Africa-Press – Burkina Faso. Des résultats encourageants contredits par des analyses alarmantes. Ces jours-ci, les nouvelles sur le front de la lutte contre le changement climatique sont contradictoires. La bonne nouvelle d’abord. Les politiques de réduction des émissions provenant des hydrofluorocarbures (HCFC) sont efficaces. Selon une équipe de l’université de Bristol (Royaume-Uni), le pouvoir radiatif de ces molécules, c’est-à-dire la faculté pour un gaz de retenir la chaleur émise par le soleil au sein de l’atmosphère terrestre, a diminué de 1% depuis 2021, une tendance qui semble bien établie.
Pour obtenir ce résultat qui vient d’être publié dans la revue Nature Climate Change, les chercheurs britanniques ont utilisé les données des appareils embarqués sur les satellites de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis ainsi que les mesures du réseau Advance Global Atmospheric Gases Experiment (Agage), qui analyse en continu avec l’aide d’une quinzaine de stations au sol la composition globale de l’atmosphère depuis 1978.
Pour les chercheurs, cette baisse signifie que le pic des émissions de HCFC a été dépassé. C’est le fruit du protocole de Montréal adopté par la communauté internationale en 1987. À cette époque, les chlorofluorocarbures (CFC) sont clairement condamnés pour leur rôle dans la formation du trou dans la couche d’ozone stratosphérique constaté tous les étés australs au-dessus de l’Antarctique. Les composés chlorés relâchés par les systèmes de climatisation, les réfrigérateurs, les bombes aérosols détruisent les molécules d’ozone qui, entre 10 et 50 kilomètres de hauteur, protègent la Terre des rayonnements UV nocifs émis par le soleil. Ces CFC sont alors remplacés par les HCFC qui s’avèrent à l’usage être des agents de réchauffement climatique 1910 fois plus puissants que le CO2 sur une période de cent ans.
Depuis la fin du 20e siècle, divers amendements au protocole de Montréal ont organisé la fin de la production et de l’utilisation de ces molécules d’ici à 2040. La diminution de la production a commencé visiblement avec succès selon cette étude. « En instaurant des contrôles stricts et en promouvant l’usage de produits alternatifs non destructeurs d’ozone, le protocole de Montréal a infléchi avec succès la courbe des émissions et les niveaux de HCFC dans l’atmosphère », s’est réjoui ainsi Luke Western, principal auteur de l’étude, dans le communiqué de l’université de Bristol.
Les émissions de l’agriculture et de l’élevage ont fortement augmenté en 40 ans
La mauvaise nouvelle maintenant. Les teneurs en protoxyde d’azote ou oxyde nitreux (N20) augmentent fortement. Le budget global de ce gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement global 300 fois supérieur au CO2 vient d’être établi par un large rassemblement de 55 organismes scientifiques de 15 pays dont pour la France le Centre national de recherche météorologique (CNRM-Météo France), le laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/ CEA/CNRS/universités Saint-Quentin-en-Yvelines et Saclay) et AgroParisTech.
À l’instar du Global Carbon Project qui fait le point de l’évolution des émissions globales de gaz à effet de serre, ce travail consiste à évaluer les volumes émis et surtout à caractériser la responsabilité de chacun des secteurs émetteurs. Or, jamais les émissions de ce gaz n’avaient été aussi importantes, révèle l’article publié dans la revue Earth System Science Data.
Lors des quatre dernières décennies, les émissions de N20 ont augmenté de 40%. Et le taux d’émission a atteint entre 2020 et 2021 une accélération jamais constatée depuis le début de l’ère industrielle. La principale activité humaine responsable est l’agriculture avec une augmentation des émissions de 67% en quatre décennies, passant de 4,8 millions de tonnes de N20 en 1980 à 8 millions de tonnes en 2020, si bien que les teneurs de ce gaz dans l’atmosphère ont atteint 336 parties par milliard (nombre de molécules dans un m3 d’air) en 2022, 25% de plus qu’en 1980.
Un secteur agricole imparfaitement pris en compte dans les négociations climat
Les émissions proviennent principalement de l’épandage des engrais chimiques et des lisiers d’élevage. Les agriculteurs du monde entier ont utilisé 107 millions de tonnes d’engrais en 2020 contre 60 millions de tonnes 40 ans plus tôt. La production de fumiers d’élevage est passée, elle, de 101 à 208 millions de tonnes dans le même laps de temps. Les cinq principaux émetteurs sont la Chine, l’Inde, les États-Unis, le Brésil et la Russie.
« Les émissions d’oxydes nitreux doivent diminuer dès maintenant pour limiter la hausse de la température mondiale à moins de 2°C, estime le principal auteur de l’étude Hanqin Tian, professeur au Boston College, aux États-Unis, dans le communiqué du Global Budget. Réduire leurs émissions est la seule solution car à ce jour, aucune technologie n’existe pour retirer ce gaz de l’atmosphère. »
Un accord international sur la réduction des émissions de N20 n’existe pas. Il serait nettement plus difficile à établir que pour les HCFC, fabriqués par quelques industriels. Ici, les émissions sont nettement plus diffuses et proviennent de millions d’exploitations agricoles. Des progrès peuvent cependant être enregistrés grâce à des changements de pratiques agronomiques. Ainsi, notent les chercheurs, les émissions de N20 ralentissent en Chine depuis le début des années 2010 et c’est le cas également en Europe depuis les années 1990. Mais elles continuent d’augmenter aux États-Unis. Les émissions du secteur agricole ne sont réellement entrées dans les négociations climat annuelles qu’à partir de 2016 à Marrakech mais ne sont malgré tout pas encore obligatoirement intégrées aux efforts de réduction des gaz à effet de serre sur lesquels les États doivent désormais s’engager.
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