Tchad : Rome réactive sa médiation en accueillant les groupes politico-militaires non signataires de l’accord de Doha

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Tchad : Rome réactive sa médiation en accueillant les groupes politico-militaires non signataires de l’accord de Doha
Tchad : Rome réactive sa médiation en accueillant les groupes politico-militaires non signataires de l’accord de Doha

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. La question des « 18 mouvements politico-militaires tchadiens » qui avaient refusé de signer l’accord de Doha du 8 août 2022, au Qatar, et qui a couronné cinq mois de pré-dialogue entre le gouvernement et 52 groupes rebelles, vient de refaire surface, au début du mois de mars 2023, suite au déplacement à Rome de leurs leaders et représentants, dont les plus importants tels que le FACT de Mahamat Mahdi Ali, le CCMSR ou encore le FNDJT, qui se trouvaient à Rome du lundi 6 au jeudi 9 mars, sur invitation de la « communauté catholique de Sant’Egidio ».

L’objectif de ce déplacement à Rome est de tenter de relancer le dialogue avec le pouvoir de transition dirigé par le général Mahamat Idriss Déby Itno, sachant qu’ils auraient annoncé avoir pris la décision de « tendre la main au pouvoir de Ndjamena » pour des négociations de paix.

Dans ce contexte, il semble bien que la communauté catholique de Sant’Egidio a été sollicitée pour assurer cette médiation, car les mouvements politico-militaires estiment que cette communauté possède dextérité et expérience en matière de médiation.

Confirmation de Wakit Tamma

Cette action aurait même été confirmée par « Wakit Tamma », qui s’en est félicitée, car cette coordination des actions citoyennes aurait appris l’arrivée, à Rome, des délégations des groupes politico-militaires non signataires de l’accord de Doha, en vue de raviver et prendre part aux négociations de paix avec le pouvoir en place à N’Djamena, évidemment avec la médiation de la Communauté catholique Sant’Egidio.

A noter que le dialogue demeure tout de même une condition essentielle et suffisante pour remettre le Tchad sur les rails d’un processus politique apaisé, a-t-on appris dans un communiqué de presse daté du 5 mars 2023, publié à Genève en Suisse, et portant la signature de Max Loalngar, le coordinateur de Wakit Tamma.

Toujours dans le même sillage, et selon le Centre d’études pour la prévention de l’extrémisme, si les mouvements politico-militaires non signataires de l’accord de Doha ont décidé de se réunir à Rome, c’est tout simplement pour œuvrer au rapprochement des points de vue des uns et des autres afin de trouver une solution définitive à la crise politique au Tchad.

Il importe tout de même de rappeler que 14 mouvements politiques et militaires de diverses factions de l’opposition tchadienne s’étaient déjà réunis dans la capitale italienne, Rome, les 21 et 22 janvier 2022, et ont mené des discussions autour d’une éventuelle réconciliation, sachant que la réunion du 6-9 mars 2023 à Rome est la troisième rencontre de ce type depuis janvier 2022, sur invitation de la communauté « Sant’Egidio » pour des échanges sur la situation politique et sécuritaire au Tchad.

Nous croyons savoir que parmi les participants à cette réunion figuraient :

• le « Front Al-Wefaq pour le changement », • le « Conseil de commandement militaire pour le salut de la République »,
• « l’Union des forces de résistance »,
• « l’Union des forces pour le changement et la démocratie »,
• le « Conseil national de la résistance »
• et d’autres factions.

Ces mouvements avaient discuté du « pré-Dialogue national inclusif », qui avait été tenu à Doha, et dont l’accord de paix fût signé au Qatar, le 8 août 2022, sans qu’il ait été signé par 18 mouvements politico-militaires de l’opposition.

Dans le même contexte, le représentant du CNR (Conseil national de redressement du Tchad), groupe politico-militaire non signataire de l’accord de paix de Doha, Dr. Bichara Idriss Haggar a appelé à l’occasion à la relance du dialogue pour la Paix.

« Nous nous sommes réunis dans le Cadre permanent de concertation et de réflexion (CPCR) et avons réaffirmé notre engament pour la paix au Tchad. C’est vrai que nous n’avons pas signé l’accord de paix de Doha, néanmoins nous œuvrons pour concrétiser la paix dans notre pays », a-t-il souligné.

Haggar a ajouté également que « Lors de notre rencontre, nous avons réitéré notre offre de paix émise le 22 janvier 2022 à Rome et demandé à la communauté internationale, notamment les Nations unies, l’Union africaine et l’Union européenne de soutenir cette offre à travers la médiation de la communauté Sant‘Egidio ».

De son côté, Mahamat Mahdi Ali, leader du groupe politico-militaire FACT (Front pour l’alternance et la concorde du Tchad), a précisé dans une déclaration accordée à des médias : « Nous avons demandé à la communauté Sant’Egidio d’entamer des négociations avec les autorités de transition du Tchad. Il faut un dialogue inclusif et franc entre la classe politique, la société civile, les groupes politico-militaires et le gouvernement de transition ».

Il importe aussi de rappeler que d’après les groupes non signataires de l’accord de Doha, il a été constaté que la délégation gouvernementale n’avait nullement, semble-t-il, l’intention de mener de vraies discussions, à Doha.

