Montée des Attaques Terroristes à la Frontière Niger-Burkina Faso: Centaines de Morts

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Montée des Attaques Terroristes à la Frontière Niger-Burkina Faso: Centaines de Morts
Montée des Attaques Terroristes à la Frontière Niger-Burkina Faso: Centaines de Morts

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. L’escalade des attaques terroristes dans les pays africains du Sahel est une tentative d’épuiser les capacités de ces pays et de leurs forces, et une tentative de détourner l’attention et de montrer à leurs systèmes politiques qu’ils sont incapables de protéger leur sécurité et leur population.

C’est dans cette optique sur laquelle plane beaucoup de « flou », que les pays africains du Sahel ont connu, récemment, une augmentation notable des taux d’attaques commises par des organisations terroristes affiliées à la fois à Al-Qaïda et à Daech. Il s’agit là d’une augmentation qui soulève un certain nombre de questions qui se situent à deux niveaux:

• Premièrement

Les indicateurs du retour et de l’escalade des opérations terroristes

• Deuxièmement

La saisonnalité des retours et indicateurs de l’emploi américain, à savoir: l’escalade des opérations est-elle liée à des raisons locales liées aux circonstances de ces pays, ou y a-t-il des facteurs occidentaux externes à l’origine de l’augmentation de la fréquentation et de son utilisation ?

Il faut dire que les signes d’une récente escalade des attaques terroristes ont commencé à apparaître clairement dans la région africaine du Sahel, après que l’État du Tchad a annoncé qu’une quarantaine de militaires avaient été tués dans une attaque terroriste visant une base militaire située à l’ouest du pays, dans la région du bassin du lac Tchad, non loin des frontières avec les pays du Nigeria et du Niger. Nous sommes fin octobre 2024, et cette attaque est considérée comme l’une des attaques terroristes les plus violentes visant le Tchad durant cette année.

A proximité, l’armée malienne poursuivait quant à elle ses opérations militaires dans le nord et le centre du pays contre les bastions d’Al-Qaïda, annonçant avoir éliminé une quarantaine de terroristes lors d’une opération militaire dans le gouvernorat de Nampala, à la frontière avec la Mauritanie. Cela s’est produit après que la capitale, Bamako, fût témoin d’une attaque violente et sans précédent contre l’aéroport international de Bamako, au cours de laquelle plus de 70 soldats ont été tués.

• A quelle sorte d’escalade sommes-nous entrain d’assister ?

On peut affirmer donc que, de facto, l’escalade des opérations terroristes sur le continent africain en général et dans la région du Sahel en particulier ne peut être isolée et séparée des changements internationaux qui se produisent sur le continent africain, notamment en termes de réaménagement des relations entre les pays du continent d’une part, et entre cela et le déclin de l’influence des États-Unis et des pays occidentaux d’autre-part.

Un exemple en est la coïncidence des opérations terroristes qui ont eu lieu au Mali le 20 septembre 2024, au lendemain du premier anniversaire de la création de l’Alliance des États du Sahel, qui comprend le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui fait face à l’expansion des attaques terroristes dans la région africaine du Sahel. On constate que depuis 2020, ces pays ont successivement annulé l’alliance historique avec la France et les États-Unis d’Amérique, et ont inversé leurs relations et alliances avec d’autres pays comme la Russie et la Chine.

C’est pourquoi faut-il convenir de noter que depuis 2017, les événements liés aux mouvements armés dans la région du Sahel, notamment au Burkina Faso, au Mali et à l’ouest du Niger, ont été multipliés par sept, et la région est devenue un foyer de tensions et d’instabilité, ainsi qu’un foyer de conflit entre puissances mondiales cherchant à prendre pied ou à s’étendre sur le continent africain. La liste des dix pays les plus menacés par le terrorisme en 2023, selon l’Indice mondial du terrorisme pour 2024, comprenait cinq pays africains, dont la Somalie à l’est du continent, et quatre pays d’Afrique de l’Ouest. Les pays de la région ouest-africaine, en particulier ceux de le Sahel central, sont en tête des indicateurs de menace terroriste les plus élevés.

