Africa-Press – Burkina Faso. Dans la ville de Bobo-Dioulasso, au secteur 1, quartier Faranka, Seydou Badolo, la cinquantaine, façonne le bois, tend la corde et sculpte la pointe. Fabricant d’arcs à flèche, il perpétue un savoir transmis de génération en génération. Depuis son enfance, il a appris à fabriquer, à la main, des arcs de flèches et des carquois. Aujourd’hui, il transmet à son tour ce savoir, et s’appuie sur un jeune vendeur qui l’assiste pour faire vivre ce métier devenu rare.
Il est 12h, mais dans la cour de Seydou Badolo, le travail est déjà presque terminé. Des copeaux de bois s’accumulent. Assis à même le sol, l’artisan tient fermement des morceaux de bois entre ses genoux. Avec une paire de ciseaux et un pot de colle, il semble assembler des pièces. À ses pieds, deux arcs à demi-finis, un carquois et une poignée de flèches attendent leur dernière touche. « C’est mon grand-père qui m’a tout montré quand j’étais enfant. Je le suivais partout, je posais des questions et c’est comme ça que j’ai su comment fabriquer tout ça », confie-t-il d’un ton calme.
C’est ainsi que l’homme qui a aussi appris la couture a préféré se consacrer à la fabrication d’armureries traditionnelles (flèches, carquois et arcs). « J’ai cousu un moment, j’ai fait de petits boulots mais mon cœur était ailleurs. Je voyais que ce que mon grand-père m’a laissé, ce n’est pas quelque chose qu’on devait laisser mourir. Alors j’ai repris, j’ai continué ce qu’il faisait », fait savoir l’archer.
Aujourd’hui, c’est dans la cour de sa maison, à Faranka, que l’artisan façonne ses pièces, une à une, à la main. Il fabrique en moyenne trois ensembles par jour composées d’arcs, de carquois et de flèches, selon la demande. Tout commence par le choix du bois. Il faut qu’il soit souple mais résistant. « Le bois de bambou et la peau de chèvre, c’est ce que j’utilise », indique l’homme qui se revendique être le seul à encore fabriquer des arcs à flèche dans la ville.
Des flèches pour protéger, pas pour blesser
Les arcs et flèches de Seydou Badolo ne sont pas des armes du mal. Ils sont symboliques, décoratifs, parfois utilisés pour protéger les maisons. « Il y a des gens qui achètent des flèches pour les placer chez eux. Ils disent que si les voleurs voient ça, ils hésitent à rentrer », explique-t-il d’un ton sûr. Il évoque aussi des pratiques anciennes, qu’il ne propose plus aujourd’hui. « Il y avait des flèches empoisonnées, mais moi je n’en fais pas. C’est dangereux. Si on ne t’explique pas comment faire, ça peut tuer. Moi j’ai choisi de rester simple. Le poison, si tu ne sais pas comment le manipuler, ça peut tuer et il n’y a pas toujours de remèdes. Même pour la chasse, si tu tires sur un animal, tu peux récupérer la viande et la manger tranquillement », souligne l’homme qui insiste sur le caractère symbolique de ses œuvres.
Une volonté de transmettre, un art en quête de soutien
Seydou a décidé de transmettre son savoir à son tour, comme il l’a reçu. À ses côtés, un jeune homme le regarde travailler et l’accompagne avec admiration. Salif Kaboré, la trentaine, est devenu au fil du temps plus qu’un simple assistant. Il est l’ambassadeur des arcs de Seydou dans les rues de Bobo-Dioulasso. « Je vais vendre pour lui. Je prends les arcs, les carquois et les flèches, je me promène dans les quartiers, dans les maquis, et je propose aux gens », raconte-t-il. Vif et débrouillard, Salif croit au potentiel du travail de Seydou. « Ce qu’il fait est unique. C’est en bois et fait à la main, sans machine. Les gens aiment ça. Parfois, ils achètent pour décorer leurs maisons, parfois pour faire des cadeaux ; tout dépend », ajoute le commercial des œuvres de Seydou. Salif confie qu’il a choisi de travailler ici avec son mentor, parce que sa cause est noble. Le fait de conserver un savoir traditionnel le motive au-delà de l’argent.
Seydou ne cache pas les difficultés qu’il rencontre. « Ce qui me manque, ce sont les moyens. Le bois coûte cher. Je n’ai pas un atelier fermé. Ici, quand il pleut, je dois tout arrêter. Et je n’ai pas toujours les outils qu’il faut », dit-il en gesticulant. Malgré les obstacles, il reste convaincu de l’importance de son travail. « Ce que je fais, ce n’est pas juste vendre. C’est honorer la mémoire de mon grand-père. C’est transmettre un savoir. Et puis, ça fait vivre aussi l’histoire des anciens », convainc-t-il.
Il espère qu’un jour, l’on reconnaîtra mieux la valeur du métier de l’artisanat. « S’il y avait un lieu pour nous, des gens pour nous aider à vendre ou même à former des jeunes, ce serait bien. Moi, je peux apprendre à d’autres comme on m’a appris. Il faut que ça continue », exprime-t-il pour conclure.
L’arc, le carquois et la flèche constituent ensemble l’équipement de base du tir à l’arc. L’arc est l’arme utilisée pour propulser la flèche, le carquois est le conteneur où les flèches sont stockées, et la flèche est le projectile qui vise la cible.
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