Africa-Press – Niger. Le géant français du nucléaire Areva a été mis en examen lundi 30 mai pour « blessures involontaires » dans l’enquête menée à Paris sur l’enlèvement en 2010 de cinq Français au Niger, revendiqué par l’organisation Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), ont appris l’Agence France-Presse et Le Parisien, jeudi.
Les juges d’instruction français reprochent à Areva – devenue Orano – d’avoir sous-évalué le risque d’attaques d’AQMI contre le site d’extraction d’uranium d’Arlit, dans le nord du Niger, et de ne pas avoir mis en place les mesures de sécurité adaptées pour les salariés du groupe, de ses filiales, et de ses sous-traitants.
Le magistrat chargé de cette information judiciaire, ouverte au pôle antiterroriste depuis 2013, estime également qu’Areva a ignoré les avertissements sur les défaillances du système de protection et la menace terroriste. L’entreprise n’a pas souhaité commenter sa mise en examen, a déclaré l’avocate du groupe, Me Marion Lambert-Barret.
Une rançon versée en deux fois
Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010, cinq Français – Françoise et Daniel Larribe, Pierre Legrand, Marc Féret et Thierry Dol –, un Malgache, Jean-Claude Rakotoarilalao, et un Togolais, Alex Ahondo, avaient été enlevés sur le site minier par des hommes armés. Après cinq mois de captivité, Françoise Larribe, malade, avait été libérée avec les salariés malgache et togolais. Les quatre autres otages avaient été délivrés le 29 octobre 2013.
Lors de son interrogatoire, le groupe, représenté par sa directrice juridique, a confirmé qu’Areva et le groupe français de BTP Vinci, l’un de ses sous-traitants, avaient versé une rançon : 12,5 millions d’euros pour la libération des trois premiers otages, puis 30 millions d’euros pour les quatre hommes, selon cette même source.
En revanche, le groupe a réfuté tout manquement dans la gestion du risque, assurant que la protection des salariés était une priorité, a précisé cette source. A Arlit, l’un des sites miniers du géant du nucléaire au Niger, Areva devait assurer la sécurité des expatriés travaillant pour le groupe, ses filiales et ses sous-traitants, mais chaque entité avait également des obligations de sécurité envers son personnel, s’est défendue la directrice juridique.
Dispositif de sécurité solide, mais mise en œuvre défaillante selon Areva
Les investigations ont révélé le manque de protection du site, où vivait à ce moment-là environ une centaine de salariés. Le couple Larribe a été kidnappé dans sa villa, située dans un ensemble d’habitations non clôturé. Ces lieux de vie étaient surveillés par des Touareg, employés par des sociétés privées, sans armes. Aucun système d’alerte, ni base de repli n’était prévu en cas d’intrusion.
Dès 2008, l’attaché de défense de l’ambassade de France avait pourtant alerté sur la sécurité défaillante du site d’Arlit. Des audits réalisés après le rapt ont pointé des manquements. Pour la sécurité, Areva s’appuyait sur le commissariat et la gendarmerie d’Arlit, ainsi que sur un bataillon de 250 soldats de l’armée nigérienne, stationné à cinq kilomètres.
Lors des enlèvements, policiers et gendarmes ne sont pas intervenus. Les forces de sécurité sont arrivées une heure et demie après. Les investigations ont révélé le manque de formation et d’équipement de ces hommes. Pour Areva, le dispositif élaboré était solide, mais sa mise en œuvre a été défaillante, a justifié la directrice juridique.
Aux négligences de sécurité s’ajoute une sous-évaluation du risque que représentait AQMI au Niger, selon les juges d’instruction. Depuis 2009, les enlèvements d’Occidentaux et les menaces contre les intérêts français s’étaient multipliés. « Malgré les nombreux avertissements portés à la connaissance d’Areva, rien n’a été sérieusement mis en œuvre », a déploré Me Olivier Morice, avocat de l’un des otages, Pierre Legrand.
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