Il existe d’ailleurs d’autres groupes et mouvements armés actifs dans la région africaine du Sahel qui n’adoptent pas de slogans « djihadistes », comme le Mouvement arabe pour la libération de l’Azawad au Mali ou MNLA, qui est une organisation politique et militaire majoritairement touarègue, et son objectif est l’indépendance du territoire de l’Azawad.

Ce mouvement a été créé le 1er avril 2012 et vise avant tout à établir un État pour les Touaregs dans la région de l’Azawad, au nord du Mali. Il cherche également à former une force armée arabe sur le territoire malien.

Par ailleurs, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, est considéré lui aussi comme l’un des mouvements les plus importants actifs dans la région. Il a été fondé le 1er novembre 2010 dans la ville de Tombouctou, au nord du Mali.

• Les États-Unis utilisent la variable de l’escalade des attaques terroristes comme punition pour les pays africains

Inutile de le cacher car, par conséquent, l’escalade des opérations terroristes est une variable utilisée et investie pour renforcer la présence militaire des États-Unis d’Amérique sur le continent africain, en exploitant ses capacités de sécurité et de renseignement et en exploitant ses ressources. L’escalade des opérations terroristes dans les pays africains du Sahel est liée également à la découverte de nouvelles mines d’or depuis 2012, sur le continent.

Par ailleurs, les États-Unis utilisent la variable de l’escalade des attaques terroristes comme punition pour les pays africains qui ont établi des relations et des alliances avec d’autres puissances internationales comme à l’instar de la Russie et de la Chine.

Par conséquent, on peut constater que l’escalade des opérations terroristes dans certains pays africains a récemment été liée aux relations de ces pays avec Washington. Une relation qui est arrivée jusqu’au point d’expulser les forces américaines de ces pays.

• Le cas du Niger en premier lieu et celui des autres pays africains

Le Niger est un exemple de l’équation d’une concurrence croissante liée à une escalade des attaques perpétrées contre ce pays par les groupes armés extrémistes et autres.

La sortie de Washington et l’entrée de Moscou se sont traduites par une escalade des attaques terroristes au Niger, notamment lorsque Moscou a annoncé son intention de déployer des forces de l’« Afrika Corps » qui a remplacé les unités de Wagner après la disparition de son patron Evguéni Prigojine.

D’ailleurs, au Niger, au Mali et au Burkina Faso, Washington a annoncé des discussions avec le Ghana, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Bénin, pour signer des accords de sécurité qui permettraient la construction de bases spécialement conçues pour des drones américains sur leur territoire, dans l’objectif de lutter contre ce que Washington qualifie de terrorisme.

Le scénario s’est répété avec une autre qualification américaine au Nigeria, lorsque l’administration du président américain Joe Biden a donné son feu vert en avril 2022 pour l’achat d’hélicoptères d’attaque avancés, pour un montant d’environ un milliard de dollars américains.

Le Nigeria, qui n’a pas résolu sa bataille contre les groupes armés, a choisi d’augmenter les dépenses militaires au détriment du développement économique et politique, c’est pourquoi le 7 novembre 2024, il est allée renouveler sa flotte aérienne en concluant des contrats d’armement pour des avions de combat avec l’Italie afin de faire face au groupe « Boko Haram », dont les opérations offensives se sont intensifiées au cours de l’année 2024.

• Attaques terroristes perpétrées contre le Niger

1. L’armée nigérienne a été la cible d’une attaque meurtrière dans l’ouest du pays, le mardi 10 décembre dernier. Aucun bilan officiel n’est encore disponible mais plusieurs sources évoquent plus d’une centaine de militaires nigériens tués.

