Le Niger et L’Algérie dans le Gazoduc Transsaharien

10
Le Niger et L'Algérie dans le Gazoduc Transsaharien
Le Niger et L'Algérie dans le Gazoduc Transsaharien

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Dans une nouvelle escalade diplomatique due aux expulsions par l’Algérie de migrants vers le territoire nigérien, le Niger, jugeant ces pratiques incompatibles avec les principes de la coopération internationale et les accords conclus entre les pays africains voisins, aurait décidé de se retirer du grand projet du gazoduc « Algérie – Niger – Nigeria ».

Selon nos sources, le Niger aurait effectivement annoncé son retrait de ce projet transsaharien, marquant ainsi un tournant significatif dans ce projet stratégique.

Le communiqué ajoute que « le blocage des canaux de coopération bilatérale a rendu impossible la mise en œuvre de plans ambitieux tels que ce projet énergétique massif ».

La décision prise par les autorités de Niamey priverait donc l’Algérie d’un atout stratégique dans les négociations, alors que, de l’autre côté, le projet concurrent de gazoduc Maroc-Nigeria serait en train de gagner en popularité au niveau régional en tant qu’alternative attractive à l’Europe.

• En se retirant du projet de gazoduc du Sahara, le Niger a-t-il anéanti les ambitions de l’Algérie?

Dans ce contexte, le gouvernement nigérien aurait officiellement annoncé son retrait du projet de gazoduc transsaharien, une initiative ambitieuse visant à transporter l’abondant gaz naturel du Nigeria à travers son territoire et celui de l’Algérie, vers un continent européen assoiffé de sources d’énergie alternatives.

La plateforme « Energie » a révélé, citant des sources algériennes introduites et bien informées, que la décision de retrait est intervenue suite à une forte détérioration des relations entre le Niger et l’Algérie, sachant que le ministère nigérien des Affaires étrangères a expliqué dans un communiqué officiel que les tensions persistantes et l’absence d’un environnement de coopération fiable entre les deux pays ne permettent plus la poursuite des travaux sur ce projet.

Bien que ce qui se passe entre les deux pays reste « tenu au secret officiel », notamment autour des raisons immédiates de la suspension de ces études cruciales par le Niger, la récente série d’événements politiques entre les deux voisins fournit une explication claire à ce changement radical.

De facto, la décision nigérienne est considérée comme un « coup dur » aux efforts inlassables déployés par l’Algérie ces derniers mois pour faire avancer le projet, afin de ne pas se faire rattraper par le projet concurrent entreprit par le Maroc dans la même trajectoire.

Ceci dit, le retrait du Niger dudit projet représente un coup dévastateur pour les ambitions régionales et économiques de l’Algérie, qui considère le gazoduc comme la pierre angulaire de sa stratégie visant à renforcer son influence en tant que fournisseur majeur d’énergie pour l’Europe, compte tenu notamment des efforts incessants du continent pour diversifier ses sources d’énergie loin de l’hégémonie russe.

Par ailleurs, un autre facteur contribuant à la décision du Niger serait le recours par l’Algérie, en avril dernier, à des campagnes d’expulsion à grande échelle de migrants africains vers la frontière nigérienne. Ces mesures ont suscité une colère généralisée à Niamey, comme en témoigne la couverture médiatique de l’État nigérien.

A ce propos, la chaîne de télévision publique Télé Sahel a fermement condamné ce qu’elle a décrit comme la « politique habituelle » de l’Algérie en matière de traitement des migrants à la frontière nord du Niger, y compris les expulsions continues dans des conditions inhumaines. Cela reflète le profond mécontentement du régime nigérien face au comportement de l’Algérie.

L’impact de cette décision s’étend au-delà de l’économie et touche à la géopolitique régionale. Son retrait d’un projet stratégique mené par l’Algérie, surtout s’il est motivé par l’escalade des tensions politiques entre les deux pays, risque d’approfondir la fracture dans les relations bilatérales, avec des répercussions s’étendant au-delà du secteur énergétique à d’autres domaines de coopération.

• Réaction algériennes

Pour confirmer ce qui se passe entre les deux pays, des sources algériennes ont indiqué que le Niger a actuellement suspendu toutes les études finales liées au projet conjoint entre eux, y compris le Nigeria, qui devait annoncer une décision finale d’investissement au plus tard en 2026.

Il importe de noter que les relations algéro-nigériennes ont connu un refroidissement marqué, culminant avec le retrait par le Niger de son ambassadeur en Algérie en solidarité avec le Mali, qui avait accusé l’Algérie d’avoir abattu l’un de ses drones à la frontière commune entre les deux pays.

C’est dans cet ordre d’idées que l’Algérie a rapidement réagi en rappelant elle-aussi son ambassadeur de Niamey, suivant les mêmes mesures qu’elle avait prises avec le Mali et le Burkina Faso, alimentant davantage une crise politique et diplomatique croissante entre les trois parties.

