L’affaire de l’opposant Ousmane Sonko : Est-ce bien un complot pour l’exclure de la course à la « Présidentielle » ?

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L’affaire de l’opposant Ousmane Sonko : Est-ce bien un complot pour l'exclure de la course à la « Présidentielle » ?
L’affaire de l’opposant Ousmane Sonko : Est-ce bien un complot pour l'exclure de la course à la « Présidentielle » ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Senegal. Au Sénégal, la course vers les élections présidentielles de 2024 vient de prendre une dangereuse tournure, déjà sur des feux de braises depuis plusieurs mois, notamment à l’encontre du leader de l’opposition « Ousmane Sonko », lequel avait pris la parole, le 24 mai dernier, à Ziguinchor, ville de Casamance dont il est maire, et où il s’est adressé à une foule de ses partisans.

Le même jour, le tribunal de Dakar venait de rendre les réquisitions du procès « impliquant » Sonko dans une soi-disant affaire de « viols », et a requis contre lui « 10 ans de prison pour viols et 1 an pour menaces de morts ».

Néanmoins, alors que tout le monde attendait la décision qui devait être rendue contre lui par le parquet, Sonko nie l’accusation de viol portée à son encontre par « Adji Sarr » une ouvrière d’un salon de beauté et de massage à Dakar, évoquant par contre un complot dirigé par les autorités pour « l’exclure de la course électorale présidentielle », afin de le liquider politiquement.

Sauf que le jeudi 1er Juin 2023, et malgré que Sonko ait toujours démenti les accusations de « viols et menaces de mort » qu’on lui attribue, le verdict est enfin tombé :

« Les chambres criminelles de Dakar ont condamné Ousmane Sonko par contumace à une peine de deux ans ferme, ainsi qu’à une amende de 20 millions de Francs CFA qui devront être versés à la plaignante Adji Sarr, en guise de dédommagement. Cette dernière accusait l’homme politique de viols dans l’affaire Sweet Beauté, du nom du salon de massage.

Toutefois, Ousmane Sonko a été acquitté des accusations de viols et menaces de mort, tandis que sa coaccusée, madame Ndèye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de beauté où le leader politique était accusé d’avoir abusé de l’employée Adji Sarr à plusieurs reprises, elle a été condamnée à deux ans de prison ferme par les mêmes chambres.


L’accusé et la plaignante

De facto, Sonko a été accusé seulement des faits de « corruption de la jeunesse ». Il s’agit là d’un délit qui consiste à favoriser la débauche d’un jeune de moins de 21 ans, sachant « qu’au moment des supposés faits, la plaignante (Adji Sarr) n’avait pas encore 21 ans.

Ainsi, après l’annonce du verdict, les artères des grandes villes du Sénégal ont été placées sous haute sécurité, outre les éléments de la police et de la gendarmerie qui ont été déployés en grands nombre.

On a relevé aussi des heurts dans plusieurs villes après cette annonce, et les affrontements ont fait couler le sang des Sénégalais, car le bilan rendu public par le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, confirme déjà neuf morts.

S’adressant aux citoyens au cours d’une déclaration diffusée dans la nuit du jeudi à vendredi, sur la chaîne de télévision nationale, le ministre de l’Intérieur a effectivement fait état de neuf décès à Dakar et Ziguinchor, dans le sud du pays : « Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés, et malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor », a-t-il indiqué.

On croit savoir que le parti d’Ousmane Sonko, le Pastef, aurait lancé un appel aux sénégalais pour descendre dans la rue tout en les incitant à la désobéissance, selon le communiqué publié par le parti.

La réponse n’a pas tardé, car les manifestants sont sortis dans différents quartiers de Dakar comme Ngor, Ouakam, Yoff, Camberene ou encore la Medina, où de violents affrontements avec les forces de sécurité ont éclaté dans la capitale, et ailleurs.

Par ailleurs, l’Université Cheikh Anta Diop a pris les allures d’un vrai champ de bataille opposant des manifestants déchaînés contre les forces de l’ordre. Il faut avouer que la condamnation à deux ans de prison ferme du leader de l’opposition a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la violence. Maintenant que les « dés sont jetés », nous allons donc nous efforcer d’analyser cette situation en revenant quelque peu sur les évènements.

Voyons d’abord le retour à Dakar d’Ousmane Sonko à la tête d’un convoi

A noter que Dakar a vécu des affrontements, le lundi 29 mai 2023, ayant mis nez à nez des unités des forces de sécurité et des jeunes partisans de l’un des principaux opposants sénégalais, Ousmane Sonko, qui a été renvoyé de force par les autorités à son domicile dans la capitale, un jour avant, précisément le dimanche 28.

