Africa-Press – Togo. Le Front « Touche Pas À Ma Constitution », regroupant plusieurs partis politiques et organisations de la société civile, a tenu une conférence de presse ce mercredi au siège du Parti des Togolais à Lomé. L’objectif: dénoncer avec véhémence l’adoption forcée d’une nouvelle Constitution par le régime de Faure Gnassingbé et appeler à une mobilisation générale pour défendre la légalité républicaine.
Une Constitution imposée « par la force »
Les orateurs ont fustigé ce qu’ils qualifient de « coup d’État constitutionnel », soulignant que la révision du 3 mai 2025, adoptée sans référendum, viole les principes fondamentaux de la démocratie. « Seul le peuple, par voie référendaire, peut légitimement remplacer une Constitution », ont-ils martelé, en citant l’article 144 de la Constitution de 1992, qui limite le rôle du Parlement à des
« révisions » et non à un remplacement intégral.
Le Front affirme que la prétendue « 5e République » est un « mirage institutionnel »
, et que la seule Constitution valable reste celle issue du référendum de 1992. « Cette manœuvre vise à consolider un pouvoir monarchique, avec un président du Conseil concentrant tous les pouvoirs », a-t-il été dénoncé.
La défecton de l’ex-ministre Gnakadé, un « séisme politique »
L’un des temps forts de la conférence a été l’hommage rendu à Madame Essossimna Marguerite Gnakadé, ancienne ministre des Armées, qui a publiquement rompu avec le régime. Son témoignage accusant Faure Gnassingbé d’être
« l’architecte d’un système fondé sur la peur et l’impunité » a été salué comme un acte de
« bravoure patriotique ».
« Son courage prouve que le régime n’est plus invulnérable. D’autres cadres doivent la suivre », a lancé un porte-parole du Front, appelant la CEDEAO, l’Union Africaine et la communauté internationale à réagir face à la « dérive autoritaire »togolaise.
Un appel à la mobilisation générale
Le mouvement a exhorté les Togolais à « désobéir » à une autorité jugée illégitime, en invoquant l’article 150 de la Constitution de 1992. « Le moment est venu de transformer l’indignation en action », ont-ils clamé, annonçant des actions de résistance civile et des plaidoyers auprès des instances régionales.
Pour rappel, certains partis de l’opposition et des Organisations de la Société Civile avaient également appelé à la « résistance nationale » lors d’un meeting organisé le 4 avril dernier à Akassimé.
Ci-dessous l’intégralité de la déclaration liminaire du front « Touche Pas À ma Constitution »
Touche Pas A Ma Constitution
Conférence de presse – Lomé 7 Mai 2025
L’HEURE DE LA RÉSISTANCE NATIONALE A SONNÉ
Mesdames et Messieurs les journalistes, chers compatriotes,
Ce 3 mai 2025, le régime de Faure Gnassingbé a commis l’ultime sacrilège contre la souveraineté populaire togolaise.
En imposant cette prétendue nouvelle Constitution par la force, envers et contre tout, et surtout contre le peuple togolais, Monsieur Faure Gnassingbé ne plonge pas simplement le Togo dans un désordre institutionnel, mais aussi, il déchire le contrat social fondamental entre le peuple et l’État. Aujourd’hui, deux Constitutions s’affrontent: celle que les Togolais ont plébiscitée à 98%, expression sacrée de leur volonté souveraine, et celle qu’un régime aux abois tente désespérément d’imposer par la contrainte.
Les principes universels du Droit constitutionnel sont pourtant limpides: seul le Référendum Constitutionnel représente l’Acte Juridique souverain par lequel un peuple se donne librement une nouvelle Constitution. C’est l’expression du « Pouvoir Constituant Originaire » qui transcende les institutions existantes, y compris l’Assemblée nationale. Les députés peuvent certes amender certains articles constitutionnels, mais jamais — et sous aucun prétexte — s’arroger le droit sacré de remplacer une Constitution entière par une autre.
En effet l’article 144 de la constitution du 14 octobre 1992 inséré sous le Titre XIII, intitulé « DE LA REVISION », parle clairement, du projet ou de la proposition de révision.
Selon le Petit Robert, la révision, c’est « l’action d’examiner de nouveau en vue de corriger ou de modifier. »
Le mot « Révision » a pour synonymes: amélioration, correction, reconsidération, rectification, réforme, remaniement….
Ainsi donc, parlant d’un document, une correction ou une modification précédée d’un examen, n’équivaut nullement à un changement complet ou à un remplacement du document original par un autre document différemment confectionné: il s’agit là soit d’une falsification, soit d’une contrefaçon.
Ainsi donc, le pouvoir de révision constitutionnelle conféré par la Constitution du 14 octobre 1992 à l’Assemblée nationale ne donne pas le droit aux députés de jeter une constitution, pour mettre une autre à sa place: seul le peuple, détenteur de la souveraineté nationale peut remplacer une constitution par une nouvelle autre à travers un référendum.
