Africa-Press – Togo. Le Togo depuis son indépendance est dans une sorte de pénombre. Oui, la nuit a été suffisamment longue depuis cette déclaration prémonitoire du premier président du Togo. Cette métaphore illustre bien la situation politique de notre pays depuis six décennies, que la violence imposée comme culture politique rythme la vie des togolais. À ce jour, aucune famille au Togo n’est épargnée.
De Lomé à Cinkassé, de Tchamba à Katchamba, dans chaque famille, il y a au moins une personne tuée pour des raisons politiques.
Depuis les événements dramatiques du 5 février 2005, suite à la macabre succession de Gnassingbé Eyadema père, par le fils Gnassingbé Faure, plusieurs évènements ont conduit à des dialogues assortis d ́accords politiques dont l’Accord Politique Globale (APG) en 2006. Cet accord censé poser les bases d’un renouveau démocratique dans notre pays a lui aussi échoué. Ainsi, le „plus jamais ça sur la terre de nos aïeux”, prononcé par Faure Gnassingbé à Atakpamé est resté malheureusement un vain mot. Comme le disait Abraham Lincoln, “on peut tromper une partie du peuple une partie du temps, mais on ne peut tromper tout le peuple tout le temps”. Ainsi, face aux promesses non tenues et l’illusion d’une prospérité aggravée par les incendies criminels de plusieurs marchés dont les vrais auteurs n’ont jamais été identifiés, le peuple ne croit plus aux promesses politiques. D’où le soulèvement du 19 août 2017 marqué par la mobilisation autour de la C14 qui a duré plus d’une année.
Malheureusement, le pouvoir de Faure Gnassingbé, non seulement, est resté inflexible, mais s’est plutôt mué en une monarchie clanique. Le Togo est devenu un pays de tous les paradoxes, du pouvoir absolu, où tout le monde est surveillé nuit et jour. C’est désormais un pouvoir qui ne cherche pas à servir mais à se perpétuer, avec des institutions sinistrées qui jugent les crimes de la pensée, falsifient la vérité, effacent les idées et menacent leurs porteurs. Ce pouvoir de père en fils au Togo n’hésite pas à briser ses victimes parfois jusqu’à la mort, comme ce fut le cas de David Bruce, Agbobli Atsutsè et d’autres anonymes; ou par la torture, aussi bien morale que physique, comme Claude Améganvi, Antoine Randolphe, Fovi Katakou,Apollinaire Mewènèssè, Karlos Kétohou, Ferdinand Ayité, Grace Bikoli Koumayi et bien d’autres. Ainsi, dans notre pays aujourd’hui, penser devient dangereux car, la liberté d’expression, la justice et la vérité ne sont plus des valeurs qui fondent le vivre-ensemble.
Le régime togolais est un totalitarisme abject, avilissant, fondé sur le principe du néo-paternalisme en violation de la souveraineté populaire. Ce qui oblige les esprits éclairés, soit à se taire où à s’exiler au risque de se retrouver dans la tombe. On dénombre des dizaines de prisonniers politiques dans notre pays malgré les condamnations de la cour de justice de la CEDEAO et des recommandations du groupe de travail de l’ONU pour certains. Ici, tout citoyen de l’intérieur ou de la diaspora, journaliste ou syndicaliste, élève ou étudiant, ingénieur ou médecin, zémidjan ou homme politique; pour avoir répondu à un appel à une manifestation politique de l’opposition, ou pour avoir osé donner son opinion à travers un poème comme Affectio, ou pour avoir osé dire non à l’injustice comme Aamron, peut être accusé de crime de lèse-majesté. Même les petits enfants sont victimes de cette entreprise funeste. On peut citer les cas des jeunes Anselme Sinandare 12 ans, et Douti Sinalengue 16 ans, à Dapaong, le petit Yacoubou de 9 ans à Mango, le jeune Agoro 16 ans, en classe de 4e à Bafilo, le jeune mécanicien Moufidou 12 ans à Agoè, le petit Jojo Zouméké à Bè Gagboto à Lomé, tué alors qu’il revenait de l’école. Le dernier en date sur cette longue liste est l’élève Jacques koutoglo, retrouvé sans vie dans la lagune de Bè avec 6 autres Togolais lors des manifestations des 26, 27 et 28 juin 2025, alors qu’il venait d’être admis au BEPC.
