L’Explosion du Dépôt Stratégique de Munitions à N’Djamena, Serait-Elle Liée à ce qui se Passe aux Frontières Soudano-Tchadiennes ?

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L'Explosion du Dépôt Stratégique de Munitions à N'Djamena, Serait-Elle Liée à ce qui se Passe aux Frontières Soudano-Tchadiennes ?
L'Explosion du Dépôt Stratégique de Munitions à N'Djamena, Serait-Elle Liée à ce qui se Passe aux Frontières Soudano-Tchadiennes ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. L’incendie spectaculaire qui s’est déclaré dans le dépôt principal de munitions de l’armée tchadienne, situé en plein centre de la capitale N’Djamena, dans la nuit de mardi à mercredi 19 juin 2024, ayant provoqué une série d’explosions de diverses ampleurs, a soulevé des tas de questions, sachant que 9 morts et 46 blessés furent admis à l’hôpital, selon les autorités tchadiennes elles-mêmes.

Cet important dépôt de munitions, qualifié de « stratégique » pour l’armée, se situe à Goudji, un quartier situé au Nord de N’Djamena, et qui n’est qu’à quelques kilomètres du principal aéroport international du Tchad.

Des témoins oculaires qui se trouvaient dans les environs au moment de l’explosion ont rapporté avoir constaté des morts et blessés éparpillés dans la rue, dont quelques uns ont été transportés à l’hôpital à moto.

Par ailleurs, des images d’obus d’artillerie vides « pleuvant » sur des maisons sont apparues dans les médias locaux, provoquant la panique parmi les habitants qui ont confirmé avoir vu un gigantesque incendie dans le camp militaire, une épaisse fumée et des objets exploser en l’air, et affirmé que «… des détonations et tirs volaient au-dessus d’eux… ».

Un certain nombre d’habitants de la capitale ont fait également état quant à eux de morts et de blessés civils, ainsi que des dégâts causés aux maisons par les missiles qui ont explosé au vol depuis ledit camp, tandis que des photos prises à l’intérieur du camp, dans la région de Goudji montraient la mort d’un certain nombre de soldats et des incendies de véhicules militaires. Les obus et les éclats d’obus volant depuis l’entrepôt de l’armée ont atteint même plusieurs quartiers, dont on peut citer « Marjan Dafak, Kenipur et Warla ».

A noter que de nombreuses personnes ont été contraintes de quitter leur domicile à la recherche d’un refuge sûr.

Cet incident, qui a terrifié les habitants de la capitale et qui s’est poursuivi pendant environ 40 minutes, a conduit au retour à la surface de l’ancienne « revendication de déplacer les camps militaires et de les expulser hors de la capitale ».

Il importe de rappeler à ce propos que des appels ont déjà été lancés auparavant pour déloger les camps militaires hors de N’Djamena, car la capitale abrite environ 1,6 million d’habitants, soit prés de 10 % de la population totale du Tchad.

• Réaction des autorités tchadiennes

Suite à ce drame, des mesures ont été vite prises pour prévenir tout danger avec notamment la suspension temporaire des activités au niveau de l’aéroport Hassan Djamouss, situé tout près du lieu des explosions, et ce, durant les quelques jours qui suivirent l’incident.

Dans ce contexte, le nouveau ministre des Armées, des anciens combattants et des victimes de guerre, le général Issakha Malloua Djamous, (officiellement installé dans ses fonctions depuis le jeudi 30 mai 2024), a indiqué que toutes les équipes de déminage ont été dépêchées en « alerte maximale », afin de gérer efficacement la situation et prévenir d’éventuelles nouvelles explosions car, a-t-il expliqué, « la rapidité et l’efficacité des démineurs sont cruciales dans ces moments de crise ».

Le patron de l’Armée tchadienne a saisi l’occasion pour rappeler l’évolution du site de la poudrière au fil des années: « Il y a 10, 20, 30 ans, la poudrière était dans la brousse, mais maintenant le site est situé en plein cœur de la capitale », a-t-il dit.

Selon lui, « cette transformation met en exergue les risques accrus pour la population urbaine qui vit à proximité des installations militaires ».

• Enquête officielle ordonnée par Mahamat Idriss Deby

Le président tchadien Mahamat Idriss Deby, qui a d’abord présenté ses condoléances aux familles des victimes de l’accident et souhaité un prompt rétablissement aux blessés, sans toutefois annoncer le nombre de morts et de blessés, a ordonné l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes et les responsabilités liées à l’explosion de l’entrepôt de munitions situé dans le camp de réserve stratégique de l’armée, à N’Djamena.

« Un incendie dans un dépôt des munitions au camp de la réserve stratégique a provoqué des dégâts humains et matériels. Paix aux âmes des victimes, sincères condoléances aux familles éplorées et prompt rétablissement aux blessés. Une enquête sera ouverte pour déterminer les causes et cerner les responsabilités », a écrit le président tchadien dans un message publié sur Facebook.

A rappeler que le camp de réserve stratégique, dit Baudrillier, est situé à Goudji, tout près de l’aéroport de la capitale.

