Allô M. Président, l’urgence de stabiliser l’univers médical burundais est incontestable

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Allô M. Président, l’urgence de stabiliser l’univers médical burundais est incontestable
Allô M. Président, l’urgence de stabiliser l’univers médical burundais est incontestable

Africa-Press – Burundi. Avec un salaire de base de 77 mille fbu, pouvons-nous vraiment blâmer les médecins qui choisissent l’exode ? Entre les patients qui se plaignent et les médecins qui subissent des affronts sans pouvoir protester, qui débloquera cette situation qui risque de s’empirer si rien n’est fait dans l’immédiat ? Un médecin burundais qui a changé de carrière écrit une lettre au président, car de lui seul viendra le salut…

Son Excellence M. le président,

Il y a quelques mois, une patiente du nom de Priscilla a adressé une lettre aux médecins émigrés, dans laquelle elle évoquait les peines qu’endurent les malades qui ne trouvent plus ces disciples d’Esculape pour les soins de santé appropriés.

Depuis sa parution, je n’arrive plus à m’empêcher de me questionner sur la problématique de désertification médicale dont souffre le système sanitaire burundais.

Entre les patients qui se plaignent et les médecins qui subissent des affronts sans pouvoir protester, qui est ce qui va débloquer cette situation qui risque de s’empirer si rien n’est fait dans l’immédiat ?

Ce serait peigner une girafe si j’adressais ma réaction à Priscilla, car de nous deux ne viendront certainement pas de solutions pouvant mettre fin à ce fléau. Mais de vous M. le président peut provenir le salut pouvant remettre sur les rails l’univers médical burundais qui flétrit progressivement.

Pour commencer, je suis médecin Je suis détenteur d’un diplôme de Docteur en Médecine que j’ai obtenu après 10 ans d’études médicales. Croyez-moi, M. le Président, ces 3 années de plus sont le résultat des années académiques élastiques que l’on garde en amer souvenir de notre long cursus médical. 36 mois de perdus que l’on ne rattrapera jamais.

Un coup dur en plein visage dont je pensais panser les meurtrissures avec le premier boulot de médecin consultant que j’ai eu dans un hôpital de district à l’Est du Pays. Mais la désillusion m’a pris au dépourvu au vu du salaire dont l’inadéquation avec le travail de médecin n’est pas un sujet sur lequel divergeraient les opinions.

Accuser alors le médecin burundais de laisser les malades de son pays pour aller secourir ceux d’un pays qui ne l’a pas bercé, c’est comme parler de corde dans une maison d’un pendu. C’est évoquer devant quelqu’un des sujets pouvant réveiller des souvenirs pénibles.

L’exode des médecins, un autre choix…M. le Président,

L’exercice de l’art médical est euphorique bien qu’à la fin de chaque journée de travail, on est carbonisé à cause de la fatigue. Quelle immense fierté de voir un visage joyeux d’une parturiente au côté de laquelle tu viens de passer une nuit blanche ; celle dont la figure était morose à cause des contractions utérines et qui, d’un coup, loue Dieu de l’avoir placée entre tes mains ? Quelle exaltation ! Qu’est-ce que ça réconforte moralement !

Mais cette récompense se suffit-elle à elle seule ? Avec un salaire de base de 77 mille francs bu, on a toujours du plomb dans l’aile et on se trouve sur la corde raide, en galérant à joindre les deux bouts du mois.

Une raison qui motive l’exode tant décrié des médecins burundais, qui engendre l’insuffisance des médecins prestant à l’intérieur du pays et qui provoque l’abdication et le changement de carrière pour pas mal de médecins dont je fais partie. Parler alors d’exode des médecins est un sujet de discussion qui divise, un vrai point d’achoppement.

Si rien n’est fait… M. le président de la République,

On ne peut pas le dire ouvertement, mais croyez-moi, beaucoup sont ceux qui restent encore au chevet des malades parce qu’ils attendent la meilleure opportunité qui puisse se présenter pour renoncer à ce beau métier, la mort dans l’âme.

Pire encore, l’engouement des jeunes pour la médecine va decrescendo. Alors que la nouvelle organisation prévoit 100 jeunes étudiants en 1ère année de médecine dans chacune des 3 universités offrant la formation médicale, l’effectif à l’université du Burundi, de Ngozi et Espoir d’Afrique est respectivement de 78, 68, 27. Des chiffres en constante baisse qui devraient alarmer.

Au vu de l’affluence réduite des nouveaux lauréats qui rallient la médecine, dire que ce n’est plus une faculté prisée ne serait pas sans fondement. Alors que la croissance démographique est galopante, le nombre de médecins en devenir devrait aussi suivre la même cadence. Si rien n’est fait pour amener le système sanitaire burundais à la stabilité, je crains le pire d’ici 5 à 10 ans.

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