Africa-Press – Benin. Le décor politique béninois s’anime à nouveau, au lendemain d’une décision qui sonne comme une fin de parcours pour le parti Les Démocrates. En se déclarant incompétente à connaître du recours introduit par la formation de Boni Yayi, la Cour constitutionnelle vient de clore, du moins provisoirement, le chapitre des espoirs d’un retour dans la course présidentielle.
Le président n’est pas un homme de concession…
Dans le sillage de cette décision, une rencontre est annoncée pour ce vendredi entre le président Patrice Talon et son prédécesseur Boni Yayi. Une rencontre qui, à première vue, suscite espoir et curiosité. Mais au fond, peut-elle réellement changer le destin politique des Démocrates?
Les expériences passées invitent à la prudence. L’histoire récente du Bénin regorge de ces face-à-face présidentiels qui, à défaut d’apaiser les tensions, ont souvent accouché de déceptions. Patrice Talon a déjà tendu la main à Nicéphore Soglo, puis à Boni Yayi lui-même, sans que ces gestes symboliques ne produisent d’avancées tangibles sur le plan politique.
En 2019, alors que le pays traversait une crise électorale majeure, plusieurs médiations avaient été initiées, toutes restées sans effet concret. Le pouvoir a continué sa trajectoire réformatrice, imperturbable, pendant que l’opposition sombrait dans ses divisions internes.
Le président n’est pas un homme de concession…
La rencontre de ce vendredi a peu de chances de changer le destin politique des Démocrates car Patrice Talon n’est pas homme à céder sous pression.
Devant la représentation nationale, dans son adresse sur l’état de la Nation, il a été sans équivoque: « Aucune supplication, aucun râlement, aucune menace ne nous fera reculer. Aucun compromis politique préjudiciable à notre développement ne sera concédé pour plaire à qui que ce soit ou pour satisfaire un quelconque consensus politique. »
Ces mots résument une philosophie de gouvernance. Le président Talon se conçoit comme une institution, un rempart contre ce qu’il appelle le « retour aux vieilles habitudes », un gardien d’un ordre républicain qu’il veut affranchi des compromis.
C’est donc dans cet état d’esprit qu’il recevra son hôte. Boni Yayi, lui, viendra sans doute avec la passion évangélique et l’émotion qui ont toujours caractérisé ses prises de position. Mais au-delà de l’émotion, le face-à-face entre les deux anciens alliés devenus adversaires politiques ressemble moins à une négociation qu’à une formalité républicaine.
Talon redira à son interlocuteur que le Bénin est un État de droit, où chaque institution agit selon son couloir, et qu’il n’est pas de son ressort d’interférer dans les décisions d’une Cour constitutionnelle souveraine. Il rappellera, avec ce ton ferme et professoral qu’on lui connaît, que la présidence n’est pas le siège des compromis politiques, mais celui de la continuité institutionnelle.
Les Démocrates doivent se garder d’illusions. La rencontre, si elle a lieu, ne leur rouvrira pas la voie vers la présidentielle. Elle ne changera ni la décision de la Cour, ni la posture d’un président qui s’est toujours présenté comme le gardien d’une réforme politique rigoureuse, parfois impopulaire, mais assumée. Elle n’aura, au mieux, qu’une portée symbolique: celle d’un dialogue entre deux figures majeures de la scène politique nationale, un échange pour désamorcer les tensions, maintenir la paix et sauver la face d’un parti en difficulté.
Le vrai enjeu de ce tête-à-tête dépasse d’ailleurs Les Démocrates. Il touche à la capacité du Bénin à entretenir une culture du dialogue, même dans les désaccords les plus profonds. Un dialogue qui, s’il ne change pas la décision des juges, peut au moins préserver la stabilité du pays et rappeler que la paix reste la première richesse d’une nation.
Mais pour qu’un tel dialogue ait du sens, il doit se nourrir de sincérité. Le Bénin n’a pas besoin de rencontres protocolaires ou d’échanges symboliques sans lendemain. Il a besoin d’un engagement clair de ses élites à dépasser les rancunes et les calculs, à replacer l’intérêt national au dessus des ambitions partisanes.
La rencontre de ce vendredi pourrait être l’occasion de ce sursaut. Elle pourrait aussi n’être qu’un nouvel épisode dans la longue série des dialogues manqués entre Talon et ses opposants. Tout dépendra de l’esprit qui l’anime.
Le pouvoir gagnerait à écouter et à faire preuve d’ouverture; l’opposition, à comprendre, sans se renier. Car au bout du compte, le Bénin a plus besoin de paix que de victoire politique. Et si cette rencontre pouvait, ne serait-ce qu’un instant, en rappeler la valeur, alors elle n’aura pas été vaine.
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