Volcans furtifs et éruptions sans signes précurseurs

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Volcans furtifs et éruptions sans signes précurseurs
Volcans furtifs et éruptions sans signes précurseurs

Africa-Press – Tchad. Lorsque les volcans se préparent à entrer en éruption, les scientifiques s’appuient sur des signes spécifiques pour alerter les populations vivant à proximité: déformation du sol et tremblements de terre, causés par le remplissage de chambres souterraines par du magma et du gaz volcanique. Mais certaines éruptions ne sont pas associées à des signes précurseurs clairs. Des scientifiques ont modélisé les éruptions du volcan Veniaminof, en Alaska, pour tenter d’expliquer et prédire ces éruptions « furtives ». Leurs résultats sont publiés dans la revue Frontiers in Earth Science.

L’exemple du Veniaminof

En 2021, une éruption du Veniaminof n’a été détectée que trois jours après son déclenchement. Le volcan, recouvert de glace et situé en Alaska, est surveillé de près, mais seules deux de ses 13 éruptions depuis 1993 ont été précédées de signes suffisamment importants pour alerter les scientifiques.

« Le Veniaminof illustre parfaitement comment un volcan peut paraître calme tout en étant prêt à entrer en éruption », a déclaré le Dr Yuyu Li de l’Université de l’Illinois (Etats-Unis), auteure principale de l’étude. « C’est l’un des volcans les plus actifs d’Alaska. Au cours des dernières décennies, il a produit plusieurs éruptions explosives de magnitude modérée pouvant projeter des cendres jusqu’à 15 km de hauteur, perturber le trafic aérien et présenter des risques pour les communautés et les infrastructures environnantes », ajoute la chercheuse dans un communiqué. Ces risques sont encore plus importants si la plupart de ces éruptions passent sous les radars des géologues.

Et Veniaminof est loin d’être le seul volcan « furtif » ! En mai 2021, le volcan Nyiragongo en République Démocratique du Congo (RDC) est entré en éruption sans qu’aucun des signes précurseurs habituels ne soit décelé. Le volcan connait pourtant une surveillance continue par des réseaux d’instruments (sismiques, acoustiques et géodésiques), complétés de données satellitaires. Parmi les autres exemples de volcans sujets aux éruptions sans signes précurseurs, sont cités dans l’étude Popocatépetl et Colima au Mexique, Merapi en Indonésie, Galeras en Colombie et Stromboli en Italie.

Pour mieux les comprendre, l’équipe du Dr Yuyu Li a utilisé les données de surveillance des trois étés précédant l’éruption du volcan Veniaminof en 2018. Ils ont créé un modèle du comportement du volcan, en faisant varier plusieurs critères, comme le volume de la chambre magmatique, le débit de lave, la forme et la profondeur du réservoir. « Nos travaux contribuent à expliquer ce phénomène en identifiant les conditions internes qui rendent les éruptions furtives », annonce Yuyu Li.

Des conditions particulières

Les chercheurs découvrent que ces éruptions sans signes précurseurs ne se produisent que lorsque toutes les conditions sont réunies: un écoulement magmatique adéquat et une chambre de taille, de forme et de profondeur appropriées.

Ils constatent qu’un flux important de magma augmente la pression, la déformation du sol et donc la probabilité d’une éruption. Si le magma s’écoule rapidement dans une grande chambre, une éruption peut ne pas se produire, mais si la chambre déborde, le sol se déformera suffisamment pour alerter les scientifiques.

En intégrant la température à leur modèle, ils remarquent que si le magma est présent de manière constante au fil du temps, de sorte que la roche de la chambre reste chaude, la taille et la forme du réservoir importent moins. Si la roche est chaude et coule lentement, elle est moins susceptible de se rompre de manière à provoquer des séismes détectables, ou une déformation du sol lorsque le magma pénètre dans la chambre.

« On peut prévoir l’éruption plus ou moins à l’avance, explique Philippe Lesage, maître de conférence émérite à l’Université Savoie-Mont Blanc. Si la partie superficielle du cratère est dure et froide, comme c’est le cas pour des volcans éteints, le magma devra tout casser pour remonter à la surface. Cela entrainera des séismes détectables. Mais si le système est ouvert, et le magma proche de la surface et chaud, les roches autour seront molles, et les séismes parfois presque indétectables ». Le géologue se souvient d’une éruption en Islande pour laquelle les premiers signaux n’avaient été détectés que 20 minutes avant l’éruption, « ils ont pu donner l’alerte, mais le temps de détecter les signes, les interpréter sans risquer de donner une fausse alerte, c’était moins une ».

Les scientifiques savent désormais quels volcans doivent être surveillés de plus près: ceux dotés de petits réservoirs chauds, proches de la surface et de flux magmatiques lents.

« Certaines éruptions passent totalement inaperçues »

« Il est préférable de parler d’éruptions sans signes précurseurs détectés, précise le géologue français. Parce qu’on n’a peut-être pas assez d’instruments, ou pas le temps d’alerter. »

La plupart des volcans sont équipés de stations sismologiques, d’inclinomètres qui, couplés à des données satellites, sont capables de mettre à jour les déformations du sol toutes les 6h environ, et d’instruments de mesure de la quantité et de la composition des gaz. « Dans certains cas, il n’y a tout simplement pas assez d’instruments proches du cratère ou alors ils sont défectueux à cause de l’activité du volcan, déclare Philippe Lesage. Et parfois, pour plein de raisons différentes (dont certaines évoquées précédemment, ndlr), certaines éruptions passent totalement inaperçues ! ».

Pour l’équipe de Yuyu Li, intégrer des instruments de haute précision pourrait améliorer les taux de détection pour les volcans correspondant au modèle de Veniaminof. « L’intelligence artificielle s’est également révélée prometteuse pour détecter des changements subtils dans le comportement volcanique, notamment dans la détection des signaux sismiques ». Mais des études complémentaires sont nécessaires pour préciser ces critères.

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