Africa-Press – Togo. La prestation de serment de Faure Gnassingbé en tant que président du Conseil des ministres marque une rupture historique dans l’architecture institutionnelle du Togo. Avec la promulgation de la nouvelle Constitution en mai 2024, le pays bascule officiellement dans un régime parlementaire. Mais derrière ce changement institutionnel se profile une transition controversée, inspirée en partie du modèle italien, mais lourdement teintée de calculs politiques.
Sur le papier, la réforme togolaise s’apparente à celle d’un système parlementaire classique, à l’instar de l’Italie: un président de la République au rôle symbolique, une concentration des pouvoirs exécutifs entre les mains d’un président du Conseil, équivalent d’un Premier ministre issu du parti majoritaire au Parlement. Le chef de l’État n’est plus élu au suffrage universel, mais désigné de manière indirecte. Cette configuration vise, en théorie, à stabiliser la gouvernance en limitant les affrontements présidentiels-parlementaires.
Mais la comparaison s’arrête là. En Italie, le président du Conseil est nommé par le président de la République, qui joue un rôle d’arbitre en cas de crise. Le multipartisme y est vivace, les alternances fréquentes, et la presse libre. Le Togo, lui, reste marqué par un hyper-présidentialisme héréditaire et une opposition muselée.
La réforme togolaise présente toutefois quelques avancées. Le passage au régime parlementaire pourrait, à terme, renforcer la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée, permettant une meilleure articulation entre législatif et exécutif. La fin de la concentration des pouvoirs entre les mains d’un président omnipotent, si elle se traduit réellement dans les faits, pourrait également favoriser un fonctionnement plus collégial de l’État.
Autre progrès: la programmation des élections municipales pour le 10 juillet prochain. Celles-ci pourraient raviver l’intérêt citoyen pour la gouvernance locale, surtout si les partis de l’opposition y participent pleinement, contrairement aux législatives et sénatoriales récentes, largement boycottées.
Le principal reproche que soulève cette réforme est qu’elle a été taillée sur mesure pour prolonger la longévité politique de Faure Gnassingbé. Chef de l’État depuis 2005, il aurait dû, selon l’ancienne Constitution, se retirer à l’issue de son dernier mandat en 2025. Or, cette nouvelle configuration lui permet de rester à la tête de l’exécutif, sans passer par les urnes. La suppression du poste de Premier ministre et la fusion des fonctions dans celle de président du Conseil verrouille davantage encore le pouvoir entre les mains du parti Unir.
Autre sujet d’inquiétude: l’absence d’accréditation pour les médias étrangers lors des élections de 2024, les scores soviétiques d’Unir (108 députés sur 113), et l’effacement institutionnel de l’opposition. Ce contexte fragilise fortement la crédibilité de la réforme et laisse penser qu’il s’agit moins d’un progrès démocratique que d’une dérive monarchique à peine voilée.
Le passage au régime parlementaire est une étape importante dans l’histoire politique du Togo. Il aurait pu symboliser une volonté de moderniser les institutions et d’ancrer davantage le pays dans une culture démocratique pluraliste. Malheureusement, les conditions d’adoption de la réforme, le contrôle absolu du pouvoir par un seul homme et le déficit de transparence en sapent la portée. Le Togo n’a pas (encore) suivi l’exemple italien ; il semble plutôt avoir trouvé un moyen de prolonger une dynastie sous une nouvelle façade constitutionnelle.
Pierre Laverdure OMBANG
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Togo, suivez Africa-Press