Par conséquent, la vérité juridique est implacable: le Togo n’est sous aucune « 5ème République » puisqu’aucun référendum constitutionnel n’a été organisé depuis l’établissement de la IVème République. Cette prétendue nouvelle République est donc un mirage institutionnel dépourvu de tout fondement légitime.
Face à cette usurpation, rappelons avec force que la Constitution en vigueur au Togo demeure celle issue du référendum du 27 septembre 1992. Et cette Constitution, en son article 150, ordonne à chaque Togolais de « désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime ». Ce n’est pas simplement un droit — c’est le plus sacré des devoirs civiques ! Car selon cette même Constitution, « tout renversement du régime constitutionnel est considéré comme un crime imprescriptible contre la Nation. »
Comment accorder le moindre crédit à un homme qui prête serment sur une Constitution qu’il vient précisément d’assassiner?
En installant Jean-Lucien Savi de Tové, opportunément sorti de sa retraite, dans une fonction présidentielle vidée de sa substance ; en sélectionnant délibérément une figure taillée pour ne jamais lui faire de l’ombre ; en orchestrant ce chaos constitutionnel sans précédent ; le régime concentre entre les mains d’un seul homme — le président du Conseil — les pouvoirs jusqu’alors répartis entre le président de la République et le Premier ministre. Cet excès de pouvoir, Faure Gnassingbé envisage de le conserver à vie.
Cette dérive monarchique est un affront à tout l’héritage démocratique pour lequel nos pères et nos mères ont versé leur sang face aux colons. Malgré l’arrogance affichée par le pouvoir, ses fondations se fissurent.
Oui, la citadelle du pouvoir s’effondre de l’intérieur !
En prenant courageusement position contre cette mascarade, Madame Essossimna Marguerite GNAKADE, ancienne ministre des Armées du Togo, vient d’ouvrir une brèche historique dans ce régime que l’on croyait monolithique. Cet acte revêt également une valeur considérable, parce qu’il est posé à la veille de la finalisation des institutions de la prétendue V[e] République rejetée par le peuple.
Le Front « Touche Pas À Ma Constitution » salue avec respect cet acte de bravoure patriotique.
En dénonçant avec force ce qui la révoltait depuis trop longtemps, elle accomplit son devoir le plus noble de citoyenne. Les maux qu’elle dénonce sont précisément ceux que nous combattons depuis longtemps. Cependant, compte tenu de son statut d’ancienne ministre des Armées et de sa proximité personnelle avec le pouvoir, sa prise de position résonne comme un séisme politique.
Il est important d’attirer l’attention de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union Africaine et de la communauté internationale plus globalement, sur le fait que l’ancienne ministre a décrit Faure Gnassingbé comme l’« architecte d’un système fondé sur la peur et l’impunité. Il écrase toute voix dissidente par l’intimidation, la violence, les arrestations ou l’exil. »
C’est un système qui bafoue les droits fondamentaux de l’Homme, portant ainsi atteinte à la dignité et à la valeur de la personne humaine consacrées par la Déclaration universelle des Droit de l’Homme (DUDH).
Ce geste historique de l’ancienne ministre prouve que la forteresse du pouvoir que l’on présentait comme imprenable s’effrite désormais de l’intérieur.
Le Front « Touche Pas À Ma Constitution » appelle solennellement les cadres et militants du parti UNIR, et tous ceux qui gravitent autour du pouvoir, à rejoindre en masse cette exigence de vérité et de changement portée par le peuple togolais, à l’exemple courageux de Madame Gnakadé.
D’autres avant elle ont emprunté ce chemin de vérité, à l’instar de Dahuku Péré, Agbeyomé Kodjo et François Boko, mais le régime a su transcender la turbulence. Cette fois-ci, le contexte présente une gravité qui exige un sursaut national.
C’est pourquoi, le Front « Touche Pas À Ma Constitution » espère que Mme Gnakadé poursuivra jusqu’au bout ce nouvel engagement patriotique et l’encourage à persévérer sur cette voie sans retour possible.
Le Front « Touche Pas À Ma Constitution » appelle tous les défenseurs des libertés à amplifier l’écho de cet acte courageux, afin d’inspirer d’autres consciences à s’éveiller, à aller au-delà des murmures et à s’exprimer publiquement, puis à agir.
Le moment est venu de transformer notre indignation en mobilisation concrète et déterminée.
Ensemble, continuous ce combat sacré pour nos libertés et notre dignité et achevons notre mission historique, maintenant que les murs de la tyrannie se fissurent de toutes parts.
Que viennent les tyrans, ton cœur soupire vers la liberté !
Signataires:
ASVITTO – CAR TRANSITION – CODITOGO – DMP (CDPA, DSA, Le NID, LA RACINE, MJS, FDP, GAMESSOU, LES ADMIS, ALCADES) – LES DEMOCRATES – LIGUE TOGOLAISE DES DROITS DE L’HOMME – MOUVEMENT TOGO
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