Perception de la Corruption en 2024: Hausse Légère

Perception de la Corruption en 2024: Hausse Légère
Perception de la Corruption en 2024: Hausse Légère

Africa-Press – Burkina Faso. Le rapport 2024 sur l’état de la corruption au Burkina Faso a été officiellement présenté ce lundi 22 décembre 2025 à Ouagadougou, lors d’une cérémonie présidée par le secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC), Pissyamba Ouédraogo. Elle s’est déroulée en présence de la trésorière générale du RENLAC, Marie Yonli/Zomodo, ainsi que de représentants de la société civile et des médias. Il ressort des résultats de l’Indice composite de la mesure de la corruption dans les administrations publiques (ICMC-AP) que le trio de tête des administrations les plus exposées à la corruption demeure inchangé.

Selon le rapport 2024 du RENLAC, la police municipale arrive en tête du classement, suivie de la Douane, tandis que la Police nationale occupe la troisième position, pour ce qui est de la perception de la corruption dans les administrations publiques. Ainsi, les scores s’établissent respectivement à 49,50 pour la Police municipale, 27,29 pour la Douane et 25,76 pour la Police nationale, contre 52,21, 37,17 et 24,03 en 2023.

Si la Police municipale demeure en tête du classement, une baisse des indices est néanmoins enregistrée au niveau de cette administration ainsi qu’au sein de la Douane, traduisant, selon le RENLAC, les efforts entrepris par ces services pour améliorer leurs pratiques et réduire les perceptions de corruption.

Sécurité et gouvernance: un combat indissociable

Dans son allocution, le secrétaire exécutif du RENLAC a d’abord salué les efforts consentis par les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) pour la préservation de l’intégrité territoriale. Toutefois, a-t-il souligné, cette urgence sécuritaire ne saurait justifier un relâchement sur les questions de transparence, de redevabilité et de bonne gouvernance.

Un espace civique sous pression

RENLAC souligne que le rapport est publié dans un contexte de rétrécissement de l’espace civique, qui limite les capacités d’action des organisations de la société civile et des médias. « Le rétrécissement de l’espace civique limite les capacités des acteurs à jouer pleinement leur rôle de veille citoyenne et d’information saine au profit des populations, en vue de renforcer la transparence et la redevabilité publique », a-t-il indiqué.

Pour le réseau anticorruption, affaiblir ces contre-pouvoirs revient à fragiliser davantage les mécanismes de reddition des comptes, pourtant indispensables à une gouvernance efficace.

Une légère hausse de la perception de la corruption

Sur le plan des résultats, le rapport 2024 révèle une légère augmentation de la perception citoyenne de la corruption par rapport à l’année précédente. L’indice synthétique de perception de la corruption (ISPC) est ainsi passé de 40 points en 2023 à 41 points en 2024, après une baisse notable enregistrée l’année précédente.

Une évolution qui, selon le RENLAC, doit alerter les différents acteurs engagés dans la lutte anticorruption. Le secrétaire exécutif a rappelé qu’un scénario similaire avait été observé par le passé, montrant qu’après une baisse significative entre 2015 et 2016, la corruption avait repris une tendance haussière à partir de 2017.

Des efforts encore insuffisants au sommet de l’État

Pour Pissyamba Ouédraogo, ces résultats confirment le caractère endémique de la corruption au Burkina Faso, un phénomène installé depuis plusieurs décennies et dont l’éradication ne peut se faire sans une synergie d’actions entre les pouvoirs publics, la société civile et les médias.

Dans son intervention, le secrétaire exécutif du RENLAC a indiqué que le rapport 2024 s’est également intéressé aux actions de lutte contre la corruption menées par les acteurs étatiques et non étatiques. À ce niveau, l’analyse met en évidence une insuffisance d’actions d’envergure au sommet de l’État, malgré un discours officiel favorable à la lutte anticorruption.

