Que réserve le « destin » aux Sénégalais après le désistement de Macky Sall quant à un 3ème mandat ?

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Que réserve le « destin » aux Sénégalais après le désistement de Macky Sall quant à un 3ème mandat ?
Que réserve le « destin » aux Sénégalais après le désistement de Macky Sall quant à un 3ème mandat ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Senegal. Dans un discours à la nation, prononcé dans la soirée du lundi 3 juillet courant, diffusé à la télévision d’État, le président sénégalais Macky Sall a mis fin aux spéculations répandues selon lesquelles il comptait briguer un troisième mandat présidentiel, après avoir annoncé sa décision de ne pas se présenter aux prochaines élections.

Cette évolution a soulevé d’innombrables questions sur le sort de la scène politique dans le pays, qui connaît une tension sans précédent, sur fond de possibilité que l’opposant politique de premier plan « Ousman Sonko se présenterait ou non » à la présidentielle.

Les experts ont qualifié l’annonce du président de « bon pas vers le rétablissement de la stabilité et de la paix, mais la possibilité que Sonko n’y soit pas candidat reste une mine explosive qui pourrait pousser le pays dans un cycle de violence et d’instabilité ».

Commençons d’abord par lever le voile sur les évènements

Il faut se mettre à l’évidence que le Sénégal traverse depuis plusieurs mois une profonde crise politique qui risque de menacer l’ensemble du système démocratique en place. Cette crise est due à l’intensification de la concurrence dans la course présidentielle, qui devrait avoir lieu au mois de février de l’année 2024. Cette crise politique, s’est transformée depuis début juin 2023 en une situation sécuritaire explosive, qui menace l’effondrement des institutions étatiques, et le déséquilibre entre elles, au cas où la tension populaire ne se désamorcerait pas, en recherchant des solutions consensuelles qui respectent les chartes constitutionnelles, assurent l’indépendance des institutions et évitent de recourir à la violence.

L’arène politique au stade actuel connaît une impasse similaire à ce qui s’est passé avant les élections présidentielles qui ont eu lieu en 2012, selon lesquelles le président Macky Sall est arrivé au pouvoir. Elle s’apparente aussi, dans une certaine mesure, aux événements qui ont mis fin au mandat du président Abdou Diouf en 2000, et dans le cadre desquels le président Abdallah Wade fût élu à l’époque.

Le Sénégal divisé en deux camps ?

On peut donc dire que les deux parties liées à la crise sont aujourd’hui représentées par le président Macky Sall et le candidat de l’opposition à la présidentielle Ousman Sonko, car chacun d’eux défend l’un de ces deux partis.

Le danger réside dans le fait que cette crise chevauche le judiciaire et le politique. Considérant que le candidat le plus en vue de l’opposition a une affaire devant les tribunaux, et qu’il risque de perdre le droit de se porter candidat, d’une part, et d’autre part, le président Macky Sall, dont le second mandat doit expirer à la fin de cette année, ne peut pas se présenter à un troisième mandat présidentiel, comme stipulé dans la constitution, sauf que, jusqu’à maintenant, il n’a pas divulgué explicitement sa décision de se présenter, et par conséquent, l’extension de son pouvoir à un troisième mandat « doit rechercher un ajustement constitutionnel ».

Cet état d’ambiguïté provoque, dans une certaine mesure, une augmentation de la tension politique, et en même temps le reste de la classe et des élites politiques se retrouve perdu entre deux options probables :

• Soit l’option d’Ousman Sonko, qui cherche à mobiliser la rue, afin d’affronter le pouvoir qui n’a pas encore tranché sur la question de la candidature du président, et qui est également accusé d’avoir utilisé la justice pour liquider son opposant le plus en vue, qui semble être plus populaire que d’autres,

• Soit l’option de se ranger du côté des institutions de l’État, qui se tiennent du côté de la présidence pour maintenir l’ordre, la sécurité et la stabilité.

Macky Sall peut-il fausser compagnie et briguer, constitutionnellement, un troisième mandat ?

