Le coup d’État au Niger, ultime test pour la Cedeao

12
Le coup d’État au Niger, ultime test pour la Cedeao
Le coup d’État au Niger, ultime test pour la Cedeao

Flore Monteau

Africa-Press – Niger. Alors que Mohamed Bazoum vient d’être renversé par le général Tchiani au Niger, la première tentative de médiation de la Cedeao semble avoir échoué. Le président nigérian, Bola Tinubu, à la tête de l’organisation régionale, est attendu au tournant.

Je déclare sans équivoque que le Nigeria soutient fermement le gouvernement élu du Niger. » À peine 17 jours après avoir été nommé président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le chef de l’État nigérian, Bola Tinubu, a été mis à l’épreuve face aux mutins qui ont renversé le pouvoir à Niamey. « Nous n’hésiterons pas à défendre et à préserver l’ordre constitutionnel », a-t-il déclaré le 26 juillet.

Dans un communiqué publié dans la foulée, la Cedeao déclarait avoir pris connaissance « avec stupeur et consternation » de ce qui n’était alors qualifié que de « tentative » de putsch contre Mohamed Bazoum, avant de le « condamner de la manière la plus vigoureuse » et d’appeler « les auteurs de cet acte à libérer immédiatement et sans condition le président de la République démocratiquement élu. »

Patrice Talon médiateur

Dès le 26 juillet, à la mi-journée, Bola Tinubu mandatait une délégation comprenant le chef d’état-major nigérian. Celui-ci a rencontré les mutins et « convenu de les revoir », selon un proche de Mohamed Bazoum. Mais c’est au Béninois Patrice Talon, déjà désigné le 18 juillet pour une mission auprès de ses homologues « de transition » au Burkina Faso, au Mali et en Guinée, que revient désormais la mission de mener une médiation à Niamey sous l’égide de l’organisation sous-régionale.

« Tous les moyens seront utilisés pour que l’ordre constitutionnel soit rétabli au Niger, mais l’idéal serait que tout se fasse dans la concorde. Les actions de médiation seront renforcées ce soir même [mercredi 26 juillet ] pour que la situation s’arrange dans la paix », déclarait Talon à l’issue d’une rencontre avec Tinubu à Abuja.

PATRICE TALON N’EST PAS PARVENU À TROUVER « D’INTERLOCUTEUR CRÉDIBLE » À NIAMEY

Alors qu’il venait d’annoncer son intention de se rendre directement à Niamey, le chef de l’État béninois a finalement rebroussé chemin. Patrice Talon a bien décollé d’Abuja, mais pour atterrir… à Cotonou. Si cet épisode n’a donné lieu à aucune communication officielle, dans la soirée de mercredi, une source proche de la présidence a confié à Jeune Afrique que le président béninois n’était pas parvenu à trouver « d’interlocuteur crédible » à même de l’accueillir à son arrivée. Quelques heures plus tard, les putschistes annonçaient sur les ondes de la télévision d’État la mise en place du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP), la suspension de la Constitution et, parmi les mesures d’exception, la fermeture de l’espace aérien.

Le lendemain, à la mi-journée, le chef d’état-major des armées, le général Abdou Sidikou Issa, confirmait le ralliement à la junte des militaires restés jusque-là loyalistes. Le général mettait en avant son refus de « toute intervention militaire extérieure, de quelque provenance que ce soit », jugeant que celle-ci « risquerait d’avoir des conséquences désastreuses et incontrôlables pour nos populations et le chaos pour notre pays ».

« Tinubu est furieux »

Une manière de mettre en garde le président nigérian ? « Nous ne permettrons pas qu’il y ait coup d’État sur coup d’État ! », lançait, le 9 juillet depuis Bissau, un Bola Tinubu tout juste investi président de la Cedeao. S’érigeant alors en défenseur de la démocratie, le Nigérian assurait vouloir envoyer un « signal d’avertissement » aux putschistes. Moins de trois semaines plus tard, le coup d’État mené contre Mohamed Bazoum sonne donc bien comme un test de la capacité de l’organisation sous-régionale à passer de la parole aux actes.

Déjà largement critiquée pour son inefficacité dans la crise malienne, rejetée par une large frange des opinions publiques ouest-africaines qui l’accuse tantôt d’être peu ou prou inféodée à la France ou d’ingérence dans les affaires intérieures des pays sahéliens, la Cedeao a également été vertement mise en cause pour le « deux poids, deux mesures » qu’elle a pratiqué, en fonction des pays dans lesquels les crises survenaient. Pour beaucoup, l’organisation joue donc sa dernière carte au Niger.

Bola Tinubu, qui se disait prêt « à mordre », parviendra-t-il, comme il l’a annoncé, à faire preuve de la plus grande fermeté pour préserver la démocratie dans la région ? « Tinubu est furieux », affirme à JA une source nigériane, selon laquelle il aurait décidé de « suspendre le Niger » de la Cedeao.

S’ILS LAISSENT PASSER LE PUTSCH, CELA FERA L’EFFET D’UN FEU DE BROUSSE

« Il ne faut pas sous-estimer le nouveau leadership des Nigérians, considère une source militaire régionale. S’ils laissent passer le putsch au Niger, cela fera l’effet d’un feu de brousse » dans le reste de la région. Blocage du pays, interdiction de sortie du territoire pour les mutins, embargo économique… « Les sanctions peuvent être très sévères », assure notre interlocuteur.

Dissensions internes

Investi en mai dernier, le président nigérian n’a cependant, jusqu’à présent, pas nommé de gouvernement. Faute de ministre des Affaires étrangères, la stratégie régionale de Tinubu est encore balbutiante. Mais le chef de l’État nigérian a rendu public, jeudi 27 juillet, une liste des personnalités qu’il entend faire entrer au sein de son futur gouvernement. Parmi eux, l’actuel ambassadeur du Nigeria en Allemagne, Yusuf Maitama Tuggar, pourrait récupérer le brûlant dossier nigérien.

La veille du putsch mené par Tchiani contre Bazoum, Omar Alieu Touray, président de la commission de la Cedeao, assurait face au Conseil de sécurité des Nations unies être « confiant » dans le fait que « le nombre de gouvernements démocratiquement élus augmentera bientôt ». Alors que les pays ouest-africains dirigés par des militaires viennent de passer de trois à quatre, il y a urgence, pour la Cedeao, à agir.

Mais en interne, l’organisation semble plus que jamais déchirée. Présents au côté de Vladimir Poutine au sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, le Sénégalais Macky Sall et le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló ont boycotté la « photo de famille » clôturant l’événement, expliquant refuser de poser aux côtés du Malien Assimi Goïta et du Burkinabè Ibrahim Traoré, suspendus des instances de l’organisation sous-régionale.

Le sommet extraordinaire sur la situation au Niger, qui doit se tenir ce dimanche 30 juillet à Abuja, et lors duquel Tinubu a instamment demandé à ses homologues d’êtres présents, sera donc crucial.

La Source: JeuneAfrique.com

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here