Amnésie de Sébastien Chabal sur la Santé des Joueurs

4
Amnésie de Sébastien Chabal sur la Santé des Joueurs
Amnésie de Sébastien Chabal sur la Santé des Joueurs

Africa-Press – Benin. Plus aucun souvenir d’un seul de ses matchs. Pas plus que de la naissance de sa fille. Quelques souvenirs d’enfance mais dont il ignore s’ils sont vrais ou si on les lui a racontés. Sébastien Chabal, l’ancien international français de rugby de 2000 à 2011, célèbre pour sa carrure, sa pilosité faciale et ses plaquages virils, vient de livrer un témoignage perturbant dans l’émission « Legend » sur YouTube. « Oui, et très étonnant, commente auprès de Sciences et Avenir le professeur Xavier Bigard, médecin du sport. Pas totalement surprenant non plus compte tenu de la sévérité attendue et de la répétition élevée des commotions cérébrales subies par ce joueur qui ne semblent pas avoir été prises en charge médicalement. Mais, ne plus se souvenir d’aucun match, c’est assez unique. Cela montre à quel point il a été sévèrement touché et impacté lors de sa carrière. »

10% des sportifs ont déjà subi une commotion cérébrale

Pour choquant qu’il soit, le témoignage de cet ancien rugbyman de 47 ans, aujourd’hui consultant pour la chaîne Canal+, révèle à quel point la pratique intensive d’un sport de haut niveau a un impact à long terme sur la santé. Notamment en ce qui concerne les commotions cérébrales (CC) à répétition. Actuellement, les CC représentent près de 10% des traumatismes liés à la pratique d’un sport et un tiers d’entre eux touchent les jeunes pratiquants âgés de moins de 20 ans.

Bien évidemment, tous les sports ne sont pas logés à la même enseigne. Le danger n’est pas le même si vous pratiquez le hockey ou le karaté que le ping-pong… Mais, globalement, tous les sports impliquant des objets maniés (crosse), projetés (ballons) ou mobilisant des vitesses de déplacement élevées (équitation, VTT) sont à risque de CC.

Quand le cerveau percute un mur

Grossièrement, il y a commotion cérébrale lorsque le cerveau se cogne brutalement contre sa boîte crânienne. Imaginez, un joueur en pleine course. Soudain, un autre individu se dresse devant lui et l’arrête net dans son élan. Seulement, le cerveau, entrainé par l’inertie, poursuit sa course et s’écrase contre les parois du crâne. Dans ce cadre, le cerveau, c’est un peu le conducteur imprudent qui a oublié d’attacher sa ceinture et se fracasse contre l’habitacle intérieur lorsque sa voiture percute un mur. Répétez l’accident des dizaines (centaines?) de fois au cours d’une carrière et les dommages deviendront irréversibles.

« Notre cerveau est constitué de toutes sortes de cellules, pas seulement des neurones, explique Xavier Bigard. Lors d’un choc, il y a une altération de la fourniture d’énergie au sein de nos neurones. D’où le traumatisme. Et des neurones endommagés. »

Un des sports les plus surveillés médicalement

La plupart du temps, ces derniers retrouvent leur fonction après une période de récupération, variable selon les individus, et que la médecine estime à une huitaine de jours. Mais, si on omet cette étape, il y a danger. « Une seconde commotion cérébrale, après une première qui n’a pas récupéré, c’est-à-dire par-dessus des lésions métaboliques pas encore cicatrisées, aboutira à des commotions cérébrales encore plus sévères », ajoute le spécialiste.

Parce qu’il conduit une vingtaine de solides gaillards à se confronter vigoureusement pour la possession d’un talisman ovoïde, le rugby est l’un des sports collectifs les plus violents qui soit. Conséquence: c’est l’un de ceux occasionnant le plus de chocs entre joueurs et donc de CC. Avantage: à cause de cela, c’est devenu aussi aujourd’hui l’un des plus surveillés médicalement, tout autant que son homologue en virilité, le football américain, de l’autre côté de l’Atlantique.

Un impact traumatique très variable d’un sportif à l’autre

Pour autant, la violence du rugby peut-elle totalement expliquer l’ampleur des dommages cérébraux de Sébastien Chabal? D’autres joueurs tout autant physiques que lui ne semblent pas avoir récolté autant de séquelles neurologiques. C’est là qu’entre en jeu tout un ensemble de paramètres, dessinant un tableau clinique encore très flou et pas totalement élucidé par la science, qui tiennent de la génétique, de la physiologie du joueur, mais aussi de l’époque. « Tous les joueurs sont différents. Il existe une sensibilité, une variabilité, et une vulnérabilité individuelle vis-à-vis d’un impact commotionnel », précise Xavier Bigard.

De plus, Sébastien Chabal s’inscrit dans une période particulière dans le monde de l’ovalie. « Il est contemporain d’un changement drastique de contexte de jeu. Dans les années 60, 70, 80, le sport était complètement différent. C’était un rugby d’évitement, de débordement, avec beaucoup moins de contact, et donc moins de risques de commotions cérébrales. Seulement, à la génération suivante, dans les années 2000, on a assisté à un véritable changement de paradigme. Le jeu est devenu plus dur, plus physique. C’était limite s’il ne fallait pas perdre connaissance plusieurs fois au cours d’une saison pour être considéré comme un bon joueur… Quand on est sur le terrain et qu’on entend les chocs des contacts, ça fait froid dans le dos. C’est impressionnant. »

Prévention, diagnostic et suivi

Et s’il faut en croire Sébastien Chabal lui-même, les « pets au casque » pris à chaque match pouvaient être nombreux. Au point malheureusement d’en arriver à un stade où aucun souvenir n’en subsiste… « On ne peut pas continuer ainsi, continue le médecin. Parce que les joueurs, se démolissent. Ils se démolissent le cerveau mais également l’appareil locomoteur, les hanches, les genoux, les épaules. Il va falloir trouver des solutions. »

Pour le moment, ces solutions consistent essentiellement en de la prévention: savoir reconnaître une commotion dès qu’elle survient, sortir s’il le faut le joueur du terrain, le prendre en charge et le faire suivre par un médecin qualifié et formé pour ce genre de situations. Ce qui est encore trop rarement le cas, selon Xavier Bigard. D’un point de vue technique, des dispositifs comme les protège-dents se retrouvent maintenant connectés afin d’évaluer précisément l’intensité des impacts. De plus, »quand on serre le protège-dent, on rigidifie les muscles fixateurs de la tête et on amortit beaucoup plus l’impact », explique le médecin.

La piste des marqueurs biologiques

Ce qui constituerait un progrès certain serait de disposer de marqueurs biologiques fiables de la sévérité de la CC. Une goutte de sang, un extrait de salive, qui suffiraient pour évaluer immédiatement le traumatisme. Car, quand il subit un choc, l’organisme en souffrance émet des molécules de stress. Dénicher celles qui feraient de bons indicateurs biologiques est l’un des grands défis en médecine du sport aujourd’hui. Plusieurs sont à l’étude. Des cytokines, de petites protéines impliquées dans les processus inflammatoires. Mais aussi des molécules qui pourraient signaler quand les neurones ont subi un dommage. Et comme troisième piste, certains ARN messager circulants, qui seraient de bons indicateurs de stress.

Mais il y a peu de chances qu’il existe une seule molécule miracle. Comme le souligne Xavier Bigard, « il s’agit plutôt d’en trouver plusieurs qui permettront, en combinant leurs résultats, d’aboutir à un diagnostic. » Tout comme en rugby, c’est la force du collectif qui permettra de résoudre ce problème de santé publique…

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Benin, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here