Tout reste encore « incertain et flou », car cela s’est déjà produit dans l’histoire du Sénégal, alors que le président Abdoulaye Wade briguait un troisième mandat présidentiel en 2012, et que le Conseil constitutionnel avait émis un avis consultatif judiciaire constitutionnel lui permettant de le faire. Sauf que le président Macky Sall l’avait défié lors de ces élections, et l’avait remporté au second tour.

A noter que la lecture par le Conseil constitutionnel des dispositions de la constitution révisée de 2001 reposait sur le fait que le premier mandat s’était déroulé sur la base de la constitution de 1963, puis le président a eu le droit, en 2012, de se représenter, étant donné qu’il est le second mandat basé sur la constitution de 2001.

Il est à noter également que Macky Sall était à l’époque l’un des plus farouches opposants à cette affaire, mais bien plus que cela, parmi ses promesses électorales figurait l’accent sur l’engagement à seulement deux mandats présidentiels et la recherche de la réduction du mandat présidentiel de 7 ans à 5 ans.

Aujourd’hui, le président Macky Sall peut adopter la même « fatwa judiciaire », étant donné qu’il avait amendé la constitution en 2016, et donc le mandat actuel est considéré comme le premier – selon cette constitution, ce qui lui donnerait ensuite le droit de se présenter aux élections du 25 février 2024 pour un second mandat, et non pas un troisième.

Il va sans dire que les justifications politiques adoptées par le président Macky Sall pour aller dans le sens d’un nouveau mandat présidentiel, même s’il ne l’a pas déclaré officiellement, sont principalement liées au besoin de continuité, de stabilité, et de sécurité du pays, en particulier dans une région turbulente, en raison de l’expansion des dangers du phénomène du terrorisme transnational, et la survenance de coups d’État militaires dans certains pays voisins. De plus, le Sénégal, durant son règne, a réalisé des taux de croissance élevés.

Quoi qu’il en soit, la classe politique, en dehors de la coalition au pouvoir, s’oppose aujourd’hui à la candidature du président Macky Sall à un troisième mandat, outre le fait que de larges fronts se sont constitués, et qu’ils incluent des personnalités, des partis et des associations civiles, et tous se tiennent comme un seul homme, opposés au projet d’un troisième mandat pour Macky Sall.

Jetons un coup d’œil sur les 3 candidats les plus en vue pour les prochaines élections et leurs options

Nous constatons que trois options apparaissent clairement dans cette lignée :

• Ousman Sonko

Âgé de quarante-huit ans, Ousman Sonko apparaît aujourd’hui comme la personnalité politique la plus populaire en opposition au régime et à l’élite dirigeante. Surtout parmi le groupe des jeunes. Sur cette base, il semble qu’il est l’opposant le plus chanceux à pouvoir remporter la victoire dans cette présidentielle, et c’est aussi le plus visé par les autorités.

Il a participé aux élections législatives de 2017, et fût élu député au Parlement. Puis il s’est présenté aux élections présidentielles de 2019, et est arrivé au troisième rang après l’actuel président Macky Sall et l’ancien Premier ministre Idris Sik.

C’est ainsi que Sonko, issu des milieux sociaux populaires, est devenu l’une des personnalités politiques les plus en vue.

On retrouve dans son discours une charge populiste évidente, qui conjugue les contenus intellectuels et politiques du panafricanisme, avec une appartenance tangible à gauche, en plus d’un certain conservatisme religieux et moral, et une forte hostilité au colonialisme et à l’hégémonie de l’occident. Le populisme de son discours et son idéologie, malgré son manque d’expérience en matière de gouvernance, représente l’une des préoccupations les plus importantes de ses adversaires quant à son parcours et ses aspirations politiques.

Il convient donc de noter que la voie politique empruntée par Ousman Sonko diffère de la plupart des autres personnalités de l’opposition et du pouvoir. C’est que l’homme vient de l’extérieur des cercles gouvernementaux, et des périphéries de la société et des élites, et ses débuts se sont faits dans le milieu étudiant, puis dans les milieux syndicaux lorsqu’il travaillait comme inspecteur des impôts.