• Accusations et étonnements

Des sources bien informées sont revenues sur les raisons de l’explosion du dépôt de munitions dans la capitale tchadienne, N’Djamena, révélant dans ce conteste que cette multiple explosion serait liée à une « réunion tenue par 150 généraux de l’armée tchadienne » avec le président Mahamat Idriss Deby (Kaka), « exigeant de cesser de fournir du matériel militaire aux Forces de Soutien rapide du général Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemedti, au Soudan ».

Les mêmes sources ont mis l’accent sur le fait que « le président tchadien avait demandé un délai d’une semaine pour répondre à leur requête », néanmoins, trois jours après cette réunion, l’entrepôt prit feu.

Des correspondants de la presse internationale, ont rapporté que des bruits d’explosions pouvaient être entendus à des kilomètres de l’entrepôt, ajoutant que les obus et projectiles qui explosaient à intervalles réguliers faisaient rougir et noircir la couleur du ciel au-dessus de l’entrepôt.

• Le Tchad soutiendrait-il réellement les Forces de soutien rapide au Soudan ?

Pour aboutir à une soi-disant vérité, il faut revenir sur certains passages du discours du nouveau représentant permanent du Soudan auprès des Nations Unies (depuis Mai 2024), Al-Harith Idriss Al-Harith Mohamed, qui a déclaré que la frontière tchadienne est devenue la première ligne d’approvisionnement des Forces de soutien rapide, que les autorités considèrent comme un groupe rebelle.

Al-Harith Idris a déclaré entre-autres, dans son discours devant la session du Conseil de sécurité: « Après le déclenchement de la guerre, les frontières tchadiennes sont devenues la première ligne d’approvisionnement de la milice en armes, fournitures et mercenaires pour poursuivre sa guerre contre le peuple soudanais ».

Ceci-dit, le Soudan a officiellement accusé le Tchad autant que les Émirats arabes unis de soutenir logistiquement les Forces de soutien rapide, ce qui a entraîné des tensions dans les relations diplomatiques et des échanges d’expulsions de diplomates entre les trois pays.

Selon le diplomate soudanais, plus de 500.000 Soudanais ont trouvé refuge au Tchad pour échapper aux violences depuis le déclenchement du conflit entre l’armée et les Forces de soutien rapide, le 15 avril 2023, sachant que le Tchad accueille déjà près de 500.000 autres Soudanais qui y ont fui en raison de la guerre qui a éclaté dans la région du Darfour, en 2003.

• Retour sur la sécurité le long des frontières avec le Soudan et le regain de tension avec ce pays voisin

Les choses ont commencé à se dégrader et la tension n’a cessé de prendre de plus en plus d’ampleur depuis le déclenchement du conflit armé entre l’Armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, et les Forces de Soutien rapide, dirigées par le général Mohamed Hamdan Dogolo, alias Hemedti.

Cette situation a coïncidé avec la visite du patron de la junte militaire tchadienne Mahamat Idriss Deby au Royaume d’Arabie Saoudite, début avril 2023, mais l’évolution de la situation sécuritaire au Soudan l’avait contraint à écourter sa visite et à rentrer dans son pays, le mardi 19 avril, pour présider illico une réunion de sécurité de haut niveau afin d’engager les procédures exécutives pour la décision de fermer la frontière avec le Soudan, le retrait des forces tchadiennes du mécanisme militaire conjoint entre le Soudan et le Tchad chargé de surveiller la frontière et de gérer la situation en remédiant aux déséquilibres sécuritaires.

Quant à ce conflit soudano-soudanais, il ne s’agissait pas d’une dispute entre les symboles de l’institution militaire, mais plutôt d’une guerre civile typique, dont le titre est « pour ou contre le retour de l’ancien régime », et qui pourrait ouvrir la voie à une évolution de la nature de la guerre.

Le conflit a été révélé, alors que les forces civiles et démocratiques avaient rejoint les Forces de soutien rapide après que son chef, Hemedti, ait annoncé, d’une manière qui n’était pas encore claire à ce moment-là, qu’il remettrait le pouvoir aux civils et qu’il s’efforcerait de retirer l’armée et les forces armées du pouvoir.

Néanmoins, N’Djamena avait déjà réagi aux déclarations faites en novembre 2023 par le commandant en chef adjoint de l’armée soudanaise, le Lieutenant-général Yasser Al-Atta, et reprises plus tard par le ministre soudanais désigné des Affaires étrangères, Ali Al-Sadiq, à la télévision locale, dans lequel il accusait l’État du Tchad de soutenir les Forces de soutien rapide avec des armes et des munitions.

Toutefois, l’apparition au grand jour des tensions entre Khartoum et N’Djamena révèle le refus de cette dernière à tolérer des accusations qui pourraient conduire à un embarras régional si elle reste longtemps silencieuse à leur sujet.

Quant au Soudan, il n’a pas demandé d’excuses au Tchad et a insisté pour confirmer les accusations sans recours, ce qui signifie qu’il n’a pas cherché à dissuader N’Djamena d’arrêter son soutien militaire et de revenir aux accords antérieurs en matière de non-ingérence dans les affaires des autres si les accusations portées contre lui étaient vraies, et que l’objectif semblait être de coincer le Tchad.

Reste à savoir si l’explosion ayant eu lieu dans le dépôt stratégique du camp de l’armée tchadienne à Goudji a réellement un « lien direct » avec la situation aux frontières soudano-tchadiennes ou pas: la vérité éclatera sûrement un jour !

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