Africa-Press – Niger. Quinze ans après l’enlèvement en 2010 de cinq Français, un Malgache et un Togolais près de la mine d’uranium d’Arlit, au Niger, un procès correctionnel a été ordonné pour le géant français du nucléaire Areva suspecté d’avoir sous-évalué la menace al-Qaïda.
Confirmant une information du journal Le Parisien, des sources proches du dossier ont indiqué ce dimanche à l’Agence France-Presse qu’un procès a été ordonné pour Areva pour « blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement, ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois ».
L’affaire remonte à septembre 2010. Dans la nuit du 15 au 16 septembre, cinq Français – Françoise et Daniel Larribe, Pierre Legrand, Marc Féret et Thierry Dol -, un Malgache, Jean-Claude Rakotoarilalao, et un Togolais, Alex Awando, avaient été enlevés à Arlit par des hommes armés. Après cinq mois de captivité, le 25 février 2011, Françoise Larribe, malade, avait été libérée avec les salariés malgache et togolais. Les quatre derniers otages avaient été délivrés le 29 octobre 2013, après 1 139 jours de détention dans le désert sahélien.
Areva est suspectée d’avoir sous-évalué le risque d’attaques de l’organisation al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et de ne pas avoir instauré les mesures de sécurité adaptées pour les salariés du site d’extraction d’uranium. Depuis 2009, les enlèvements d’Occidentaux et les menaces d’Aqmi contre les intérêts français s’étaient multipliés.
L’enquête a démontré que l’infiltration de potentiels terroristes à Arlit avait été repérée plusieurs jours avant l’action du commando. Un mois avant l’enlèvement, le préfet de la ville avait même conseillé à la direction d’Areva d’évacuer le personnel européen à Niamey. Un courrier de mise en garde avait aussi été adressé au responsable d’une entreprise française sous-traitante.
Une sécurité défaillante
Les investigations ont également révélé le manque de protection du site, où vivaient environ une centaine de personnes. Le couple Larribe a été kidnappé dans sa villa, située dans un ensemble d’habitations non clôturé. Ces lieux de vie étaient surveillés par des Touaregs, employés de sociétés privées, sans armes. Aucun système d’alerte ni base de repli n’était prévu en cas d’intrusion. Dès 2008, l’attaché de défense de l’ambassade de France avait pourtant alerté sur la sécurité défaillante du site d’Arlit.
Lors de son interrogatoire de mise en examen en juin 2022, le groupe, représenté par sa directrice juridique, avait réfuté tout manquement dans la gestion du risque, affirmant que la protection des salariés était une priorité. À Arlit, Areva devait assurer la sécurité des expatriés travaillant pour le groupe, ses filiales et sous-traitants, mais chaque entité avait également des obligations de sécurité envers son personnel, s’était défendue la directrice juridique. Celle-ci avait aussi indiqué que pour Areva, le dispositif de sécurisation élaboré était solide, mais que c’est sa mise en oeuvre qui avait été défaillante.
C’est Areva SA, structure de défaisance des activités à risque d’Areva, restructurée en 2016, qui est renvoyée en procès. La restructuration a abouti à transférer les activités autour du combustible nucléaire à Orano, qui est témoin assisté à l’issue de cette enquête et ne sera donc pas jugé.
Lorsque nous avons déposé cette plainte en 2013, nous avions souligné des conditions qui nous semblaient extrêmement anormales de sécurisation des différents sites dont Areva avait la responsabilité et l’absence de prise en considération des menaces qui existaient depuis un certain temps
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