Comme on peut le constater, le Togo reste cette exception en Afrique de l’Ouest qui brille dans ses contradictions et incohérences socio-politiques. Avec la palme de premier coup d’Etat meurtrier suivi de toutes les formes de violences politiques. Il est à préciser que la violence politique au Togo repose essentiellement sur la répression policière, les assassinats politiques et des purges militaires marquées par le silence d’une justice aux yeux bandés. Une justice en lambeaux, gangrenée par la corruption, les abus de pouvoir et d’autorité, une justice atypique et singulière qui viole ses propres valeurs. Plus grave, on a volontairement rendu caduque la constitution de la 4ème république pour imposer une république totalement hémiplégique avec une nouvelle constitution en violation de tous les principes républicains.
Sans se voiler la face, il est impérieux de reconnaître au regard de l’environnement socio-politique depuis plusieurs décennies que le Togo a touché le fond. Dès lors, il faut un sursaut collectif pour restaurer la république. Dès lors, tous les fils et filles de la nation, civils comme militaires, doivent se mettre ensemble pour œuvrer chacun en ce qui le concerne, afin de mettre définitivement fin à ce système politique ubuesque. En effet, à travers les multiples discussions politiques depuis l’Accord Cadre de Lomé en 1999, l’APG en 2006, le dialogue sous l’égide de la CEDEAO, assorti de la feuille de route du 31 juillet 2018 et la CNAP en 2022, ainsi que le CPC qui en est l’émanation, beaucoup de togolais ont espéré en vain qu’une place importante devrait être accordée à l’apaisement politique et à la réconciliation nationale pour un nouveau départ et un renouveau démocratique.
Malheureusement l’histoire politique de notre pays nous renseigne que, depuis les évènements de 2005 à ce jour, les recommandations de la CVJR, et des ateliers de HCRRUN, de même que les promesses de libération des prisonniers politiques à la veille du dernier dialogue sous l’égide de la CEDEAO du 19 février 2018 par le chef de l’État, ont laissé un goût d’inachevé.
Ainsi, prétendre que dans notre pays aujourd’hui, l’on peut renouer avec les principes démocratiques calqués sur les institutions actuelles, somme toutes taillées sur mesure et totalement dévoyées, inféodées et aux bottes d’une monarchie déguisée en 5ème république, c’est se faire une véritable illusion. Ce qui explique le désaveu total exprimé à plus de 70% des togolais vis-à-vis de la classe politique, toutes tendances confondues, lors des dernières joutes électorales de 2024 et de 2025.
Aussi, depuis le 6 juin 2025, la jeunesse vaillante du Togo sous la direction du M66 a pris ses responsabilités pour un changement total et sans condition de tout le système de gouvernance de notre pays. À cette initiative de M66, il faut ajouter l’appel de Mme Marguerite Essosimna Gnakade à l’endroit des Force de Défense et de Sécurité (FDS) à se joindre au peuple. Cet appel vient s’ajouter à celui de tous les leaders de l’opposition et de la société civile conformément à l’article 150 de la constitution de 1992, dont les articles 52, 59 et 144 ont été violés lors de la mise en place de la constitution de la 5ème république; ce qui constitue un coup de force au sens de l’article 150 de cette constitution.
Dès lors, en toute responsabilité, il faut comprendre que le temps est venu de briser ce cycle de violence dû à cette volonté de confiscation du pouvoir d’État. Ce régime a transformé, des décennies durant, le champ politique en un champ de guerre de tranchées et de haine, a porté atteinte à la cohésion sociale de notre pays.
Après les manifestations de ce 30 août 2025, le constat est que le peuple ne semble pas être préparé et organisé dans une structure autour d’un leadership programmatique , alors que le pouvoir a sa machine de répression bien huilée, accompagnée des groupes d’auto-défenses désormais légalisés.
Sauf que le centre de gravité de la contestation a changé aujourd’hui avec l’entrée en action des anciennes militantes des “femmes FAT” et les enfants des officiers, comme ce fut le cas à Madagascar en 2009 qui a conduit à la chute de Marc Ravalomanana.
Comme on le voit, la jeunesse refuse d’être convertie en applaudisseur et décide de prendre le devant et plus rien ne peut l’arrêter. Ce qui reste aujourd’hui, c’est qu’au-delà d’une convergence des mécontentements et des contestations, il faut une fédération de toutes les énergies à travers une structure bien définie élargie à toutes les forces vives de la nation.
OURO-AKPO Tchagnaou président du mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix LDP.
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