Africa-Press – Niger. Où en est la lutte contre l’exposition aux écrans des enfants et adolescents? L’Etat promet d’agir depuis plus d’un an, mais les mesures restent timides. Ce que regrettent des experts, même si certains relativisent l’urgence sanitaire.
« On est très surpris de voir la lenteur des actes: on voit beaucoup de paroles, beaucoup de commissions, mais très, très peu d’actes concrets », déplore auprès de l’AFP Yves Marry, délégué général de l’association Lève les yeux, engagée contre la surexposition aux écrans.
L’abus d’écrans affecte la santé, tout particulièrement celle des enfants: sommeil perturbé, sédentarité accrue avec un risque de surpoids… Moins certains, les effets sur leur développement préoccupent aussi.
Le sujet écrans et enfants est sur la table depuis le printemps 2024, quand une commission d’experts missionnée par le président Emmanuel Macron avait remis ses recommandations.
Le document préconise, entre autres, d’empêcher l’accès des plus petits aux écrans et d’interdire les smartphones jusqu’à l’adolescence avec un accès progressif à Internet. Surtout, il s’attaque aux entreprises du numérique, appelant de ses voeux une régulation plus stricte.
Le chef de l’Etat avait promis dans la foulée que tous les ministères concernés – Santé, Education, Numérique, Enfance – travailleraient rapidement à concrétiser les recommandations.
Mais, depuis plusieurs mois, « on n’a plus été sollicités par les ministères », affirme à l’AFP la neurologue Servane Mouton qui a dirigé les travaux de la commission aux côtés de l’addictologue Amine Benyamina.
– « Portable en pause » –
Un rendez-vous entre les experts, l’Elysée, Matignon et les ministères concernés a eu lieu en avril, information révélée cette semaine par la cellule investigation de Radio France. Depuis, déplore Mme Mouton, c’est le silence malgré une réunion alors « très constructive » et des « échanges riches ».
Interrogées par l’AFP, des sources au sein de l’exécutif assurent de leur engagement.
M. Macron, particulièrement investi, « met de la pression sur le sujet », insiste-t-on à l’Elysée, renvoyant toutefois le gouvernement au « travail qui est le sien ».
« Il n’y a jamais eu de coup d’arrêt », assure le Haut commissariat à l’Enfance, tandis que le cabinet de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, estime qu’elle « s’est engagée fortement ».
De fait, quelques mesures ont été prises. Le ministère de la Santé a formellement interdit cet été les écrans dans les endroits qui accueillent des enfants de moins de trois ans.
Côté éducation, le dispositif « portable en pause » doit se généraliser avec l’obligation pour les collégiens de laisser leur portable à l’entrée de l’établissement (casiers, pochettes…). Des outils numériques comme Pronote, permettant aux enseignants de communiquer avec les élèves et les parents, devront être désormais déconnectés le soir et le week-end.
– Guide aux familles –
Un guide, basé en partie sur les recommandations de la commission d’experts, doit aussi être prochainement distribué aux familles pour promouvoir un « usage équilibré et responsable des écrans », selon le ministère de l’Education nationale.
« Nous travaillons dorénavant pour inscrire l’interdiction aux moins de 15 ans au niveau national d’ici la fin de l’année », ont indiqué samedi ses services.
Certains membres de la commission écrans s’abstiennent de juger trop durement le gouvernement, ne lui niant pas une volonté d’agir mais expliquant le blocage par une incapacité à se coordonner en pleine instabilité politique.
« Ça avance moins vite que ce que l’on imaginait, mais ça avance », dit à l’AFP l’épidémiologiste Jonathan Bernard, selon qui un grand plan de communication était prévu par le gouvernement mais n’a pas encore vu le jour.
Le chercheur, qui a dirigé pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) une étude évaluant les effets des écrans sur le développement, relativise la notion d’urgence, soulignant que le risque individuel est limité pour chaque enfant.
Mais « les petits ruisseaux font les grandes rivières, c’est pourquoi l’enjeu est réel sur le plan collectif », conclut-il, appelant à agir « mais sans précipitation ni dramatisation ».
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