Farah Sadallah
Africa-Press – Niger. Qu’ils soutiennent ou non les nouveaux pouvoirs au Sahel, les membres des diasporas nigérienne, malienne et burkinabè sont plus que jamais déterminés à aider leurs proches en transférant de l’argent ou en investissant dans de petits projets.
Cinquante-trois milliards de dollars. C’est le montant des remises migratoires destinées à l’Afrique subsaharienne en 2022, soit une hausse de 6,1 % par rapport à 2021, annonçait la Banque mondiale en juin 2023. Cette année, ces envois de fonds devraient se stabiliser et ne pas dépasser une hausse de 1,3 %.
Le plus souvent à destination des familles pour les aider à payer les dépenses quotidiennes comme les factures, le loyer, l’alimentation, les frais de scolarité, les transports… Ces transferts d’argent formels et informels représentent généralement de 10 % à 15 % du PIB du pays africain, estime El Hadj Souleymane Gassama, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et docteur en sociologie, qui souligne même qu’il s’agit « souvent du premier flux d’entrée d’argent devant les investissements privés et les aides publiques au développement ».
Mais les récents putschs au Mali (2020-2021), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), s’ajoutant à diverses sanctions économiques et à une spirale de violence générée par des mouvements djihadistes, pourraient bien modifier le comportement de ses diasporas.
Des transferts d’argent en hausse
Au Mali par exemple, où deux coups d’État ont eu lieu en l’espace de neuf mois, des sanctions commerciales et financières ont été décrétées en 2022 par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), générant ainsi une augmentation des prix. La diaspora malienne s’est donc mobilisée, à l’image de Jimmy Berthé. Ce chargé de mission à l’Institut français et adjoint au maire à Paris Centre, envoie désormais plus d’argent à sa famille résidant au Mali.
« On donne plus, car le coût de la vie a augmenté, comme le prix du sac de riz. Au moment de la fête de l’Aïd, le prix du mouton était fou ! » se remémore ce Franco-Malien âgé de 33 ans. Le jeune homme transfère tous les mois 150 euros, en plus du paiement des frais de scolarité pour ses cousins et cousines.
La diaspora nigérienne est également confrontée à une hausse du coût de la vie au Niger. « Les prix des produits alimentaires se sont envolés en raison du blocus. Notre objectif est de permettre à nos proches de conserver leur niveau de vie. La diaspora a dû faire un effort », soutient Ibrahim Adamou Louche, économiste et conseiller financier à la Banque postale à Bordeaux.
Âgé de 37 ans, ce membre du Conseil nigérien de France, envoie 180 000 FCFA par mois (274 euros), à son père, à son frère et à sa sœur. « Ponctuellement, j’augmente de 10 %, 20 % voire 50 % pour des événements exceptionnels, comme des cérémonies », poursuit-il.
Comme son voisin malien, le Burkina Faso a aussi vécu deux putschs militaires, en janvier et en septembre 2022. « Le coup d’État ne peut aucunement impacter la solidarité patriotique. Les Burkinabè sont davantage motivés pour mieux s’impliquer face aux difficultés de la coopération internationale », témoigne Nongainéba Benjamin Zoumba, enseignant-chercheur à l’université Paris-XII.
Des investissements frileux ?
Concernant les investissements, ces derniers ne semblent pas en berne, même si l’instabilité politique et économique en refroidit certains. « Nous nous étions constitués en association à cinq personnes pour investir dans le pays et profiter de l’essor économique, confie Ibrahim Adamou Louche, originaire du Niger. Nous voulions acheter des parcelles de terre au début de 2024 pour y faire construire des bureaux et après des logements. »
Mais le récent coup d’État contre Mohamed Bazoum a mis leur projet à l’arrêt. « Aujourd’hui, il y a une incertitude, la date de transition n’a pas été arrêtée et la sécurité se détériore. Nous essayons d’être optimistes, et avons remis le projet à dans un an », planifie l’économiste.
Au Burkina Faso, un appel à la diaspora et au peuple burkinabè a été lancé en juin dernier par le président de la transition. Le capitaine Ibrahim Traoré les invite « à souscrire massivement à l’entrepreneuriat communautaire », avec comme objectif notamment « la construction de deux usines de transformation de tomates à Bobo-Dioulasso et à Tenkodogo ». En guise de réponse, l’enseignant-chercheur parisien a animé en visioconférence en octobre un atelier sur la mobilisation financière de la diaspora « en vue de l’autodétermination économique du Burkina Faso ».
Au Mali, l’Union des ambassadeurs, qui se présente comme un réseau visant à fédérer les entrepreneurs et investisseurs de la diaspora malienne, montre déjà des résultats positifs en dépit des coups d’État. « Il n’en demeure pas moins que la volonté d’aider en créant des emplois et de la valeur ajoutée est toujours plus forte », explique Diadié Soumare, le président de l’association.
Pour preuve, ces derniers jours, le Mali a connu l’installation d’une dizaine d’entreprises ou de professionnels issus des diasporas. L’association note également une augmentation de 30 % des intentions d’investissement en 2023, notamment dans le secteur de l’agriculture, preuve du soutien sans faille et grandissant de la diaspora.
Source: JeuneAfrique
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