Sonko, qui se trouvait dans le sud du pays pendant la période de déroulement de son procès, avait entamé le vendredi 26 mai une marche pour regagner Dakar à la tête d’un convoi, un périple ponctué d’affrontements qui s’est soldé par la mort d’un citoyen.

Des groupes de jeunes auraient été vus lancer des projectiles sur les forces de sécurité déployées en grand nombre dans les environs du quartier de Kor Gorgi, où est située la maison de Sonko. D’autres ont incendié des pneus sur l’un des principaux axes de circulation de la capitale, et bloqué les routes avoisinantes avec divers obstacles.

On relève entre-autres, selon des médias locaux, que des voitures auraient été incendiées près du domicile de l’ancien ministre des Sports, Matar Ba, qui est actuellement le Directeur de cabinet du président Macky Sall, sachant que les forces de sécurité y ont répondu avec de grandes quantités de gaz lacrymogène.

Faisons un pas en arrière sur les ambitions électorales de ce « gênant opposant »

Qui est en fait Ousmane Sonko ? C’est un homme politique sénégalais et fondateur du Parti des Patriotes « Pastef », né à Thiès en 1974, diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop, son intérêt pour la politique a commencé en 2014, mais il s’est intensifié très rapidement.

Exerçant en tant qu’inspecteur général des impôts au Sénégal, il fût licencié après avoir eu l’intention de dévoiler des dossiers de corruption derrière lesquels se tenaient des fonctionnaires de l’État.

Sonko était le plus jeune candidat à la présidence en 2019, tout en ayant été parlementaire de 2017 à 2022, en plus d’être maire de la ville de Ziguinchor.

Au sein de son parti « Pastef », Sonko arbore le slogan de « moralité, travail et fraternité », et se décrit comme « un homme propre dans un environnement politique corrompu ».

Rappelons qu’il avait fondé en 2014 son parti politique sous l’appellation de : « Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) » qu’il continue de présider depuis sa création. Il s’agit là d’un parti d’opposition, connu pour être plutôt critique vis-à-vis du gouvernement et du système politique du pays.

Lors des élections présidentielles organisées en 2019, Ousmane Sonko, était arrivé en troisième position des candidats, et avait déclaré à l’époque son intention de se présenter aux élections de 2024, et ceci ne plaisait pas du tout aux autorités au pouvoir.

Néanmoins, Sonko, toujours présent sur les plateformes de réseaux sociaux, n’est plus apparu en public depuis que les forces de sécurité du sud du pays ont brusquement mis fin à sa marche de retour vers Dakar, entamée dimanche, et l’ont renvoyé de force à son domicile de la capitale.

Pourtant, cet étrange silence n’a fait que soulever de nombreuses questions quant à savoir s’il a été assigné à résidence à son domicile, à un moment où les autorités n’avaient fait aucune annonce officielle concernant sa situation.

Ce qui a déclenché les protestations il y a deux ans en arrière

Il importe de rappeler que le Sénégal est resté une oasis de stabilité et un modèle de transfert pacifique du pouvoir en Afrique pendant les 60 années qui ont suivi l’indépendance, et il n’a pas été témoin de coups d’État ou de conflits meurtriers tels que ceux auxquels est confronté un groupe de pays africains, sauf de manière facile, qui lui a permis d’atteindre la stabilité politique, économique et sociale, avec un engagement total envers la constitution, dans un transfert de pouvoir en douceur : alors la malédiction de l’extension va-t-elle s’abattre sur le Sénégal ou la conscience collective excelle-t-elle à la surmonter ?

La convocation par le tribunal du chef de l’opposition et ancien président sénégalais de la Cour des comptes, Ousmane Sonko, avait déclenché des manifestations massives dans plusieurs villes sénégalaises, sur fond d’accusation de viol sur une ouvrière dans un salon de beauté, en 2021, en plus d’une autre affaire dans laquelle plaide le ministre sénégalais du Tourisme Alain Sarr, qui est l’un des leaders du parti au pouvoir, pour diffamation, insulte et faux, après que Sonko l’ait accusé d’avoir détourné des fonds d’un projet agricole et ce qui a aggravé les choses, c’est que les services de sécurité ont fait une descente au domicile de Sonko et l’ont emmené de force au tribunal, avant de le relâcher.

Des événements qui se sont développés à la suite des manifestations

La situation dans la capitale sénégalaise, Dakar, et dans un certain nombre d’autres villes est devenue tendue après des affrontements entre les partisans d’Ousmane Sonko et les services de sécurité, alors que les manifestants ciblaient les biens publics et certaines institutions françaises, et avec l’insistance de Sonko à appeler les jeunes à plus de manifestations et de protestations, ce qui a fait que les événements se sont développés de la sorte :
• Le gouvernement a procédé à des renforts militaires et sécuritaires avec l’annonce de nouvelles manifestations réclamées par le chef de l’opposition Sonko.
• Les troubles se sont étendus en dehors de la capitale et ont atteint d’autres villes, après que les autorités aient pris la décision d’interdire et d’empêcher un certain nombre de rassemblements de masse, et les partisans de Sonko ont protesté, exigeant sa libération.