Ce pourrait être, si le bilan venait à être confirmé officiellement, l’une des attaques les plus meurtrières ayant eu lieu au Niger. Celle-ci s’est produite à Chatoumane, dans la région de Tillabéri, près de la frontière avec le Burkina Faso. L’assaut aurait fait environ 130 morts parmi les soldats nigériens, selon une source sécuritaire.

2. L’armée nigérienne annonçait une autre attaque, survenue à Petelkole, dans l’ouest du Niger, toujours dans le département de Téra, à la frontière avec le Burkina Faso. Bilan, selon le bulletin des opérations, publié par l’armée et cité les agences de presse internationales: dix soldats tués et sept autres blessés.

3. Pour rappel, près d’une centaine de soldats ont péri dans une fusillade, ainsi qu’une cinquantaine de civils, survenue il y a plus de six mois dans le camp Boni, situé dans le département de Torodi, commune de Makalondi, qui a été assiégé pendant plusieurs heures, sans renforts aériens et terrestres, mais qui s’est battu vaillamment, selon le communiqué officiel lu à la télévision nationale. Il s’agissait d’affrontements de grande ampleur avec des centaines de motos et des dizaines de véhicules et de nombreuses victimes parmi les civils qui fuyaient le site.

4. L’insécurité croissante et les menaces permanentes dans cette zone située à la frontière entre le Niger et le Burkina Faso seraient imputables à la localisation de la zone, tentée par l’exploitation artisanale de l’or.

Au Niger, les Lakurawa, originaires de communautés pastorales du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et affiliés à des groupes dits djihadistes opérant dans la région du Sahel, notamment Daech au Grand Sahara (EIGS) et le JNIM, seraient responsables de l’assassinat du chef du village de Sansa Koira et celle du village de Gueza dans le département de Dioundiou (Région de Dosso) où ils auraient égorgé cinq personnes.

Par ailleurs, on a constaté ces dernières semaines, que les Lakurawa, ont été rendus responsables de plusieurs attaques au Nigeria, dont celle du village de Mera dans l’Etat de Kebbi, qui a fait 15 morts le 9 novembre dernier.

D’autres attaques jihadistes seraient l’œuvre également du groupe Lakurawa, qui sévit depuis quelques mois dans les zones frontalières du Niger et du Nigeria.

A noter que vers la fin du mois de novembre de cette année, l’armée nigérienne a affirmé avoir tué plus d’une dizaine de combattants du groupe Lakurawa lors d’une embuscade aux environs de la ville de Birni N’Konni dans la région de Tahoua.

En plus, les autorités nigériennes se disent très préoccupées par ces groupes terroristes qui mènent de plus en plus d’attaques dans les environs de la route nationale numéro 1 qui constitue le poumon de l’économie du pays, sachant que cette voie routière était épargnée par les attaques djihadistes ces dix dernières années

• Vers l’intensification des attaques des groupes armés ?

Plusieurs indicateurs et estimations suggèrent que le rythme des opérations terroristes en Afrique est susceptible de s’intensifier. À cet égard, un rapport a été publié par les Nations Unies en février 2024, mettant en garde contre une escalade du rythme des opérations terroristes, notant que des milliers de combattants d’Al-Qaïda et de Daech sont répartis dans diverses régions du continent africain, en particulier dans les régions du Sahel et de la Corne de l’Afrique.

C’est ainsi que les implications saisonnières du retour des attaques terroristes dans la région du Sahel soulèvent une question centrale sur la relation entre cela et le réarrangement des déterminants de leurs relations avec les États-Unis d’Amérique par ces pays.

D’un autre côté, les États-Unis exploitent l’état de fragilité interne dont souffrent ces pays et l’escalade de la fréquence des attaques, ce qui signifie qu’il existe une relation fonctionnelle directe, cachée et tacite entre l’expansion américaine sur le continent africain et l’escalade des attaques terroristes.

À mesure que la présence américaine diminue, les opérations terroristes s’intensifient et vice versa.