Néanmoins, depuis 2021, certaines affaires lui sont liées devant la justice, et s’étaient soldées début juin dernier par son acquittement du chef d’accusation principal (viol d’une fille travaillant dans un salon de massage), mais un autre chef d’inculpation a été prouvé contre lui (incitation à la corruption), et le tribunal l’a condamné à deux ans de prison. Cette décision est perçue, parmi ses partisans, comme un ciblage politique, dans le but de l’empêcher de se présenter aux prochaines élections présidentielles.

• Idrissa Seck

Il convient de noter que le parcours politique et professionnel de l’ancien Premier ministre « Idrissa Seck » est considéré comme un parcours riche, car il repose sur un parcours universitaire et une expérience dans le travail institutionnel, qui diffère des parcours d’autres hommes politiques au Sénégal, mais diffère aussi des parcours de certaines élites qui ont œuvré dans les milieux politiques, l’État, ou qui aspirent à assumer des responsabilités publiques avancées.

L’expérience que l’homme a acquise au cours de son histoire politique et de son travail institutionnel se caractérise par la diversité, compte tenu de son implication dans le travail des services de l’État et de sa prise de responsabilités ministérielles, mais aussi de sa participation aux affaires municipales et régionales, outre à son travail au sein des institutions du secteur privé et de la communauté internationale, en plus de son engagement dans le travail public basé sur la voie partisane et l’activité associative horizontale, et sa proximité avec l’institution religieuse. En ce sens, il est aujourd’hui considéré comme l’un des candidats les plus en vue pour les élections présidentielles de 2024.

À cet égard, il est à noter qu’Idrissa Seck avait participé aux précédentes élections présidentielles en 2019, et qu’il s’est classé deuxième après l’actuel président, Macky Sall. Il s’est également présenté à plusieurs reprises à la présidentielle. Il dirige le parti « REWMI », qui signifie « le pays ».

Auparavant, Idrissa Seck occupa le poste de Premier ministre de 2002 à 2004. En conséquence, il a été considéré comme le successeur du président Abdullah Wade dans le parti, mais cela n’a pas empêché un différend entre lui et le président, et il fut accusé dans une affaire de corruption qui l’a conduit à passer 7 mois en prison entre 2005 et 2006, et suite à un règlement politique, Idrissa Seck se présenta aux élections présidentielles de 2007, contre le président Abdullah Wade, et se classa deuxième avec 14,86% des voix. Quoi qu’il en soit, il est évident que sa popularité après sa participation aux élections de 2007 a décliné. La preuve en est qu’aux élections de 2012, il n’avait pu obtenir que 8%, arrivant à la cinquième place.

• Le Président Macky Sall … ou le mystère autour d’un probable 3e mandat

Ces dernières années, le président Macky Sall a su régler certains dossiers politiques avec certains de ses opposants traditionnels, en polarisant certains d’entre eux et en contenant d’autres. En même temps, il a pu exclure du cercle de ses proches ceux qui aspiraient à son héritage.

Trois ans en arrière, soit en 2020, Macky Sall avait procédé à un remaniement gouvernemental qui lui permet d’inclure certains de ses opposants dans la nouvelle formation gouvernementale. Par le biais de celà, il a pu se débarrasser de certaines personnalités politiques, issues de son entourage, qui le soutenaient au pouvoir. C’est aussi dans ce contexte qu’il a nommé son premier adversaire à l’élection présidentielle (2019), Idrissa Seck, comme président du Conseil économique, social et environnemental.

Pendant ce temps, Ousman Sonko est resté l’opposant implacable au pouvoir du président Macky Sall, s’opposant à ses ambitions de se maintenir au pouvoir. Dès lors, une question s’était posée par elle-même : Comment le président Macky Sall traiterait-il Ousman Sonko, pour s’assurer la possibilité de rester au pouvoir pour un troisième mandat ?

Au jour d’aujourd’hui, il est possible que le président Macky Sall ait tendance à amender l’article sur le nombre de mandats présidentiels dans la constitution, pour lui permettre de briguer un troisième mandat, alors qu’il s’était fortement opposé à la possibilité que le président Abdullah Wade se présente une troisième fois en 2012.

A ce jour, il ne semble pas que le parti au pouvoir ait décidé de proposer une alternative au président Macky Sall, au cas où il ne se présenterait pas aux prochaines élections.

Selon nous, chacun possède bien plus d’un tour dans son sac !

Wait and See…

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