Africa-Press – Benin. Au Bénin, la question du dialogue social cristallise des visions profondément divergentes entre les représentants syndicaux et le gouvernement. Tandis que l’Exécutif vante les avancées réalisées dans l’instauration d’un climat apaisé et la promotion d’une concertation responsable, les organisations syndicales dressent un tableau beaucoup plus sombre, dénonçant l’agonie, voire la mort de cet espace d’échanges.
Pour Anselme Amoussou, Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin), le dialogue social est tout simplement « mort » dans le pays. Une déclaration pour le moins fracassante prononcée lors de l’émission « De vous à nous » sur Peace Fm, le 25 mai 2025. Selon lui, les cadres institutionnels de concertation ne fonctionnent plus, et cette situation découle d’un manque manifeste de volonté politique. Les mécanismes censés réguler les relations entre l’État et les partenaires sociaux seraient devenus inopérants, vidant de sa substance la notion même de dialogue social. Une analyse partagée par Moudassirou Bachabi, Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), qui, sur le plateau de l’émission « Cartes sur table » d’Océan Fm le 8 juin 2025, a dressé un constat tout aussi sévère: « Le dialogue est totalement mal en point dans le pays parce que le gouvernement n’en voit pas l’utilité. Il ne croit pas au dialogue. » Pour lui, l’environnement politique actuel étouffe l’expression syndicale, réduite à une formalité sans véritable impact sur les décisions publiques. Cependant, le responsable syndical reconnaît que les faiblesses ne se limitent pas à l’action gouvernementale: « Les syndicats également ont leurs tares en ce qui concerne la qualité des débats. » La méfiance réciproque et l’absence de confiance entre les acteurs seraient, selon lui, à l’origine de l’impasse actuelle.
Une perception gouvernementale résolument positive
En contraste saisissant avec ces critiques, la ministre du Travail et de la fonction publique, Adidjatou Mathys, se veut rassurante et optimiste. Intervenant lors de l’émission consacrée au bilan des neuf années du régime en place, elle affirme que « le gouvernement promeut un dialogue social responsable ». Elle rappelle qu’avant 2016, les relations sociales étaient souvent marquées par des conflits ouverts, se traduisant par des grèves perlées à répétition qui paralysaient l’administration publique et privaient les citoyens des services de base. Depuis l’encadrement du droit de grève, assure-t-elle, le climat social se serait considérablement apaisé, favorisant un dialogue préventif et constructif. « Le gouvernement n’attend pas que les syndicats soient fâchés ou qu’ils fassent du bruit avant de résoudre les problèmes des travailleurs », déclare-t-elle, mettant en avant une posture proactive et attentive aux doléances exprimées.
Deux approches opposées mais qui peuvent se compléter
Face à ces constats contradictoires, les solutions avancées par chaque camp diffèrent, sans toutefois être irréconciliables. Du côté syndical, la priorité réside dans la restauration de la confiance entre les parties prenantes. Pour Moudassirou Bachabi, il est impératif de reconstruire un cadre d’échanges sincère, fondé sur l’écoute mutuelle et la considération des préoccupations des travailleurs, afin de sortir de la logique de défiance qui mine les relations sociales. Le gouvernement, quant à lui, mise sur la consolidation des acquis et l’instauration durable d’un dialogue préventif des crises, qui anticipe les tensions sociales au lieu de les gérer une fois déclarées. L’objectif affiché est de démontrer, de gouvernement en gouvernement, la capacité de l’État à résoudre les difficultés des travailleurs sans attendre des mouvements revendicatifs.
Gabin Goubiyi
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