En 2024, les États-Unis d’Amérique ont de nouveau envoyé des forces spéciales, du matériel militaire et des avions vers le continent africain, plus précisément dans les aéroports du Bénin et de la Côte d’Ivoire. Washington a cherché à négocier avec le Tchad le redémarrage de la base militaire américaine et le retour de ses forces spéciales sur place.

• L’Afrique subsaharienne est un intense foyer du terrorisme extrémiste

Il importe, selon les experts des affaires liées aux groupes armés, que les différents types de terrorisme utilisent toutes les ressources (tactiques, médiatiques, technologiques, etc.) pour plonger les opinions publiques dans la stupeur. Par-delà leurs différences, ils ont en commun l’art de déclencher et de répandre un état affectif individuel et collectif spécifique: une peur extrême et un sentiment de vulnérabilité généralisée.

Dans cette perspective, la terreur qui est une peur superlative, devient plus durable, plus tenace, et même collective, car l’attentat vise à plonger une communauté entière dans un certain état d’esprit. L’augmentation du nombre de victimes sert cette dynamique et conduit à « l’hyper terrorisme ».

On relève qu’entre 2009 et 2024 (jusqu’au mois d’avril), Boko Haram aurait été responsable de 3.546 attentats, et le bilan particulièrement cruel en perte de vies humaines aurait atteint les 26.081 morts. Un nombre important de réfugiés avaient fui leur ville, voire leur pays. Des femmes et des enfants auraient même été kidnappés afin de servir l’organisation terroriste, comme ce fut le cas en avril 2014 où 276 lycéennes furent enlevées à Chibok, une zone de gouvernement local de l’État de Borno au Nigeria.

• Témoignage du général de division à la retraite « Mark Hicks » s’exprime

Ancien commandant des forces d’opérations spéciales américaines en Afrique, le général de division à la retraite « Mark Hicks » a exprimé le repositionnement américain sur le continent africain en déclarant que: « La perte du Niger signifie que nous avons perdu notre capacité à influencer directement la lutte contre le terrorisme et la contre-insurrection dans la région du Sahel », notant entre-autres que le transfert de forces et l’accès des Etats-Unis d’Amérique aux pays côtiers tels que la Côte d’Ivoire et le Bénin « sont stratégiquement le seul jeu qui nous reste ».

• Déplacement du Directeur du renseignement américain « William Burns » en Somalie

Un autre exemple est celui du Directeur du renseignement américain, William Burns, qui a effectué le 2 novembre 2024 une visite secrète en Somalie, la deuxième cette année, pour discuter du renforcement du partenariat et de la coopération en matière de renseignement et des stratégies de lutte contre le terrorisme dans la région de la Corne de l’Afrique.

C’est ainsi que l’on constate donc que l’escalade des attaques terroristes dans les pays africains du Sahel est une tentative d’épuiser les capacités de ces pays et de leurs forces, et une tentative de préoccuper et de montrer à leurs systèmes politiques qu’ils sont incapables de protéger leur sécurité et leurs populations, et donc qu’ils ne peuvent pas se passer des forces occidentales et américaines et les utiliser et augmenter les dépenses militaires grâce à des ventes d’armes avec ces pays, en particulier les États-Unis d’Amérique.

Le mouvement, l’escalade et la répartition géographique de ces attaques sont également liés à l’escalade de la compétition d’influence en Afrique entre la Russie et la Chine, d’une part, et les États-Unis et la France, d’autre-part, ce qui a fait que l’escalade de la concurrence entre ces forces, est désormais liée à l’escalade des attaques terroristes.

• Le Mot de la Fin

En conclusion, on peut dire que l’avenir du terrorisme dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel est largement lié à la mesure dans laquelle les pays de la région seraient capables de remédier et de restructurer bon nombre des déséquilibres et des défis auxquels sont confrontés leurs situations internes, à tous les niveaux politiques, aux niveaux militaire, économique et social, sans que ces pays ne deviennent des environnements fertiles et des points chauds attractifs pour l’activité et l’influence croissantes des organisations terroristes locales et internationales.

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