’autres domaines, notamment le partage de renseignements et le renforcement de la sécurité aux frontières.

D’autre part, certaines puissances internationales, comme l’Union européenne et les États-Unis, ont exprimé leur inquiétude quant aux répercussions de cette décision sur la stabilité régionale.

Plusieurs médias ont rapporté d’ailleurs, que l’Occident surveille de près l’évolution de la situation au Niger, car toute rupture des alliances militaires pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

• Est-ce une tentative de pression ?

Par ailleurs, commentant la décision du Niger, le chercheur soudanais en affaires africaines, Mohammed Turchin, a expliqué que la force militaire retirée par le Niger du bassin du lac Tchad est plutôt une tentative de faire pression sur le gouvernement tchadien.

Turchin a confié aux médias qu’il existe des différences et des divergences de points de vue entre les deux parties, et qu’avec cette démarche, le Niger, ainsi que les pays du Sahel, tentent d’imposer leur plus grande influence possible au Tchad et aux pays riverains du lac.

Le chercheur a ajouté: « Je crois que l’objectif principal de cette tentative est de pousser la partie tchadienne à rejoindre le processus sahélien. Bien que le Tchad dispose de l’une des meilleures armées de la région, ce retrait aura des répercussions et impactera négativement la sécurité et la stabilité de la région des Grands Lacs ».

• Défis supplémentaires possibles

Tout laisse à croire que Daech, Boko Haram ainsi que d’autres groupes terroristes vont se développer dans la région, et à travers cette démarche, la partie nigérienne cherche à sécuriser les alliances qu’elle a formées au Sahel, car la question sera plus complexe et ses répercussions se refléteront d’une manière ou d’une autre dans toute la région du Sahel africain, du fait que l’activité des organisations terroristes ne se limitera pas à cette région seulement, elle pourrait s’étendre même au-delà de ses frontières jusqu’au golfe de Guinée, ainsi qu’à la région du Sahel ».

Les experts des affaires africaines le disent clairement: « Ces organisations ont une expérience et des opérations antérieures dans ces domaines, ce qui ouvrira la porte à de nouveaux défis pour l’ensemble de la région ».

Pour rappel, lorsque la crise entre le Niger et la France avait éclaté suite à l’expulsion des forces françaises et à la réduction de l’influence française dans les pays du Sahel, la dépendance à cette force a été réduite.

En plus, après le coup d’État militaire au Niger, les relations avec le Nigeria, qui dirige la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), se sont détériorées, et tout cela a conduit à une baisse de confiance dans cette force en tant que protectrice des intérêts des quatre pays.

• Conséquences possibles

Ce retrait s’inscrit dans une dynamique plus large de reconfiguration des alliances sécuritaires en Afrique de l’Ouest, où la lutte contre le terrorisme se heurte aux réalités géopolitiques changeantes.

On peut bien s’attendre à certaines conséquences dont:

-/- Affaiblissement de la réponse régionale: Un retrait nigérien réduit la coordination contre les groupes extrémistes armés.

-/- Risque accru d’attaques: Les zones frontalières (Diffa, lac Tchad) pourraient devenir plus vulnérables.

-/- Réalignements stratégiques: Le Niger pourrait se tourner vers le G5 Sahel (bien que ce groupe soit affaibli) ou des partenaires comme la Russie (via Wagner/Africa Corps).

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