Manifestations au Tchad : « des YOUYOUS pour les Russes et Dégage pour les Français »

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Manifestations au Tchad : « des YOUYOUS pour les Russes et Dégage pour les Français »
Les Tchadiens sortis dans la rue à N’Djamena pour accueillir les Russes

Africa-Press – Tchad. Des centaines de citoyens tchadiens, dont beaucoup d’hommes politiques, pour la plupart des jeunes, sont descendus dans la rue durant la journée du samedi 26 février 2022, sous forme de manifestations de masse pour s’opposer à l’hégémonie française et accueillir la Russie pour la première fois dans les rues de la capitale tchadienne, N’Djamena.

Les manifestants ont scandé des slogans en faveur des russes tout en hissant leur drapeau, et ont demandé à la France de cesser son implication dans les affaires internes du Tchad et de cesser également son soutien à la junte militaire au pouvoir, dont elle a parrainé son coup d’État contre la constitution, notamment après l’assassinat de l’ancien président tchadien Idriss Deby Itno.

La foule a scandé le slogan « La France est notre premier ennemi », que les observateurs ont estimé comme une indication claire de l’ampleur du rejet africain de la présence de la France et de sa domination sur ses anciennes colonies africaines, et de son ingérence dans leurs affaires intérieures.

Les protestataires ont affirmé que « la France a installé le fils aîné du président Deby, en l’occurrence le général Mahamat Idriss Deby, à la tête d’un Conseil militaire de transition et en tant que président à la place de son père, alors que celle-ci revenait au président du Parlement, dont la constitution tchadienne stipule qu’il assume la présidence à la mort du Chef de l’Etat ».

A noter que plus d’un millier de jeunes tchadiens avaient répondu à l’appel lancé par la coalition d’opposition « Wakit Tama », et ont levé haut des banderoles appelant la France à partir et à cesser de fourrer son nez dans les affaires du Tchad, mettant en berne à l’occasion le drapeau français pendant les manifestations, et hissant des drapeaux de la Russie.

Dans leurs allocutions, tous les responsables politiques et organisateurs de la manifestation ont dénoncé l’ingérence française dans les affaires tchadiennes et le soutien de la France au régime en place au Tchad.

Un des chefs de l’opposition tchadienne a souligné : « La France doit comprendre que son alignement sur l’une des parties tchadiennes n’est pas dans les intérêts du peuple tchadien ».

Pour la plupart des observateurs, il semble que ces manifestations sont en harmonie avec d’autres manifestations qui ont été organisées auparavant dans un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, telles que les manifestations qui avaient eu lieu au Mali, lors desquelles les protestataires avaient appelé au départ de la France et à l’ouverture de la coopération et du partenariat avec la Russie.

Ce genre de manifestations a eu lieu entre-autres au Niger, au Burkina Faso et en Guinée Conakry.

Pour ce qui est de la manifestation du 26 février dernier, elle a pris la forme de questions posées par les organisateurs et les réponses venant des manifestants eux mêmes, comme ci-après :

• Y a-t-il une liberté au Tchad ?
• Y a-t-il une loi et une sécurité au Tchad ?
• La France, qui est notre ennemi numéro un, n’a-t-elle pas soutenu la violation des lois tchadiennes ?
• N’’a-t-elle pas toléré le meurtre de sang-froid des Tchadiens ?

Par ailleurs, la France a été accusée « d’utiliser des généraux de l’armée pour réaliser ses intérêts coloniaux, dix mois après l’assassinat du président tchadien Idriss Deby Itno le 20 avril 2021, et ceux de son fils le général Mohamed Deby pour prendre les rênes du pouvoir à la tête d’un Conseil militaire de transition.

Dans ce contexte, le membre de la coalition d’opposition Wakit Tama a voulu comprendre :

• Comment pouvons-nous accepter la domination des Français après qu’ils aient été chassés en Afrique de l’Ouest ?
• Si les Français sont forts, alors qu’ils fassent la guerre en Ukraine !

Le Conseil militaire de transition au pouvoir au Tchad qui a dissous le Parlement en avril 2021, n’a pas encore organisé le Dialogue National Inclusif qu’il avait promis d’organiser avec l’opposition et les mouvements armés.

Dans un discours prononcé lors du rassemblement mené contre la France, l’un des manifestants a affirmé : « Je suis sorti aujourd’hui, comme tous les Tchadiens, pour exiger une réforme des conditions de mon pays effondré, que la France entrave dans son approche d’une véritable démocratie qui garantit les droits du peuple à la liberté d’expression et veille à ce que le Tchad organise des élections transparentes et démocratiques ».

Le Conseil militaire de transition a promis d’organiser des élections libres et démocratiques dans un délai de 18 mois, renouvelables une fois, ce qui a amené la France, l’Union africaine et l’Union européenne à soutenir le nouveau régime militaire au Tchad.

Ainsi, la France, qui a décidé il y a quelques jours de retirer ses forces du Mali, fait face depuis plusieurs mois à la perte de nombreuses positions dans sa zone d’influence traditionnelle en Afrique, notamment dans la région du Sahel, où le rejet populaire de la présence militaire et sécuritaire française sur le continent a été la “braise” des discours politiques adoptés par les jeunes officiers africains qui ont perpétré des coups d’Etat au Mali, en Guinée Conakry et au Burkina Faso.

Hors mis tout cela, les échecs apparents enregistrés dans la lutte contre les djihadistes sur une période de dix ans ont été combinés avec des moyens énormes, levant le voile sur ce que les jeunes ont considéré comme étant le « vieux caractère néocolonial de la France » pour former une source de sentiment anti-français, répandu pendant un certain temps en Afrique, notamment dans la région du Sahel.

A cet égard, les experts affirment que ce qui a déclenché la haine perçue de la France parmi les jeunes élites politiques africaines, est la protection aveugle par la France de ses intérêts stratégiques et de sa position auprès de ses « régimes amis » d’une manière qui contredit le désir de la population et contredit l’établissement d’une vie démocratique, comme le scénario qui s’est produit au Tchad lorsque la France a publiquement soutenu l’accession au pouvoir du fils du président tchadien, contrairement aux dispositions de la constitution tchadienne.

A cela vient s’ajouter l’échec conjugué français, européen et international, à vaincre les groupes armés et rebelles, qui massacraient et pillaient la population civile, ce qui a provoqué la population et lui a fait refuser une intervention qui ne lui assure pas la protection la plus simple.

Ce feuilleton continuera encore et encore à parler de lui, tant que l’épisode final n’a pas été encore tourné.

Anouar CHENNOUFI

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