Africa-Press – Togo. Coups d’État, remaniements politiques, fermetures de frontières ne sont pas sans conséquences sur ce secteur si crucial.
Le trafic nord-sud entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe représente plus de 50 % du total avant même l’activité en sous-région vers la Guinée ou la Côte d’Ivoire. Viennent ensuite les dessertes de l’Asie et de l’Amérique, une activité détenue à 80 % par les compagnies étrangères, nous explique Ibra Birane Wane, directeur général d’Arc en Ciel Airlines et d’Avico à Dakar. Ce bon connaisseur de l’Afrique aérienne, qui nous a aidés à dresser cet état des lieux, a été directeur à Paris d’Air Sénégal quand cette compagnie associait l’État sénégalais, actionnaire, avec Royal Air Maroc, opérateur. Malgré la croissance fulgurante (jusqu’à 17 fréquences par semaine vers la France en 2004), le partenariat a souffert de malentendus entre un État actionnaire et un acteur privé, mais aussi entre des citoyens et des sujets du roi.
Aujourd’hui, seule Air Sénégal SA dispose d’avions long-courriers, même si ses A330 ne sont pas encore certifiés pour traverser l’Atlantique. Un sous-affrètement à une compagnie portugaise est alors nécessaire pour assurer ces vols à la rentabilité incertaine. Air Côte d’Ivoire a passé commande en octobre dernier de deux A330neo livrables à la fin de l’année et début 2025, pour s’attaquer au long-courrier.
Outre les vols directs vers l’Europe, les dessertes passent par Casablanca, le hub de Royal Air Maroc, le plus grand transporteur vers l’Afrique subsaharienne, qui y propose aussi des connexions vers l’Amérique et l’Asie en concurrence avec les vols d’Air France via Roissy-CDG. Air Algérie se lance aussi sur cette offre de hub. Hamza Benhamouda, nouveau président-directeur général d’Air Algérie, a été nommé le 7 février. C’est un habitué du secteur aérien. Jusqu’à sa désignation, il dirigeait l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC), où il était en poste depuis juin 2022. Mais le pays manque d’un trafic touristique nécessaire pour optimiser le fonctionnement d’un hub. Parmi les destinations africaines désormais accessibles depuis Paris grâce à Air Algérie, on compte Johannesburg (Afrique du Sud), Dakar (Sénégal), Nouakchott (Mauritanie), Addis-Abeba (Éthiopie), Douala (Cameroun), Bamako (Mali) et Ouagadougou (Burkina Faso).
L’Est plus que le Sud
Tunisair aurait pu jouer un rôle de pivot entre l’Afrique et l’Europe, mais la compagnie, soumise aux aléas politiques, est actuellement moribonde. La vraie concurrence vient de l’Afrique de l’Est avec Ethiopian Airlines, une compagnie modèle qui joue dans la cour des grands, comme Emirates à Dubaï et Qatar Airways à Doha. Ethiopian réussit à se développer dans un pays communiste en guerre. L’État nomme les dirigeants, choisis dans la pépinière de cadres de la compagnie. La stabilité est assurée, car l’État ne se mêle pas de la gestion interne et il n’y a pas débat entre bon sens et interventionnisme. Conséquences, Ethiopian Airlines affiche des standards qui lui permettent d’adhérer à Star Alliance, l’association commerciale dont les piliers sont Lufthansa, United et Air Canada. Pendant le confinement, Addis-Abeba a été choisie par l’OMS comme base pour distribuer masques et vaccins grâce aux avions de passagers d’Ethiopian qui avaient été adaptés au transport de fret léger.
South African Airlines aurait pu être un opérateur concurrentiel. Mais cette compagnie qui a compté jusqu’à 50 avions et même 30 B747, mal gérée, opère aujourd’hui quatre appareils et vit sous la protection du chapitre 11. Air Austral, à La Réunion, bat de l’aile et peine à maintenir un accès à l’Asie. Air Mauritius, à Maurice, n’est pas en meilleure santé et sa desserte de Paris survit grâce au partenariat avec Air France. Quant à Madagascar, l’État a jeté l’éponge face au déficit chronique de la compagnie nationale, qui s’est repliée sur les dessertes domestiques, abandonnant à Qatar Airways et Emirates l’accès à l’international. Un état des lieux à resituer dans le contexte malgache de corruption endémique…
La sortie du Niger, du Burkina Faso et du Mali de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est un véritable Brexit aux conséquences multiples, notamment pour le transport aérien. Toute fermeture d’aéroport ou de liaison aérienne est une catastrophe pour les diasporas. Ainsi Bamako au Mali était la troisième destination vers la France après Dakar et Abidjan. Seuls les vols directs vers Paris de Corsair restent autorisés, car la compagnie n’affiche pas le mot « France » dans son pavillon. Mais cet opérateur est à la recherche de financement et se tournerait vers la République du Congo. Est-ce compatible avec la trilogie actuelle ? Par ailleurs, des compagnies aériennes desservant Niamey ne peuvent plus embarquer de passagers français, ce qui interdit les dessertes via Casablanca ou via Bruxelles.
Respect des créneaux horaires
L’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) note dans son dernier rapport annuel le non-respect des créneaux horaires de la part des compagnies qui desservent l’aéroport Blaise-Diagne à Dakar. À l’arrivée, les vols ont ainsi enregistré un retard moyen d’environ 22 minutes, quand ce retard est d’une « cinquantaine de minutes » au départ, « toutes compagnies confondues », souligne le rapport.
Ces retards, qui ne sont pas propres à Dakar, sont une conséquence indirecte du Covid. Lors du confinement, les sociétés aéroportuaires et les compagnies aériennes ont licencié une partie de leur personnel. Conséquence, une perte de compétences n’a pas été compensée par des formations aux métiers de l’aérien. Ainsi, toute la chaîne est impactée, de l’enregistrement des passagers à l’embarquement des avions, les minutes perdues s’accumulent chez les sous-traitants et retardent le décollage.
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