Togo/Édito-réponse: Informer, ce N’Est pas Choisir un Camp

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Togo/Édito-réponse: Informer, ce N’Est pas Choisir un Camp
Togo/Édito-réponse: Informer, ce N’Est pas Choisir un Camp

Africa-Press – Togo. _« Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour le journaliste, en raison du droit que le public a de connaître. »_

L’éditorial du journal La Nouvelle République, paru ce jeudi 4 septembre 2025 sous le titre

« Journalisme togolais: la pluralité des angles n’est pas un crime », est arrivé à peine une heure après la publication de notre propre édito « Journaliste togolais: la ligne éditoriale n’est pas le déni de la réalité ». Preuve que notre interpellation a touché juste. Notre objectif n’est pas d’attaquer, mais de rappeler que les dérives du métier méritent d’être recadrées.

Le titre même « journalisme togolais » dans cette réponse pose en soi un problème sérieux. Existe-t-il un journalisme togolais, français ou américain? Non. Le journalisme est universel. Ses règles déontologiques sont les mêmes partout. Parler d’un « journalisme national », c’est réduire un métier noble à une pratique locale, soumise aux humeurs d’un contexte politique. C’est reconnaître implicitement que certains journalistes se laissent enfermer dans leur réalité immédiate, incapables d’élever leur pratique au niveau des standards internationaux qui fondent la crédibilité de la presse.

Sur le fond, oui, chaque média a la liberté de choisir son angle. C’est même une règle élémentaire du journalisme: traiter un même fait sous des facettes diverses. Mais l’angle n’autorise jamais à occulter délibérément une partie substantielle de la réalité. Là réside le cœur du problème. Quand l’angle se réduit à prendre le contre-pied systématique de l’autre, il ne devient plus ligne éditoriale, mais déni de réalité.

Le 30 août, deux faits objectifs coexistent:

une présence massive de forces de sécurité verrouillant quartiers et leaders politiques ;

une absence de foule dans les rues de Lomé et de l’intérieur du pays.

Le journalisme exige que ces deux faits soient rapportés avec équilibre, sans privilégier l’un au détriment de l’autre. Mettre en avant « l’échec de la manifestation » tout en taisant le verrouillage militaire, ce n’est plus un choix d’angle: c’est un travestissement de la réalité. Or, travestir les faits n’est pas une option professionnelle, c’est une faute déontologique.

Comparer cette situation aux Gilets jaunes en France est une erreur méthodologique flagrante. Là-bas, les médias ont montré les violences, la colère et l’essoufflement, mais aucun média sérieux n’a nié l’existence des manifestations. Ici, nous ne sommes pas dans un simple choix d’angle, mais dans la négation d’un élément central du fait.

Pire encore, écrire que « si la mobilisation avait été massive, aucun barrage n’aurait suffi… » relève de la spéculation politique, non de l’analyse journalistique. Le journaliste n’est pas chargé d’imaginer ce qui aurait pu être, mais de rapporter ce qui a été. La frontière entre information et militantisme est ici allègrement franchie.

Enfin, un média qui épouse trop visiblement les couleurs d’un parti au pouvoir perd sa légitimité à informer. Le public n’est pas naïf, lorsque l’équilibre cède la place à la propagande, la confiance disparaît. Et sans confiance, il n’y a plus de presse ; il ne reste que communication.

Rappeler aux journalistes que leur mission n’est pas de conforter une version officielle mais de restituer les faits dans leur complexité, ce n’est pas « tirer sur l’homme de plume ». C’est défendre la profession contre elle-même. Car sans vérité, la liberté de la presse n’est qu’un slogan.

Enfin, qu’un journal né dans la confusion des réformes constitutionnelles, portant le nom du contexte qui l’a vu naître (Nouvelle République), et adoptant les couleurs mêmes du parti contesté, vienne, sous couvert « d’angles journalistiques », se présenter comme une presse indépendante, pose une question essentielle: ce média a-t-il réellement la légitimité d’informer, ou encore de donner des leçons de journalisme? La dérive est profonde. Derrière une communication flatteuse se cache une rhétorique partisane. Le talent d’une agence de communication peut séduire et tromper, mais il ne suffit pas à faire du journalisme. Il n’est jamais trop tard, toutefois, pour retrouver le chemin de la presse véritable.

Ricardo Agouzou

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