Africa-Press – Togo. L’infertilité touche un couple sur cinq en France, et plus de 200 millions de personnes dans le monde. Le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) est de plus en plus fréquent, mais ses résultats sont encore sous-optimaux et parfois très éprouvants pour les couples. Pour améliorer les techniques de PMA, des chercheurs du CHU de Toulouse, de l’Université de Toulouse et de l’Inserm se sont penchés sur le fonctionnement d’une structure encore mal connue et pourtant essentielle dans le processus de reproduction: les trompes de Fallope, qui se déploient de chaque côté de l’utérus. Au moment de l’ovulation, l’ovocyte et les spermatozoïdes se retrouvent dans les trompes de Fallope. C’est là que s’initient la fécondation et les premières étapes du développement embryonnaire.
Pour pouvoir les étudier sous toutes les coutures, l’équipe de Nicolas Gatimel, biologiste au centre de PMA du CHU de Toulouse et enseignant-chercheur à l’Université de Toulouse, a conçu des organoïdes de trompes de Fallope à partir de tissus de patientes ayant subi une ablation contraceptive. Les chercheurs ont abouti à de petites structures 3D qui reproduisent en partie les fonctions de l’organe. L’objectif de leurs travaux: mieux connaître le fonctionnement des trompes dans l’acquisition du pouvoir fécondant des spermatozoïdes afin de mieux comprendre certaines infertilités et améliorer les techniques des PMA. Sciences et Avenir s’est entretenu avec Nicolas Gamel pour en savoir plus sur la portée de ses travaux.
Sciences et Avenir: Les organoïdes prennent de plus en plus de place dans la recherche scientifique, ils semblent pleins de promesses…
Nicolas Gatimel: Oui, les organoïdes représentent un modèle très prometteur en recherche médicale et en pleine expansion. Ils permettent d’avoir un modèle constitué de cellules humaines et donc de s’affranchir des limites liées aux différences entre espèces. Puisqu’on sait, par exemple, que certains organes murins sont très différents de ceux de l’être humain. L’organoïde est un modèle in vitro qui offre plusieurs utilisations:
Comprendre le fonctionnement de l’organe: on ne connaît pas encore assez bien la physiologie des trompes de Fallope, difficiles d’accès, alors qu’elles sont le siège d’évènements primordiaux pour l’obtention d’une grossesse. C’est probablement ce qui nous intéresse le plus pour l’instant dans le modèle organoïde de trompes.
Tester les effets d’un traitement sur un modèle organoïde modifié ou pathologique, c’est la médecine personnalisée.
Tester les effets des toxiques environnementaux sur le fonctionnement normal de l’organoïde.
Comparer la physiologie des espèces.
Et dans le futur peut-être même faire de la médecine régénérative à partir d’organoïdes !
« Il faut rester humble car ce ne sont pas de vrais organes »
Comment avez-vous réussi à obtenir une structure aussi complexe ?
Il existe plusieurs étapes primordiales, telles que l’utilisation des bons facteurs de croissance pour la culture ou encore l’emploi de facteurs de différenciations cellulaires spécifiques aux organes génitaux féminins. Nous souhaitions concevoir des structures de grande taille qui permettraient des cocultures avec des spermatozoïdes et c’est ce que nous avons obtenu.
En revanche, il faut rester humble car ce ne sont pas de vrais organes, nous ne savons pas encore reproduire in vitro la vascularisation et la communication entre les différents organes qui impactent bien sûr leur fonctionnement. L’organoïde n’est pas un « mini-organe », mais il reproduit une partie de son fonctionnement de manière beaucoup plus fidèle et plus prolongée qu’une culture cellulaire classique. Et en cela, ils offrent des opportunités de recherche bien plus poussées.
Images de microscopie électronique à balayage des organoïdes de trompes de Fallope humaines avec ou sans spermatozoïdes humains. Crédit: Nicolas Gatimel
« Un environnement plus favorable pour les gamètes »
Quelles applications pourraient suivre vos travaux de recherche ?
Mon équipe et moi sommes arrivés à mimer un environnement, probablement plus physiologique et plus proche de l’environnement in vivo dans lequel se trouvent les spermatozoïdes. Ainsi, leur niveau de mobilité qui décroît normalement in vitro rapidement en quelques jours, est ici maintenu à des niveaux plus importants grâce à l’organoïde. Ce maintien prolongé d’une mobilité efficace des spermatozoïdes pendant quelques jours n’a en lui pas d’intérêt clinique direct, mais il est le témoin que nous arrivons à reproduire un environnement plus favorable pour les gamètes. Grâce à notre travail, ce sont les conditions de préparation et de culture des spermatozoïdes et des embryons pour la PMA qui pourraient être améliorées.
Désormais, nos travaux portent sur l’analyse des sécrétions produites par les organoïdes. D’une part, elles expliqueraient cet effet favorable sur la mobilité des spermatozoïdes et d’autre part, les sécrétions ont également un rôle dans les premières étapes de développement de l’embryon. Ces organoïdes sont très prometteurs en médecine de la reproduction car ils vont nous permettre d’étudier pour la première fois les interactions précises qu’il existe entre les spermatozoïdes, les ovocytes, les embryons et la paroi des trompes de Fallope.
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