« Bien que plusieurs initiatives aient été entreprises par le gouvernement, certaines d’entre elles sont restées inopérantes, à l’image de la loi portant renforcement de la neutralité politique et de la méritocratie dans l’administration publique adoptée en 2023 et dont les décrets d’application n’ont pas été pris. D’autres également posent un problème de cohérence face aux structures déjà existantes. C’est le cas notamment de la Commission de régulation des dysfonctionnements (CRD) dont on pourrait s’interroger sur la pertinence, étant donné l’existence des Inspections techniques de services (ITS) et de l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) qui sont censées normalement jouer le même rôle. Au surplus, le choix de rattacher directement cette structure au cabinet du président du Faso constitue une interrogation dans la mesure où les bonnes pratiques de lutte anti-corruption recommandent une certaine indépendance de la structure devant elle. Or, on constate même actuellement la réduction du budget alloué à ces structures, contrastant ainsi avec la volonté politique de lutte contre la corruption affichée au sommet de l’État », a confié Pissyamba Ouédraogo.

Des moyens en baisse et un contrôle parlementaire peu actif

Du côté du Parlement, le secrétaire exécutif du RENLAC relève que l’Assemblée législative de transition (ALT) ne s’est pas suffisamment illustrée dans le contrôle de l’action gouvernementale en matière de lutte anticorruption, bien que quelques chantiers juridiques et enquêtes à fort enjeu de gouvernance aient été menés.

En revanche, les corps de contrôle de l’État, notamment l’ASCE-LC, la CENTIF et la CONACFP, demeurent, selon le rapport, des acteurs centraux à travers la conduite d’audits et d’enquêtes, même si leurs actions restent limitées par des contraintes techniques et financières.

Une dissuasion encore perfectible

Sur le plan judiciaire, le RENLAC reconnaît que la justice a matérialisé son rôle dans la lutte contre la corruption et les crimes économiques, notamment à travers le traitement de dossiers emblématiques tels que les affaires Amidou Tiegnan, Charbon fin et Vincent Dabilgou. Toutefois, certaines décisions, à l’instar de celles rendues dans l’affaire CNSS, marquées par des peines jugées clémentes et assorties de sursis, constituent des limites objectives en matière de dissuasion.

918 plaintes enregistrées et 131 dossiers judiciaires suivis

S’agissant des acteurs non étatiques, le secrétaire exécutif a salué leur contribution déterminante à la lutte contre la corruption, notamment à travers l’éveil des consciences et la mobilisation citoyenne. En 2024, le RENLAC a enregistré 918 plaintes, soit une hausse de 26 % par rapport à 2023, et a assuré le suivi de 131 dossiers judiciaires, dont 27 nouveaux introduits au cours de l’année. Cette dynamique conforte, selon lui, la position du RENLAC comme contre-pouvoir crédible dans la lutte contre les crimes économiques.

La presse, quant à elle, continue de jouer un rôle essentiel dans la révélation des scandales de corruption. Cependant, elle a été particulièrement affectée en 2024 par le rétrécissement de l’espace civique, les difficultés économiques et les risques sécuritaires, qui limitent aujourd’hui sa capacité d’action sur le terrain.

Des recommandations pour une lutte plus efficace

Au regard de ces constats, le rapport 2024 formule plusieurs recommandations à l’endroit des acteurs étatiques. Il est notamment demandé au gouvernement d’assurer un financement durable et adéquat des pôles judiciaires spécialisés dans les infractions économiques et financières, ainsi que des corps de contrôle, en particulier l’ASCE-LC, afin de renforcer leurs capacités d’audit, d’investigation et de vérification des déclarations d’intérêts et de patrimoines.

Le RENLAC insiste également sur la nécessité de garantir l’effectivité des libertés individuelles et collectives, indispensables à l’exercice de la veille citoyenne. Les parlementaires sont, pour leur part, appelés à renforcer le contrôle de l’action gouvernementale, en orientant davantage leurs enquêtes vers les questions de corruption et de malgouvernance, tout en assurant le suivi effectif des recommandations issues des commissions d’enquête.

Enfin, la justice est invitée à renforcer le caractère dissuasif de ses décisions, tandis que le RENLAC entend poursuivre ses actions de plaidoyer, en synergie avec les autres acteurs, pour l’adoption d’une loi robuste de protection des lanceurs d’alerte, tout en consolidant les partenariats avec l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre la corruption.

Le rapport 2024 apparaît ainsi comme un outil d’alerte et d’aide à la décision, invitant à renforcer les mécanismes de prévention, de contrôle et de sanction, tout en consolidant la participation citoyenne.

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