Tchad : Amnesty International et HRW appellent les autorités tchadiennes à mettre fin à la répression violente envers les opposants

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Police anti-émeute à N’Djamena

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Amnesty International a accusé la semaine dernière la Junte militaire au pouvoir au Tchad, notamment le Conseil Militaire de Transition, de mener une campagne d’intimidation violente contre les opposants, exhortant à l’occasion les autorités tchadiennes à « mettre fin à cette campagne de répression » dont font face des voix dissidentes », après que des manifestants aient été blessés et des dizaines d’autres arrêtés lors des dernières manifestations organisées.

En effet, le pouvoir a interdit samedi dernier les manifestations appelées par la coalition d’opposition « Wakit Tama », estimant qu’elles « constituent un trouble à l’ordre public », sachant que des centaines de manifestants ont quand même bravé l’interdiction et sont descendus dans les rues de la capitale, N’Djamena.

La force par les Forces de sécurité

« Les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes, blessant plusieurs personnes et arrêtant des dizaines de manifestants, qui ont été libérés le même jour », a déclaré Abdoulaye Diarra, chercheur sur l’Afrique centrale à Amnesty International.

L’organisation a déclaré dans un communiqué que « les services des SMS ainsi qu’Internet ont été perturbés dans certaines zones de la capitale, dès le matin des manifestations », tout en soulignant « la nécessité d’ouvrir une enquête sur les restrictions apparemment imposées à l’accès à Internet » avant la manifestation.
Toujours selon Amnesty International, au moins 16 personnes ont été tuées lors de manifestations, et ce depuis l’assassinat du président Idriss Deby Itno, dans des incidents qui, selon elle, attendent toujours les résultats des enquêtes.

Réactions d’Amnesty International et Human Rights Watch

Une autre organisation des droits de l’homme, à savoir Human Rights Watch, est intervenue à son tour pour déclarer que « Le gouvernement tchadien n’assume aucune responsabilité pour l’usage arbitraire de la force par ses forces de sécurité contre des manifestants pacifiques dans la capitale, N’Djamena, lors d’une manifestation organisée le 2 octobre 2021 ».

« Six mois après l’arrivée au pouvoir du Conseil militaire de transition, l’espace civique reste largement fermé, les manifestations pacifiques continuent d’être violemment réprimées et les forces de sécurité jouissent de l’impunité », a déclaré de son côté Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur l’Afrique à Human Rights Watch, ajoutant que « Le CNT devrait mettre fin à l’usage excessif de la force par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques et garantir la justice pour les victimes des violences des forces de sécurité, y compris les personnalités de l’opposition ».

Promesses du CMT

Il importe de rappeler que le Conseil avait annoncé lors de la prise du pouvoir, en avril 2021, qu’il gouvernerait le Tchad pendant 18 mois, renouvelables une fois, au cours desquels il organiserait un « Dialogue national inclusif », puis rétablirait un « régime civil » par le biais d’élections. Cette série de débats nationaux devrait commencer en novembre ou décembre de l’année en cours et culminer avec les élections présidentielles qui auraient lieu entre juin et septembre 2022.

Selon Human Rights Watch, les forces de sécurité auraient arrêté plus de 700 personnes, dont beaucoup lui auraient déclaré qu’elles avaient été torturées et maltraitées en détention.

L’organisation des droits de l’homme a assuré qu’entre le 3 et le 25 octobre, elle a interrogé par téléphone 11 personnes qui ont été blessées par les forces de sécurité lors de la manifestation du 2 octobre à N’Djamena. Ella confirmé entre-autres qu’elle s’était entretenue avec deux membres de partis d’opposition, un employé d’une organisation de la société civile, un avocat, un journaliste, un militant et un médecin. Pour corroborer les témoignages des victimes, HRW a obtenu et analysé des photos et des vidéos des blessures des manifestants, ainsi que des dossiers médicaux délivrés par les établissements de santé de N’Djamena.