La Coordination des Actions Citoyennes Wakit Tamma a exprimé ses inquiétudes concernant la tenue de négociations de paix à Rome entre le pouvoir de N’Djamena et ces groupes politico-militaires car, bien que Wakit Tamma se soit félicitée de la tenue de ces négociations de paix à Rome, la coordination estime que « la rencontre exclut certains acteurs clés, comme l’opposition militaire et la société civile, et risque même de manipuler les consciences ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que Wakit Tamma a affirmé ne pas soutenir cette rencontre, tout en appelant les groupes politico-militaires à ne pas y adhérer.

A quoi devrait-on s’attendre de la réunion provoquée par la Communauté Sant’Egidio à Rome ?

Beaucoup se rappellent que le 20 août 2022 s’était ouvert dans la capitale, N’Djamena, le « Dialogue national inclusif », moins de deux semaines après l’accord de paix signé à Doha (Qatar 8 août), ayant abouti à une série de pourparlers auxquels ont participé toutes les couches de la société tchadienne en vue de définir un calendrier ainsi que les règles de base pour les élections présidentielles.

Certains membres et sympathisants des partis d’opposition et des organisations de la société civile avaient refusé de participer au dialogue, affirmant qu’il « n’inclut pas toutes les parties ».

Néanmoins, soucieux de « contribuer aux efforts de prospection de résolution de la crise tchadienne dans un cadre global et véritablement inclusif », les 18 mouvements politico-militaires ont accepté, sur invitation de la communauté Sant’Egidio, de se réunir à Rome en Italie, durant la première semaine de Mars 2023, pour des échanges sur la situation politique et sécuritaire dans leur pays, car ces groupes n’entendent pas rester en marge de la transition en cours au Tchad.

Et malgré les nombreuses divergences qui les opposent au pouvoir actuel de transition, ces groupes politico-militaires souhaitent tout de même que le Tchad tourne la page des années sombres de son histoire pour s’engager résolument dans la recherche de solutions pérennes à tous les problèmes auxquels il fait face.

C’est d’ailleurs le point le plus positif à mettre à l’actif de l’initiative de Sant’Egidio dont l’une des missions essentielles est de contribuer à protéger la paix là où elle est menacée. C’est tout à l’honneur de cette communauté chrétienne qui, beaucoup s’en souviennent, a souvent réussi là où d’autres ont échoué.

Sauf que jusqu’à ce jour, les observateurs se demandent si les efforts fournis par « la communauté de Sant’Egidio » seraient couronnés de succès ou pas dans le cas de la situation au Tchad ?

Et pour y arriver, il suffirait simplement que le Président Mahamat Idriss Deby tende sincèrement la main à tous les Tchadiens sans exclusion, mais beaucoup déplorent le fait que les autorités de N’Djamena n’ont pas été associées à ces pourparlers de paix de Rome.

Par ailleurs, selon le politologue tchadien Remadji Hoinathy : « Le dialogue national inclusif, pendant longtemps, a été calé sur l’accord de Doha », soulignant dans ce contexte « qu’une véritable réconciliation au Tchad exige que l’on tienne compte des mouvements capables de représenter un danger pour le pays ».

La Communauté de Sant’Egidio : Quelle est sa dimension d’influence en fait ?

La Communauté de Sant’Egidio qui a vu le jour à Rome en 1968, est une communauté de laïcs qui rassemble plus de 60.000 personnes issus de 74 pays à travers le monde qui est reconnue par le Saint-Siège comme « Association publique de laïcs de l’Eglise ».

Sa spiritualité est fondée sur les trois bases suivantes :

• La Communauté se réunit à l’écoute de la Parole de Dieu.
• Les pauvres : solidarité vécue comme un service volontaire et gratuit, dans l’esprit évangélique d’une Église qui est « Église de tous et particulièrement des pauvres » (Jean XXIII).
• La paix : partie intégrante du service aux pauvres.

A noter que la Communauté tient compte du fait que la guerre est « la mère de toutes les pauvretés ». Dès lors, elle s’est engagée dans un réseau d’amitié, au niveau local comme au plan international, pour la promotion d’une culture de la paix.

La communauté catholique Sant’Egidio parle d’une « contribution » à la transition en cours au Tchad, où elle a proposé de partager son « expertise » en médiation. Elle est par exemple active depuis plusieurs années en Centrafrique.

A propos de la réunion de Rome, le membre de Sant’Egidio, Mauro Garofolo, a confié qu’il s’agit d’une « offre de paix sans conditions », qui rappelle que les ponts n’ont jamais été coupés avec N’Djamena puisque des représentants de la communauté se sont rendus au Tchad à plusieurs reprises en 2022, où ils ont notamment pu s’entretenir avec le président de transition Mahamat Idriss Déby.

L’Accord de Doha : un succès selon la diplomatie française

Il importe de rappeler que la France a été la première à se féliciter de la signature à Doha, le 8 août 2022, d’un accord de paix historique entre les autorités de transition tchadiennes et des groupes politico-militaires tchadiens.

Le pays de l’hexagone a en effet salué l’action du Qatar, qui s’est mobilisé sans relâche, pendant prés de cinq mois, pour conduire la médiation qui a permis la conclusion de cet accord, lequel fût une étape majeure dans la tenue du « Dialogue national inclusif » qui s’était ouvert à N’Djamena, le 20 août de l’année dernière, entre toutes les forces politiques et sociales du pays.

De même, la diplomatie française a exprimé entre-autres sa disponibilité à continuer d’accompagner, aux côtés de l’ensemble des partenaires internationaux, le processus de transition et le dialogue inter-tchadien, dans l’intérêt de la paix et de la stabilité au Tchad.

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