François Soudan
Africa-Press – Niger. Après la calamiteuse dissolution du 9 juin et la crise institutionnelle et démocratique qui a suivi, Emmanuel Macron saura-t-il se faire entendre de ses pairs africains lors du Sommet de la Francophonie prévu les 4 et 5 octobre en France ?
« Je ne suis jamais en retard, puisque rien ne doit commencer sans moi. » Cette petite phrase narcissique qu’Emmanuel Macron prononça un jour de 2020 pour justifier son absence quasi systémique de ponctualité se voulait simple boutade. L’était-elle vraiment ? Il est permis d’en douter tant le président français, qui a fait attendre la quasi-totalité de ses hôtes à l’exception du Chinois Xi Jinping, semble considérer le retard comme un pouvoir et un privilège.
À ce compte, ses homologues africains peuvent se consoler en se disant qu’ils ne sont pas les seuls à faire les frais de son inexactitude chronique, même si le record enregistré à Brazzaville, le 3 mars 2023, demeure à ce jour inégalé. Ce vendredi-là, alors que le chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso patientait au salon d’honneur et ses ministres au pied de l’échelle de coupée, Emmanuel Macron resta enfermé pendant quarante minutes dans son avion sur le tarmac de l’aéroport de Maya-Maya, avant d’en descendre tout sourire, sans excuses ni explications.
Un gouvernement à contresens
« Arrogant comme un Français en Afrique », a-t-on envie de dire à la suite d’Antoine Glaser. Ou comme un président français en France, ainsi qu’en témoigne l’extravagant délai d’attente auquel il a soumis ses compatriotes: onze semaines d’interminables tractations entre les législatives du 7 juillet et la formation, le 21 septembre, du gouvernement Barnier. Un gouvernement à contresens de la volonté d’alternance et de changement manifestée par deux tiers des électeurs et un camouflet au vote civique massif de celles et ceux qui, au nom du front républicain, ont écarté le risque d’une prise du pouvoir par l’extrême-droite. Cette administration, la plus fragile de la cinquième République, est une alliance des perdants à la merci du bon vouloir de Marine Le Pen et de Jordan Bardella.
On objectera certes, non sans raison, que la gauche française s’est sabordée entre querelles d’ego et coups de boutoir d’un Jean-Luc Mélenchon mué depuis longtemps en ingénieur du chaos. On ajoutera aussi que Michel Barnier, dont la bonne volonté ne fait pas de doute, a probablement devant lui une courte période de répit pour éviter le naufrage des comptes publics avant que ne survienne la tempête sociale, tant les Français, psychologiquement épuisés, aspirent à une certaine forme de stabilité.
Mais les dégâts causés à l’image de la France et à la crédibilité de son président – par la calamiteuse dissolution du 9 juin et la crise institutionnelle et démocratique qui a suivi – sont indéniables. Partout à l’étranger et particulièrement en Afrique, là où subsiste encore un peu de soft power français, l’influence d’Emmanuel Macron sur ses pairs se réduit chaque jour un peu plus. Son allocution lors du sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie qui s’ouvrera dans quelques jours, sera écoutée. Sera-t-elle pour autant audible ? Rien n’est moins sûr.
À quoi sert-il de voter ?
Du discours de La Baule de François Mitterrand à la leçon de Ouagadougou d’Emmanuel Macron, en passant par le monologue de Dakar de Nicolas Sarkozy, les présidents français ont toujours voulu incarner une sorte de modèle démocratique. Désormais, le masque est tombé, car en coupant le fil qui, dans toute démocratie digne de ce nom, relie le vote des citoyens à la réponse qui lui est donnée, le chef de l’État a rendu un bien mauvais service à l’idéal républicain. À l’instar des jeunes Africains, chez qui – tous les sondages le démontrent – le désir de changement passe de moins en moins par des élections auxquelles ils ne croient plus, les Français sont fondés à se poser à leur tour cette question: à quoi sert-il de voter ?
Source: JeuneAfrique
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