Infrastructures : « Pour équiper l’Afrique, il faut des solutions de financement hybrides »

Infrastructures : « Pour équiper l’Afrique, il faut des solutions de financement hybrides »
Infrastructures : « Pour équiper l’Afrique, il faut des solutions de financement hybrides »

Olivier Caslin

Africa-Press – Burkina Faso. LGV Kenitra-Marrakech, conseil sur le projet de Simandou, corridor routier au Congo… Le groupe français Egis travaille sur des dossiers d’infrastructures clés pour le continent. Son directeur régional, Arnaud de Rugy, met en avant la nécessité d’innover sur la question du financement.

Routes, autoroutes, voies ferrées, ponts, aéroports, hôpitaux, mosquées, stades… La liste des réalisations auxquelles a participé Egis sur le continent, à divers degrés, est aussi longue que diversifiée. Preuve d’un savoir-faire apprécié et reconnu, du Maroc à la Zambie et de la Guinée à Madagascar, pour le leader français du conseil, de l’ingénierie, de la construction et de l’exploitation, présent en Afrique depuis la fin des années 1940.

Né des cendres entre autres du Bureau central d’études pour les équipements en outre-mer (BCEOM), Egis perpétue une certaine tradition en apportant son expertise à quelques-uns des projets d’infrastructures parmi les plus importants du continent, dans un contexte de réchauffement climatique. Toujours détenu en partie par la Caisse des dépôts, Egis, qui a réalisé 1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023, a néanmoins pris un virage résolument international en 2021, notamment en direction d’un continent bien connu de ses experts, mais qui ne représente encore que 6 % de ses résultats.

Le groupe a d’ailleurs installé sa direction Afrique à Casablanca depuis octobre 2022, comme pour confirmer son ambition annoncée d’y réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros sur le continent. Un objectif atteint en 2024. Il faut dire aussi que le royaume est l’un des tout premiers clients de la société en Afrique, dans la foulée de sa politique très volontariste en matière de développement du transport ferroviaire. Après avoir participé à la réalisation du tramway de Casablanca, l’ingénieriste a été sélectionné en 2024 pour assister la maîtrise d’ouvrage des 430 km de l’extension de la ligne à grande vitesse Kenitra-Marrakech, attendue pour l’ouverture de la Coupe du monde de football en 2030.

Intéressée par toutes les questions de mobilité, la société intervient aussi dans les domaines du transport de marchandises et de la logistique. Ses ingénieurs conseillent ainsi depuis 2023 le gouvernement guinéen pour le projet d’exploitation du minerai de fer de Simandou, notamment sur ses versants portuaires et ferroviaires. Deux dossiers significatifs du développement des activités en Afrique, qu’Arnaud de Rugy, directeur régional depuis 2021, détaille pour Jeune Afrique.

Jeune Afrique: Comment résumez-vous la stratégie d’Egis, présent sur le continent depuis plus de soixante-dix ans ?
Arnaud de Rugy: Notre objectif est de soutenir le développement de l’Afrique, en participant à la réalisation des infrastructures nécessaires à la connexion de ses territoires, dans le contexte du réchauffement climatique. Depuis nos débuts sur le continent, nous définissons les schémas directeurs de transport ainsi que les corridors de développement. Nous avons aussi l’habitude de travailler avec les différents bailleurs et nous sommes donc capables d’accompagner les financements nécessaires à la concrétisation d’un projet. Le tout en tenant compte des spécificités de l’Afrique, dont certaines solutions propres pouvant être reproduites ailleurs.

L’un des manques les plus criants en matière d’infrastructures à travers le continent reste la faible connexion des ports avec leurs hinterlands. Comment Egis contribue-t-il à changer cette situation ?

Si les ports ont fait l’objet ces vingt dernières années d’investissements importants, il reste en effet à les connecter à leurs marchés intérieurs. C’est ce que nous avons fait au Congo. Le fret entre Pointe-Noire et Brazzaville a longtemps emprunté la voie des airs, avant que le gouvernement congolais lève des fonds auprès de la Chine pour financer la réfection de la route.

Egis a contrôlé les travaux et même pris l’exploitation, en 2019, de cette autoroute à péage, qui est aujourd’hui un bon exemple de connectivité réussie entre un port et son hinterland. Avec le retour du projet de pont « route-rail » entre Brazzaville et Kinshasa, la capitale de la RDC pourra également être connectée au port de Pointe-Noire et au-delà: au Cameroun et à son port de Kribi, via la route nationale 2. Il restera bien sûr à développer la connexion ferroviaire, mais là encore Egis sait faire et pourra apporter son expertise, comme nous le faisons en Guinée avec Simandou.

Justement, comment ce projet minier peut-il améliorer la desserte générale de la Guinée ?

Les autorités guinéennes ont immédiatement insisté pour que, depuis Simandou, un corridor voie le jour pour irriguer le sud du pays et répondre à ses multiples besoins. La ligne de chemin de fer doit donc assurer l’évacuation des minerais dans un premier temps, mais aussi à plus long terme le transport d’autres types de fret et même de passagers. Une fois en fonctionnement, à l’horizon 2026, l’infrastructure doit permettre le développement de toute cette partie du pays.

Les besoins de l’Afrique en infrastructures restent considérables. Quelle est la principale difficulté pour équiper efficacement le continent ?

La demande en infrastructures est en effet très importante, et il faut trouver les moyens d’en financer beaucoup plus. Les développements privés sont toujours bien plus onéreux que ceux qui sont publics, mais l’endettement des pays a des limites. Ainsi, il faut réussir à innover pour que les États ne soient pas étranglés par les financements ; c’est déjà un peu le cas avec les infrastructures portuaires ou énergétiques.

Pour le développement des corridors terrestres, c’est en revanche beaucoup plus difficile, et de nombreux projets n’aboutissent pas. Seuls les dossiers liés au secteur minier, comme Simandou ou Lobito, en Angola, ont jusqu’à présent démontré leur rentabilité. Il faut donc réfléchir à la mise en place de solutions de financement hybrides, comme en Guinée.

Source: JeuneAfrique

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