Africa-Press – Niger. L’Afrique est-elle en passe de rattraper son retard dans la vaccination contre le Covid-19 ? La question mérite d’être posée au moment où l’on constate, selon l’OMS, que 18,5 % de sa population disposait d’une vaccination complète fin juillet, contre 11 % en février dernier, là où la moyenne mondiale est de 61,1 %.
L’objectif de l’OMS à portée
À la mi-juillet, 282 millions de personnes avaient reçu une première dose de vaccin, soit 21 % de la population et une hausse de 10 % par rapport à janvier. L’objectif initial, 20 % de la population africaine vaccinée à fin 2021, fixé au début de la pandémie, devrait donc être atteint avec trois trimestres de retard. Certes, l’Afrique est encore loin des taux de 70 % recommandés par l’OMS, mais les campagnes de vaccination battent d’autant plus leur plein que des difficultés d’accès aux doses du programme mondial Covax (66 % des 696 millions de doses distribuées sur le continent) ont été levées.
Des avancées remarquables ont été faites en juin en Tanzanie, l’un des cinq pays au monde qui se montrait sceptique au début de la pandémie et n’avait pas encore commencé à vacciner en septembre 2021. Fin juillet 2022, la Tanzanie affichait 20,2 % de schéma vaccinal complet. Les efforts du Sud-Soudan, de l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire, la Zambie et l’Ouganda ont aussi réduit le nombre de pays ayant moins de 10 % de leur population vaccinée.
Dix pays vraiment à la traîne
Selon l’OMS région Afrique qui ne compte pas le Soudan dont il faut rappeler qu’il n’est pas membre de l’OMS, les dix pays d’Afrique les moins vaccinés contre le Covid-19 comportent un pays qui refuse littéralement le vaccin comme la Corée du Nord, en l’occurrence l’Érythrée, et des pays dont les campagnes ont été largement insuffisantes. Ainsi du Burundi qui n’a vacciné que 0,1 % de sa population, la RD Congo (2,6 %), le Cameroun et Madagascar (4,5 %), le Sénégal (6,3 %), le Mali (6,6 %), le Burkina Faso (7,4 %), le Malawi (7,6 %) et le Soudan (8,3 %). Dans cette liste, il y a lieu de noter le cas surprenant du Sénégal, un pays connu pour l’efficacité de ses politiques publiques en matière de prévention contre le VIH/sida ou le virus Ebola.
Méfiance par rapport aux vaccins : le cas du Sénégal
Contrairement à son rival régional, la Côte d’Ivoire, qui, après une campagne nationale menée en juillet, affiche 25 % de vaccination complète si l’on en croit l’OMS. Le Sénégal se positionne pourtant comme un hub régional pour la production locale de vaccins, mais il n’a administré que 31 % des vaccins reçus. Un tel niveau semble difficile à expliquer autrement que par le scepticisme ambiant, mentionné par l’AFP dès avril 2021. Le Dr Babacar Niang, chef de Suma Assistance, un service hospitalier national privé, a témoigné de cela en s’appuyant sur les appels de patients l’interrogeant sur les effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca, l’un des deux vaccins alors disponibles avec celui de Sinopharm. Les doutes reposaient sur des rumeurs, notamment celles sur « les nano-cellules ». « On va nous les mettre pour nous surveiller », avançaient certains. D’autres rumeurs étaient relatives à la procréation. On y soupçonnait l’Europe et l’Amérique de vouloir diminuer la fécondité des pays africains.
La méfiance n’explique pas tous les retards
Si les réticences à se faire vacciner sont en cause, peut-on leur imputer le fait que seulement 59 % des doses reçues à travers la région Afrique de l’OMS aient été utilisées ? Selon une étude publiée le 25 août par Health Policy Watch, la réponse est non.
Cette ONG suisse pointe, certes, un problème « d’accès à l’information et la suspicion à l’égard de technologies médicales apportées par des Occidentaux et des hommes blancs, en raison d’une mémoire historique et de perceptions sur l’expérimentation sur des corps noirs », mais elle met aussi en exergue d’autres causes telles que l’absence de chaîne du froid pour conserver les doses, l’imprévisibilité des sources d’approvisionnement, la fluctuation des stocks et des problèmes de transport. Pour toutes ces raisons, une vingtaine de pays se sont servis de moins de la moitié des vaccins reçus, tandis que d’autres n’ont pas eu accès aux médicaments : le Burundi n’a obtenu que 6 doses pour 100 habitants ; la RDC, 15 ; le Sud-Soudan, 20 ; et Madagascar, 21, indique l’OMS.
Attention aux chiffres en trompe-l’œil
Quant à la moyenne de 18,5 % de vaccination complète, elle reste à relativiser, pour deux raisons. D’une part, elle doit être corrigée à la hausse, en raison du poids démographique de pays non comptabilisés tels que l’Égypte (38 % de vaccination complète pour 100 millions d’habitants) et le Maroc (63,6 %), mais aussi d’autres pays absents des statistiques comme la Tunisie, la Libye, le Soudan, la Somalie et Djibouti.
D’autre part, cette moyenne occulte des écarts très importants entre pays puisqu’au moins dix pays africains ont dépassé le seuil des 44,7 % de taux de vaccination pour leur population. Trois États seulement, Rwanda (77,5 %), Seychelles (76,1 %) et Maurice (75,3 %), affichent des taux supérieurs à 70 %, grâce à la très petite taille de la population. Dans leur sillage, il y a le Maroc (63,6 %), le Botswana (58,4 %), la Tunisie (54 %), le Cabo Verde (52,4 %), les Comores (46,5 %), Sao Tomé-et-Principe (45,1 %) et le Liberia (44,8 %).
D’étonnants paradoxes ici et là
On constate par ailleurs que très peu de pays ont pu franchir le seuil des 40 % de couverture vaccinale achevée. En effet, s’il est plus facile de vacciner 5 millions de Libériens que 200 millions de Nigérians, le nombre d’habitants n’explique pas tout. La Guinée équatoriale n’affiche que 13 % de vaccination complète pour 1,4 million d’habitants, ce pays pétrolier au territoire plus petit que la Belgique n’ayant administré que 57 % des doses de vaccin reçues.
Quant aux pays les plus peuplés d’Afrique, ils enregistrent des résultats très variables, avec 11,6 % de vaccination complète au Nigeria, 30 % en Éthiopie et 17,6 % au Kenya. L’Afrique du Sud, locomotive économique, ne compte que 34,6 % de vaccinations complètes. Son système de santé et sa logistique ne sont pas en cause, mais plutôt le peu d’empressement du public à se faire vacciner. Et le premier décès lié à une injection de vaccin, en l’occurrence le Johnson & Johnson, déploré le 4 août dernier, risque de renforcer les Antivax, nombreux à s’exprimer sur les réseaux sociaux.
D’un groupe de pays à un autre, les paradoxes et autres contradictions autour des vaccins ne sont pas près d’être terminés en Afrique.
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