L’opposition en ébullition

Opposition à la Junte militaire

A noter que l’opposition, y compris la coalition « Wakit Tama », a continué d’exprimer son inquiétude face à ce qu’elle considère comme la prise de pouvoir des autorités militaires.

En revenant à la manifestation du 2 octobre dernier, des centaines d’habitants de N’Djamena s’étaient joints aux membres et sympathisants de Wakit Tama pour protester contre la décision du Conseil militaire de transition et demander des amendements à la charte de transition du Tchad. Bien que les autorités aient autorisé cette manifestation, Human Rights Watch a découvert que la police anti-émeute avait tiré des grenades lacrymogènes, des balles en caoutchouc et peut-être même des balles réelles sur les manifestants, blessant 40 à 45 personnes et causant notamment des dégâts matériels.

Toutefois, Human Rights Watch n’a pas pu accéder à des photographies ou à des images des douilles pour vérifier si certaines des balles étaient des balles réelles, ou si toutes pouvaient être des balles en caoutchouc ou d’autres formes de munitions moins meurtrières.

Réaction de membres du Gouvernement tchadien

Réagissant à ces accusations, le Ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, Suleiman Abaker Adom, a déclaré dans un communiqué de presse rendu public le 2 octobre que les manifestants n’avaient pas suivi le cours autorisé de leur manifestation et les a accusés de « troubler l’ordre public ».

De son côté, le Ministre des Communications Abdel Rahman Kalamallah, est intervenu le 4 octobre à la télévision d’État pour annoncer que 12 membres des forces de sécurité ont été blessés et que 12 de leurs véhicules ont été endommagés par des pierres lancées par des manifestants, qu’il a qualifiées d’irresponsables qui voulaient déclencher la rébellion.

Dans ce contexte, Human Rights Watch a contacté le ministre de la Justice Mohamed Ahmed al-Habbo le 14 octobre par e-mail et le 19 octobre par SMS, mais elle n’a pas eu de réponse.

Qui est le nouveau Directeur des renseignements nommé par Mahamat Idriss Deby ?

« Baba Laddé » nouveau Directeur des services de renseignementsPar ailleurs, le 14 octobre, dans un geste qui suscite des inquiétudes et menace de favoriser une culture d’impunité pour de graves violations des droits humains, Le Président Mahamat Idriss Deby a nommé Abdelkader Mohamed (mieux connu sous le nom de Baba Laddé), l’ancien chef du Front populaire pour l’équité, au poste de Directeur des services de renseignements tchadiens. Baba Lade et son groupe armé se battent en République centrafricaine depuis 2018. Les Nations Unies et des groupes nationaux et internationaux de défense des droits humains ont documenté de graves crimes contre les droits humains commis par les hommes de Baba Ladi là-bas, notamment des viols, des meurtres et des pillages.

Le Droit international et africain des droits de l’homme, y compris la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et la Charte transitoire du Tchad consacrent le droit à la liberté d’expression et de réunion et interdisent l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre. En vertu des Principes fondamentaux des Nations Unies sur le recours à la force et aux armes à feu, les forces de sécurité ne peuvent recourir à la force qu’en proportion de la gravité du crime, et le recours intentionnel à la force meurtrière n’est autorisé que lorsqu’il est strictement inévitable pour protéger la vie.

Ainsi, selon Mme Ilaria Allegrozzi « Le CMT devrait changer de cap au cours de la dernière année de la transition, respecter et protéger le droit des Tchadiens à manifester pacifiquement et établir des canaux respectueux des droits pour répondre à leurs préoccupations. Ne pas le faire ne fera que renforcer la culture tchadienne de répression violente et d’impunité pour les abuseurs ».

Les autorités tchadiennes doivent se mettre à l’évidence que l’espace civil doit être ouvert et la responsabilité en cas de force excessive doit être garantie.

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