Le projet, qui visait à exploiter les vastes réserves de gaz du Nigeria, estimées à 210,54 billions de pieds cubes selon les dernières données de la Plateforme énergétique pour 2025, était considéré comme une nouvelle artère vitale pour les exportations de gaz de l’Algérie et un coup de pouce à ses revenus énergétiques dans un avenir prévisible, et la décision de Niamey de se retirer du projet soulève des questions existentielles sur son avenir.

L’absence du Niger, partenaire clé dans le transit du pipeline, pose des défis logistiques et sécuritaires extrêmement complexes pour le Nigeria et l’Algérie, même s’ils décident de procéder de manière bilatérale, cependant la décision du Niger de suspendre sa participation semble donc être le résultat direct de ces divergences politiques profondément enracinées.

• Ce qu’en pensent les observateurs et experts des affaires africaines

En février 2025, l’Algérie avait accueilli une réunion ministérielle du comité de pilotage du projet, à laquelle ont participé des responsables de haut niveau du Nigeria et du Niger. Des accords importants ont été signés concernant la mise à jour de l’étude de faisabilité, le partage des coûts et la garantie de la confidentialité des informations sensibles du projet.

Cette rencontre tripartite, qui semblait prometteuse à l’époque, met clairement en évidence la rapidité et l’impact des évolutions politiques imprévisibles sur les grands projets économiques d’importance stratégique. Mais la décision soudaine du Niger est venue compromettre considérablement les efforts déployés et mettre en péril l’avenir de l’ensemble du projet.

Revenant sur cet incident, observateurs et experts ont souligné que l’échec du projet de gazoduc transsaharien, largement considéré comme un projet majeur de coopération régionale mené par l’Algérie, pourrait avoir un impact négatif sur l’image de l’Algérie en tant que puissance régionale capable de mettre en œuvre des projets stratégiques majeurs à dimension internationale.

Cela réduirait également la capacité de manœuvre de l’Algérie dans les négociations d’approvisionnement énergétique avec les pays européens, et pourrait l’obliger à supporter des coûts supplémentaires importants pour réévaluer le projet ou rechercher des solutions alternatives pour l’exportation du gaz nigérian, si elle décidait de poursuivre le projet malgré l’absence du Niger comme partenaire de transit majeur indispensable.

Les experts en énergie estiment que le retrait du Niger reflète non seulement une crise diplomatique, mais met également en évidence les défis géopolitiques de la région.

Ces derniers estiment que les enjeux énergétiques sont de plus en plus liés à la stabilité politique et à la crédibilité diplomatique, des normes que l’Algérie semble avoir du mal à maintenir dans son environnement régional.

• Quand le Maroc guette le premier « faux-pas » pour sauter sur l’occasion

Signature de l’accord du gazoduc Maroc – Nigeria appuyé par CEDEAO

L’Algérie s’est efforcée, certes, d’accélérer le rythme des travaux, animée par une forte volonté de mener à bien ce projet avant que le Maroc ne puisse achever son projet concurrent avec le Nigeria, qui doit traverser les pays d’Afrique de l’Ouest pour atteindre le territoire marocain.

Les efforts frénétiques déployés par l’Algérie découlent de sa prise de conscience de l’importance croissante du projet de gazoduc Maroc-Nigeria, que le Maroc a inscrit dans sa vision ambitieuse de l’Initiative « Afrique Atlantique », et qui bénéficie d’un soutien croissant des pays participants.

L’Initiative Atlantique, qui a pris un élan significatif depuis 2022, vise à faire de l’Afrique un acteur majeur du commerce international et à renforcer la coopération entre les pays riverains de l’océan Atlantique. Parmi les projets structurants soutenus par cette vision, le projet de gazoduc Maroc-Nigeria se distingue comme une alternative stratégique pour l’approvisionnement de l’Europe en gaz africain, renforçant la position du Maroc en tant que partenaire pivot pour atteindre la sécurité énergétique mondiale.

Pour réaliser cette vision, le Maroc s’appuie sur ses infrastructures solides, qui comprennent des ports majeurs tels que le port de Tanger Med et le futur port de Dakhla, en plus de vastes projets de connectivité routière, comme un attrait majeur pour les investissements dans l’ambitieux projet de pipeline atlantique.

Le passage du pipeline à travers des pays tiers était une pierre angulaire du concept original, et toute tentative de re-planification nécessiterait des itinéraires alternatifs comportant des risques de sécurité et des coûts élevés, menaçant de longs retards ou même le spectre d’une annulation complète, décimant ainsi les espoirs de l’Algérie quant aux revenus prometteurs et aux opportunités économiques du projet.

En revanche, le projet de gazoduc Maroc-Nigeria, qui s’étend le long de la côte atlantique à travers les pays d’Afrique de l’Ouest jusqu’au Maroc puis jusqu’en Europe, connaît une croissance importante et un intérêt croissant.

