Handicap et Sorcellerie: le Fardeau des MèRes au Togo

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Handicap et Sorcellerie: le Fardeau des MèRes au Togo
Handicap et Sorcellerie: le Fardeau des MèRes au Togo

Africa-Press – Togo. Au Togo, comme dans plusieurs pays d’Afrique, la naissance d’un enfant handicapé continue d’être perçue comme une malédiction, exposant les mères à des persécutions familiales parfois extrêmes.

Depuis le pays voisin où elle a trouvé refuge après avoir fui le Togo, Adjovi raconte son histoire les larmes aux yeux. Cette mère de famille togolaise a dû abandonner sa maison conjugale il y a quelques mois, emportant avec elle son fils né avec des malformations physiques. La raison? Sa belle-famille l’accusait de sorcellerie et la tenait pour responsable du handicap de l’enfant.

« Dès que mon fils est né, tout a changé dans la famille. Ma belle-mère disait que j’avais jeté un sort sur l’enfant, que c’était ma faute », confie-t-elle, berçant tendrement son enfant. « Les menaces ont commencé, puis les insultes quotidiennes. Un jour, mon beau-frère m’a dit qu’il fallait que je parte ou qu’il me ferait du mal. »

Face à cette situation de plus en plus menaçante, Adjovi avait tenté de solliciter l’aide des forces de police. Mais sa démarche s’était soldée par une nouvelle déception: « Les policiers m’ont dit que pour ce genre de problèmes, c’était compliqué pour eux d’intervenir et que cela dépassait parfois leur compétence », se souvient-elle avec amertume. Cette réponse avait achevé de la convaincre qu’elle devait se mettre à l’abri par ses propres moyens.

Un fléau qui perdure

Le cas d’Adjovi n’est malheureusement pas isolé. Au Togo, et plus largement en Afrique subsaharienne, les croyances traditionnelles associent encore fréquemment le handicap à des pratiques occultes ou à des malédictions familiales. Les femmes, considérées comme les « porteuses » de ces supposés malheurs, deviennent les boucs émissaires de familles en quête d’explications face au handicap.

Selon les associations de défense des droits des personnes handicapées, des dizaines de femmes subissent chaque année des violences psychologiques et physiques, voire l’exclusion pure et simple de leur foyer. Beaucoup sont contraintes à l’exil, abandonnant parfois leurs autres enfants pour protéger celui né avec un handicap.

« C’est un phénomène répandu mais dont on parle peu », explique une responsable d’ONG locale qui préfère garder l’anonymat. « Ces femmes vivent un double traumatisme: celui d’avoir un enfant différent qui nécessite des soins particuliers, et celui d’être rejetées par leur propre famille. »

Entre ignorance médicale et poids des traditions

Cette stigmatisation trouve ses racines dans plusieurs facteurs. L’insuffisance de l’information médicale dans les zones rurales entretient les superstitions autour des causes du handicap. Les explications scientifiques – facteurs génétiques, complications lors de la grossesse ou de l’accouchement, infections – restent méconnues d’une partie de la population.

Le poids des traditions et des croyances ancestrales renforce également ces mécanismes d’exclusion. Dans certaines communautés, la naissance d’un enfant handicapé est interprétée comme le signe d’une transgression spirituelle ou d’une malédiction qui pèse sur la lignée familiale.

Un exil forcé vers l’incertain

Comme Adjovi, nombre de ces femmes se retrouvent contraintes de quitter leur région, voire leur pays, pour échapper aux persécutions. Certaines trouvent refuge chez des proches dans d’autres villes, d’autres traversent les frontières vers le Ghana, le Bénin ou le Burkina Faso, espérant y trouver la paix.

« Je n’avais pas le choix », poursuit Adjovi depuis son exil. « Mon mari ne me défendait pas face à sa famille. J’avais peur pour mon fils et pour moi. J’ai dû quitter mon pays, mais au moins nous sommes en sécurité maintenant. »

Cette situation précaire expose ces mères et leurs enfants à de nouveaux défis: difficulté d’accès aux soins de santé, problèmes de scolarisation, précarité économique. Sans réseau familial ni soutien institutionnel, elles doivent reconstruire leur vie dans des conditions particulièrement difficiles.

Un appel au changement des mentalités

Les organisations de défense des droits humains appellent à une sensibilisation accrue de la population et à un renforcement de l’accompagnement des familles touchées par le handicap. Elles plaident également pour une meilleure formation du personnel médical et une amélioration de l’information sur les causes réelles du handicap.

« Il faut briser ces tabous et ces superstitions », insiste un militant associatif. « Le handicap n’est la faute de personne. Ces enfants et leurs mères ont droit à la protection et à la dignité, pas à l’exclusion et aux persécutions. »

En attendant, Adjovi continue de se battre seule pour offrir à son fils les soins dont il a besoin. Son histoire, comme celle de tant d’autres femmes, témoigne de la nécessité urgente de faire évoluer les mentalités et de protéger les plus vulnérables de nos sociétés.

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