Quel est le vrai problème ?

Il importe de noter que depuis que les élections législatives de juillet 2022 au Sénégal, et que les milieux politiques sénégalais ont commencé à discuter de la course à l’élection présidentielle de 2024, des informations ont filtré sur l’intention du président Macky Sall de briguer un troisième mandat, en raison de considérations politiques et philosophiques.

D’autre part, Sonko a annoncé son intention de se présenter à la présidentielle, et avec un équilibre de soutien dans le secteur de la jeunesse, qui représente plus de 50% de la population du pays, et avec la fortune du populisme et du charisme que possède Sonko, le gouvernement aurait commencé à « fabriquer » de nombreuses accusations pour l’empêcher de se présenter aux élections, et pour dégager la voie devant le parti au pouvoir lequel propose soit le président sortant comme candidat à lui-même à se présenter ou tout autre candidat vis-à-vis duquel Sonko ne constituerait pas une menace pour sa victoire.

Quels sont les autres aspects du conflit politique ?

Les sénégalais ne sont pas « dupes », certes, car ils sont conscients que les événements récents au Sénégal ont porté dans leur autre facette la lutte précoce pour la présidence en 2024, notamment entre la coalition au pouvoir et l’opposition en la personne d’Ousmane Sonko, que nous décortiquons comme suit.

A- Pour le parti de la coalition au pouvoir, Sonko est perçu comme une menace pour ses chances de reconquérir le pouvoir, quel que soit le candidat. Le jeune leader de l’opposition peut renverser la balance et changer le cours de la gouvernance si l’on prend en compte ce:

-/-De la région de la Casamance, qui appelle depuis un certain temps à la sécession, et donc les craintes que cela fait peser dans l’avenir au niveau du pays, d’autant plus que la région est le principal incubateur de Sonko, avec l’assurance qu’Ousmane ne porte pas toute tendance séparatiste.

-/-Sonko défend un projet qui appelle à une véritable indépendance en expulsant les alliés traditionnels du Sénégal, c’est-à-dire la France, qui trouve écho auprès des milieux civils, des jeunes et des étudiants.

-/-Il appelle également à une sortie du système financier régional géré par la France au sein du groupe des 7 pays d’Afrique de l’Ouest, pour la libération de l’économie sénégalaise.

B- De l’autre côté, Ousmane Sonko estime que le président Macky Sall, et derrière lui la coalition au pouvoir, envisagent de l’empêcher de se présenter aux élections présidentielles en le discréditant et en ternissant son histoire devant l’opinion publique sénégalaise, et donc Sonko a eu recours à la rue avant que des décisions « fabriquées » ne soient prises à son encontre visant son avenir politique et entravant sa carrière, et il défie toujours les autorités, qu’elles ne peuvent pas l’empêcher d’atteindre le palais au pouvoir.

Pouvons-nous dire qu’il s’agit de la malédiction du troisième mandat ?


Le président Macky Sall

Malgré les récentes conditions tendues et turbulentes au Sénégal et les accusations portées contre la figure de l’opposition Ousmane Sonko depuis mars 2021, aucun verdict n’a été prononcé contre lui, en plus d’autres accusations telles que provocation d’émeutes et de chaos, calomnie contre le ministre du Tourisme et violations du secret professionnel.

Le président Macky Sall n’a pas non plus brigué un troisième mandat, mais il ne l’a pas nié explicitement, et le président Sall a annoncé qu’il discuterait de la question le moment venu, ce qui a semé la confusion dans les milieux politiques et des doutes chez ses adversaires.
—Est-ce la « malédiction du troisième mandat » ?
—Si oui, où peut-elle mener le pays ?
—Le président Sall fera-t-il taire les voix dissidentes en annonçant qu’il ne se représentera pas ?

D’autre part, il semble qu’Ousmane Sonko soit toujours confiant dans la capacité de ses partisans à le protéger. Il a été libéré plus d’une fois sous la pression des protestations de ses jeunes partisans.
—Sonko peut-il continuer son chemin pour se porter candidat à la présidentielle sous la protection de ses supporters ?
—Ou y aura-t-il un compromis qui pourrait être atteint avec l’État profond ?
—Ou encore l’autorité utilisera-t-elle son expulsion en prononçant des peines de prison qui l’excluent au profit de son agenda ? C’est ce que les prochains vont nous révéler… Appui médiatique

Vidéo 1 :

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