Le Niger appelé à élire le successeur de Mahamadou Issoufou

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Le Niger appelé à élire le successeur de Mahamadou Issoufou
Le Niger appelé à élire le successeur de Mahamadou Issoufou

Africa-PressNiger. Il est un fait qui devrait relever de la normalité électorale, mais qui distingue pourtant le Niger des autres pays de la région. Dimanche 27 décembre, le président sortant ne sera pas candidat à sa réélection, pour un troisième mandat à la tête du pays. La Constitution ne l’y autorisait pas. Mahamadou Issoufou – qui fêtera ses 69 ans le 1er janvier – n’a pas essayé de la réécrire pour s’éterniser au pouvoir. Mieux, ce scrutin pourrait se solder, pour la première fois depuis l’indépendance de cette ancienne colonie française en 1960, par une transmission démocratique et pacifique du pouvoir entre deux présidents élus au suffrage universel.

Dimanche, ils seront 30 candidats à concourir pour succéder à Mahamadou Issoufou. Son compagnon de route politique et ancien ministre de l’intérieur, Mohamed Bazoum, dauphin choisi par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), fait figure de favori. Les résultats des municipales du 13 décembre, publiés mardi par la Commission électorale nationale indépendante, lui confirment ce statut. Le PNDS-Tarayya, au pouvoir depuis 2011 et le premier quinquennat de Mahamadou Issoufou, remporte 40 % des sièges de conseillers municipaux à l’issue d’un scrutin jugé équitable par toutes les parties prenantes.

« Si cette tendance se confirme, nous pouvons envisager une victoire dès le premier tour »,

confie, plein d’espoir, un diplomate nigérien. Mohamed Bazoum peut s’appuyer sur un parti en ordre de bataille mais, fils de la petite tribu arabe des Oulad Souleymane, il ne bénéficie pas, comme d’autres, du soutien indéfectible de toute une région ou une communauté. C’est là sa faiblesse.

Les opposants les plus sérieux qu’il trouvera sur sa route sont de vieilles connaissances : Seyni Oumarou, un ancien premier ministre de Mamadou Tandja, président de 1999 à 2010, et Albadé Abouba, ex-ministre de l’agriculture de Mahamadou Issoufou. Ni l’un ni l’autre ne disposent de la force de frappe du parti au pouvoir. Ni de celle du principal opposant et ancien président de l’Assemblée nationale, Hama Amadou. Celui-ci a été écarté de la course par la Cour constitutionnelle en raison de sa condamnation, en 2017, à un an de prison dans une affaire de trafic de bébés en provenance du Nigeria. Une condamnation qu’il a jugée motivée par des raisons politiques. Mardi, Hama Hamadou a appelé ses partisans à soutenir l’ex-président Mahamane Ousmane (1993-1996).

Face à une opposition divisée et affaiblie, Mohamed Bazoum a battu campagne en s’appuyant sur le bilan de son « ami de trente ans ». Un bilan dont il n’a pas à rougir malgré un environnement économique et sécuritaire devenu subitement cauchemardesque dès les premiers mois de son mandat à cause de chocs exogènes. « Tout commence à basculer en 2011 », résume un diplomate nigérien. En mars de cette année-là, la catastrophe de Fukushima bouleverse durablement l’industrie nucléaire alors que le Niger est l’un des principaux producteurs d’uranium au monde. Les cours s’effondrent. Ceux du pétrole aussi au moment où le pays commerce ses premiers barils d’or noir avec l’aide des Chinois.

Presque en même temps, le voisin libyen s’enflamme. La guerre civile consume le pouvoir de Mouammar Kadhafi et plonge le pays dans le chaos alors qu’il constituait une soupape économique pour nombre de Nigériens allant y travailler. L’autre conséquence dévastatrice pour tout le Sahel est le flot d’armes et de combattants, essentiellement touareg dans un premier temps, qui submerge la région et le Mali en particulier. En quelques mois donc, tous les points d’appui du développement du Niger disparaissent.

Malgré la force de ces vents contraires, le pays ne s’est pas échoué sur le sable, à la différence de ses voisins comme le Mali ou le Burkina Faso. Au contraire, le pays a même progressé dans plusieurs domaines. Avant la pandémie de Covid-19, le Niger affichait en 2019 une croissance économique de 6,3 % l’an et en dix ans, le pays avait gagné une quarantaine de places à l’indice Doing Business de la Banque mondiale (à la 132e place sur 190 pays).

Une ascension qui n’a pas suffi à changer le quotidien des 23 millions de Nigériens, puisque, malgré tout, « environ 42 % vivaient avec moins de 2 dollars par jour en 2019 ». Une situation aggravée par une croissance démographique toujours vertigineuse, qui donne à cet Etat sahélien le record mondial de fécondité avec une moyenne de 7,6 enfants par femme. Si ce rythme ne fléchit pas, la population nigérienne passera à 70 millions de personnes en 2050.

Un retentissant scandale de surfacturation de contrats militaires portant sur des dizaines de millions d’euros rappelle aussi que la corruption y reste un problème majeur. « C’est une tache sur le bilan présidentiel », concède un diplomate nigérien. Une autre ombre au tableau, selon Ousmane Diallo, chercheur spécialisé sur Afrique de l’Ouest au sein d’Amnesty International, porte sur les droits humains puisque, selon lui, « on assiste à une régression depuis 2017 avec l’adoption de plusieurs lois qui portent atteinte à la liberté d’expression et traduisent un raidissement du pouvoir vis-à-vis des organisations de la société civile et de l’opposition ».

Mais surtout, quel que soit le verdict des urnes, le futur président – comme l’actuel – évoluera dans un environnement sécuritaire extrêmement dégradé. Et si le paysage y est moins sombre qu’au Mali et au Burkina Faso, le Niger ne peut s’abstraire de sa géographie. D’une part, la secte islamiste Boko Haram reste active sur la frontière méridionale avec le Nigeria. D’autre part, dans le Nord, « l’année 2020 s’est avérée la plus meurtrière en matière de violences commises par les militants islamistes au Sahel avec environ 4 250 décès, représentant une augmentation de 60 % par rapport à 2019 », note le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), lié au département de la défense américain.

« Au Niger, environ les deux tiers des attaques de l’Etat islamique au Grand Sahara

[EIGS] ont ciblé les civils. Dans la région de Tillabéri notamment, qui jouxte le Mali et le Burkina Faso, l’EIGS est dix fois plus actif que les autres groupes islamistes militants. Cela suggère que si l’EIGS est le groupe islamiste militant dominant dans la région, le soutien des communautés locales lui fait défaut », analyse le CESA. Malgré des assauts meurtriers contre des positions de l’armée, les services de sécurité nigériens ont tenu bon et poursuivent leurs réformes ; et le pays demeure et demeurera au lendemain du scrutin un allié de premier plan pour la France et les Etats-Unis dans la lutte contre le radicalisme au Sahel.

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