Ce projet bénéficie d’un fort soutien marocain, reflétant l’ambition de Rabat de renforcer son rôle régional en tant que fournisseur d’énergie alternatif et fiable pour le continent européen. Alors que le projet de gazoduc transsaharien est bloqué par la décision de Niamey, le projet maroco-nigérian prend de l’ampleur, apparaissant comme une alternative plus attractive pour transporter le gaz naturel vers l’Europe. Cela pourrait réduire la capacité de l’Algérie à être compétitive sur le marché énergétique européen en pleine mutation.

L’analyse faite par le président de la Chambre des représentants du Maroc, Rachid Talbi Alami, soulignant que cette initiative constitue un projet stratégique visant à transformer la côte atlantique de l’Afrique en un espace économique intégré, s’inscrit dans la vision du Maroc de renforcer les partenariats continentaux et de tirer parti de ses infrastructures de pointe, notamment de grands ports et d’ambitieux projets de connectivité routière.

• Retour sur les points clés expliquant mieux cette décision et ses implications:

1. Rupture diplomatique entre Niamey et Alger:

Solidarité du Niger avec le Mali après qu’un drone militaire malien ait été abattu par les forces algériennes près de la frontière ayant aggravé les tensions régionales.

2. Impact sur le projet de gazoduc transsaharien:

Le projet, estimé à 13 milliards de dollars et long de 4 128 km, devait relier les réserves gazières du Nigeria à l’Europe via le Niger et l’Algérie. Niger a suspendu les études techniques finales, mettant en péril l’échéance prévue pour une décision d’investissement en 2026.

Le retrait officiel de Niger a été confirmé par son ministère des Affaires étrangères, citant l’absence d’un « environnement coopératif fiable » avec l’Algérie.

Le retrait du Niger du projet de gazoduc transsaharien menace profondément le plan de l’Algérie d’achever ce projet massif, malgré la signature de plusieurs accords entre les trois pays, a indiqué une source à Energy Platform, le 29 avril dernier, qu’une décision finale d’investissement n’avait pas encore été prise et qu’elle pourrait être reportée jusqu’au début de 2026.

La même source a déclaré entre-autres que « les défis auxquels le projet est confronté peuvent être surmontés, d’autant plus que le gazoduc transsaharien ne traverse que trois pays, par conséquent, son coût et l’obtention de contrats pour son achat pourraient être à portée de main ».

Au vu des développements actuels, le projet algérien est confronté au spectre de l’effondrement, d’autant plus que le retrait du pays de transit (le Niger) signifie que le projet n’a plus de sens. De plus, aucun contrat d’achat de gaz n’a été conclu et il sera donc difficile de prendre une décision d’investissement définitive dans un avenir proche.

3. Contexte géopolitique élargi:

La sortie conjointe du Niger, du Mali et du Burkina Faso de la CEDEAO a encore isolé l’Algérie, dont le projet de gazoduc dépendait de la stabilité régionale.

4. Avantage concurrentiel pour le Maroc:

Le projet concurrent « Nigeria-Maroc », soutenu par l’Initiative des États atlantiques africains, profite de ces tensions pour se positionner comme une alternative crédible.

5. Tentatives de relance incertaines:

Des pourparlers entre hauts responsables algériens et nigériens ont été évoqués pour relancer le projet, mais les divisions politiques et sécuritaires (notamment la menace jihadiste dans le Sahel) rendent toute reprise improbable à court terme.

Par ailleurs, le retrait de Niger reflète une fracture géopolitique profonde en Afrique de l’Ouest, où les rivalités algéro-marocaines et les repositionnements post-coup d’État redessinent les alliances énergétiques. L’avenir du gazoduc transsaharien semble désormais lié à une réconciliation improbable entre Alger et Niamey, tandis que le projet marocain gagne en attractivité.

En effet, à un moment où le projet de gazoduc transsaharien a fait face à de nombreux défis, jetant le doute sur sa mise en œuvre, le projet maroco-nigérian, quant à lui, reçoit un soutien et un intérêt international croissant, d’autant plus que l’Europe cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique.

C’est pourquoi les observateurs pensent que le retrait du Niger du projet de gazoduc transsaharien est « un quasi-échec », portant un coup dur à l’Algérie, dont les tentatives d’imiter les succès du Maroc ont toutes échoué. Le dernier exemple en date est son incapacité à présenter un programme capable de véritablement concurrencer l’initiative lancée par le Maroc en 2023 pour faciliter l’accès à l’océan Atlantique aux pays du Sahel. L’initiative a reçu un large soutien, car elle représente une opportunité historique pour réaliser un changement économique et de développement qualitatif, comme le confirment plusieurs rapports internationaux qui ont souligné ses avantages, soulignant qu’elle comprend des solutions pratiques pour parvenir à la prospérité des peuples de la région.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here