Le gecko s’installe à Bordeaux

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Le gecko s’installe à Bordeaux
Le gecko s’installe à Bordeaux

Africa-Press – Tchad. Les Bordelais vont devoir prendre l’habitude de voisiner avec les geckos, ces reptiles que les Méditerranéens connaissent bien puisqu’ils peuplent par centaines les murs de leurs maisons dès la nuit d’été tombée. Doté de sortes de ventouses aux doigts, la Tarente de Maurétanie – l’autre nom de Tarentola mauritanica – vit la nuit à la verticale pour profiter de l’éclairage urbain attirant les insectes dont il se délecte. L’arrivée de cette nouvelle espèce dans Bordeaux est documentée grâce au programme de science citoyenne « Biodiver’Cité » mené par Bordeaux métropole et l’association naturaliste « Cistude nature ». Les Bordelais sont d’ailleurs toujours invités à partager leurs observations sur un site dédié.

Si l’arrivée du gecko intéresse les naturalistes, c’est parce qu’ils ont l’occasion d’assister en temps réel à la colonisation d’une espèce dans un environnement nouveau. « Le fait que le principal foyer de Tarente se trouve aux abords de la gare de Bordeaux indique qu’elle est arrivée par le train soit sous forme d’œufs, soit avec des adultes, suppute Matthieu Berroneau, herpétologue au sein de Cistude nature. Mais aujourd’hui, la principale cause de son arrivée, c’est le commerce des oliviers provenant d’Italie ou d’Espagne ». Le gecko adore en effet pondre ses œufs dans les interstices des troncs des oliviers. L’espèce est déjà présente en Lot-et-Garonne, à Marmande et Agen, depuis le début du siècle mais les scientifiques manquent d’informations sur sa présence dans des communes rurales plus petites.

Un reptile qui adore vivre près des hommes
SICILE. Faut-il craindre des effets néfastes pour les reptiles autochtones comme cela arrive pour des espèces invasives ? Le principal concurrent du nouvel arrivant, c’est le Lézard des murailles, habituel occupant des jardins. « Mais il semble que le gecko occupe une niche inutilisée et n’entre donc en compétition avec aucune espèce déjà présente », estime Matthieu Berroneau qui cependant va continuer à surveiller l’implantation. Laquelle ne fait plus de doute. En 2022, 250 individus ont été repérés. Les preuves d’une reproduction s’accumulent. La Tarente s’installe d’autant mieux qu’elle est anthropophile. C’est auprès de l’homme que l’espèce trouve toutes les conditions nécessaires à sa prolifération et notamment l’éclairage urbain qui lui rabat sa nourriture.

Le gecko n’est d’ailleurs pas le seul lézard méditerranéen à venir tenter sa chance sur les bords de l’Atlantique. Un naturaliste amateur a ainsi repéré il y a trois ans un magnifique lézard vert n’ayant rien de commun avec le très gris Lézard des murailles local chez un pépiniériste de Gradignan dans la banlieue de Bordeaux. « Après vérification, on a déterminé qu’il s’agissait du Lézard sicilien Podarcis siculus arrivé lui aussi avec des oliviers en pots », s’amuse Matthieu Berroneau. Une veille a été mise en place avec notamment l’aide de l’Office français de la biodiversité (OFB) pour vérifier si le reptile arrive à se reproduire, ce qui ferait une deuxième arrivée en quelques années. Aussi opportuniste que le gecko, le lézard sicilien profite d’ailleurs de l’engouement pour l’olivier pour se disséminer. Des individus isolés ont ainsi été signalés à Biarritz (Pyrénées Atlantiques) et dans l’île de Ré (Charente Maritime).

Le changement climatique n’est pas le seul responsable de l’arrivée du gecko
FRAGMENTATION. Est-ce pour autant le signe d’un impact sur la biodiversité du changement climatique ? Les modèles utilisés notamment par l’Agence de l’eau Adour Garonne dans une prospective à 2050, annonce une forte augmentation des températures et une « méditerranéisation » de ce climat océanique avec des conséquences sévères sur la ressource en eau. « Pour la faune et la flore, il est hasardeux d’affirmer que les espèces méditerranéennes vont coloniser le sud-ouest, tempère Michaël Guillon, coordinateur scientifique du programme « les sentinelles du climat » qui suit justement l’évolution d’une trentaine d’espèces animales et végétales face au changement climatique. D’autres critères comme le fonctionnement des écosystèmes entrent également en jeu ».

Si l’on regarde en effet les observations faites au XIXème siècle, les espèces méditerranéennes de papillons étaient plus nombreuses et plus présentes dans le sud-ouest. A cela une explication principale : il y a 150 ans, les milieux naturels étaient plus préservés et connectés entre eux sur de grandes zones géographiques, permettant une circulation plus importante des populations. C’est ce fonctionnement écologique qui a été perdu avec l’augmentation de la surface des zones agricoles intensives, la fragmentation des milieux par les infrastructures routières et ferroviaires et l’extension des zones urbaines. « Les écosystèmes fonctionnent moins bien ce qui explique la disparition d’espèces de certains milieux, la diminution du nombre d’individus, la fragmentation des populations », explique Michaël Guillon.

Il est donc très difficile de tirer des conclusions hâtives de la colonisation d’espèces comme le gecko car le suivi de l’évolution d’écosystèmes au fonctionnement complexe reste une gageure scientifique. Des études poussées sur les pelouses sèches du sud-ouest montrent bien une tendance à la poussée des plantes méditerranéennes au détriment des océaniques mais ce travail rigoureux ne peut être extrapolé à l’ensemble de la mosaïque des milieux aquitains. L’arrivée du gecko à Bordeaux reste cependant un évènement. Le reptile se sent visiblement bien au bord de la Garonne. Les herpétologues de Cistude nature vont maintenant s’intéresser à sa dispersion et à son rôle dans son nouvel environnement. Ajoutant ainsi, pourquoi pas, un nouvel objet d’étude au programme des « sentinelles du climat » qui justement tente d’objectiver les effets de la hausse des températures sur les animaux et les végétaux. Une besogne pas si simple qu’elle en a l’air.

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